Dom Juan ou le Festin de pierre
Cours : Dom Juan ou le Festin de pierre. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Pichotanna • 31 Octobre 2019 • Cours • 5 543 Mots (23 Pages) • 788 Vues
Analyse Méthodologique
Dom Juan ou le Festin de pierre
Acte I, scène première
A / LA FORME DU DISCOURS
Dans la première partie de notre texte qui est le début de Dom Juan, Sganarelle fait un discours sur le tabac :
- Ce dernier n’a aucun rapport avec le sujet de la scène;
- Le sujet importe effectivement peu, le but de Sganarelle étant de briller devant Gusman, le serviteur d’Elvire
- À la limite le discours de Sganarelle est tellement stéréotypé que l’on pourrait substituer n’importe quel objet au tabac.
Cet éloge du tabac est un discours rhétorique parfaitement codé. C’est ce qu’on appelle une digression : La digression est une partie du discours qui s’écarte du sujet principal (ici la cause du départ de Dom Juan dont vient s’informer Gusman). La fonction de la digression est de faire briller l’orateur. Cette digression comprend les trois parties que contient habituellement ce type de discours :
- L’exorde dans lequel on présente le sujet et l’on tente de capter l’attention et la bienveillance des auditeurs « quoi que puisse dire Aristoste (...) pas digne de vivre » (1 à 4);
- La narration/Développement dans laquelle on démontre sa thèse par une série d’arguments « non seulement il réjouit (...) on court au devant du souhait des gens » (4 à 10)
- L’épilogue/Conclusion dans lequel on résume sa thèse « Tant il est vrai (...) à tous ceux qui en prennent » (10 à 12)
B / LE CONTENU DU DISCOURS
Le sujet de cette digression est l’usage du tabac qui était condamné par les dévots et dont la vente avait été interdite sous Louis XVIII. Sganarelle, en en faisant l’éloge vient donc se placer du côté des esprits novateurs, modernes, opposés aux esprits arriérés, rétrogrades. Ceux-ci étant symbolisés par Aristote.
En utilisant l’expression « Aristote et toute la philosophie » donc en critiquant Aristote, Sganarelle semble épouser le point de vue progressiste de son maître, Dom Juan et il se pose ainsi comme son égal intellectuel.
Cependant il apparaît aussitôt que la référence à Aristote est gratuite et ridicule puisqu’ Aristote est un philosophe du IVe siècle avant Jesus Christ et que l’usage du tabac remonte au XVIe siècle.
Sganarelle va attribuer au tabac un certain nombre de qualités ou de dimensions :
- Une dimension morale. Il porte une condamnation d’ordre éthique contre ceux qui n’utilisent pas le tabac « qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre » (3 à 4)
- Une dimension philosophique. Le tabac devient un moyen de conquérir la vertu (idéal pratique visé par toute philosophie) « Il instruit les âmes à la vertu »
- Une dimension sociale. Le tabac, d’après Sganarelle permettrait également d’atteindre un idéal social « C’est la passion des honnêtes gens », « On apprend avec lui à devenir honnête homme » ( cad homme vertueux, cultivé et courageux donc idéal social du XVIIe ); il exalte les vertus socialisantes du tabac (6 à 10) « Ne voyez vous pas » (6 à 10)
- Une dimension médicale. « Il purge les cerveaux humains »
Ainsi Sganarelle attribue-t-il au tabac des vertus morales, éthiques, sociales et médicales qui sont bien évidemment sans aucun rapport avec son usage. Ce discours est donc incohérent mais il permet à Sganarelle de devenir imaginairement l’égal de son maître et d’acquérir ainsi un prestige face à Gusman.
III / DOM JUAN DÉCRIT PAR SGANARELLE
On a l’utilisation d’un mot savant, latin pour tenter d’imiter le language de son maître. Encore une fis il s’agit d’une singerie puisqu’ étant seuls sur scène le discourons ne peut être qu’entre eux mais surtout si l’expression « inter nos » veut dire ne va pas le répéter, cela révèle sa peur du maître alors absent (mon maître = soumission ).
Le description de Dom Juan est faite sous la forme d’une énumération.
- Un scélérat (un criminel)
- Un enragé (un malade ou métaphoriquement un agité)
- Un chien (animal connoté négativement)
- Un diable (ange déchu)
- Un turc (un musulman)
- Un hérétique (croire en Dieu de la mauvaise manière, celui qui ne croit qu’a une partie du dogme)
- Un athée —> On ne peut pas être hérétique ET athée
- Un loup-garou
- Une bête brute (animal opposé à l’humanité)
- Un pourceau d’Epicure (cochon d’Epicure —> philosophe matérialiste de l’Antiquité
- Un Sardanapale (roi d’Assyrie de 669 à 631 av.J.-C. Qui vit dans le luxe et la débauche)
Les injures dont Sganarelle qualifie Dom Juan sont sans aucun rapport entre elles. Elles mélangent les registres : des insultes, la religion, la superstition, la philosophie, l’histoire. Son discours est donc incohérent.
D’autre part, il révèle une méconnaissance de la religion que Sganarelle mélange avec des éléments de pure superstition. Un des points scandaleux de la pièce réside dans le fait que le défenseur de la société et de la religion est précisément Sganarelle et que la relation entre superstition et religion n’est pas réfutée. Le discours totalement incohérent de Sganarelle justifie par son absurdité l’attitude de Dom Juan qui a parfaitement raison de traiter de billevesées tout ce que crois Sganarelle et les gens de son espèce. Cherchant à critiquer l’attitude de Dom Juan, il ne fait que la conforter, la renforcer; et il obtient donc le contraire du résultat recherché.
« Suffit qu’il faut que le courroux du Ciel l’accable quelque jour (...) je ne sais où » L’existence d’un dieu, d’un maître divin, d’un « courroux du ciel » permet à Sganarelle de nier imaginairement sa dépendance à l’égard de son maître terrestre. Cela lui permet de justifier sa lâcheté. Il n’a pas besoin de se révolter contre Dom Juan puisque c’est Dieu, le maître suprême qui le punira. Mais cette négation de sa dépendance ne libère Sganarelle que dans son imaginaire puisqu’en réalité il appartient à Dom Juan comme le montre sa peur nettement perceptible dans la fin du texte.
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