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Dissertation: pensez-vous que la poésie ne doive servir que la Beauté et se détourner du réalisme ?

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Par   •  28 Mars 2020  •  Dissertation  •  2 137 Mots (9 Pages)  •  2 419 Vues

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CORRECTION DISSERTATION

La beauté peut se concevoir comme un principe abstrait ; ce qui se voit qualifié de « beau » en offrirait l’expression concrète : à ce titre la notion concerne autant les objets naturels que les objets culturels. On peut considérer les productions de l’art comme répondant le plus directement à une exigence humaine de production ou d’expression de la beauté. A ce titre l’art tendrait par essence vers ce principe idéal, en soi au-delà du monde, du réel quotidien. Quant à la littérature, la poésie pourrait bien être le genre le plus investi d’une telle exigence de l’art. Pour autant, ces conceptions de la beauté et de l’art sont problématiques :  « pensez-vous que la poésie ne doive servir que la Beauté et se détourner du réalisme ? ». L’attachement au réel apparaît ici contraire à cette aspiration à la beauté qui caractériserait en propre la poésie. Dès lors le réel semble par nature lié au laid et serait donc indigne de l’expression poétique. Défiant l’association platonicienne du Beau au Bien, et, par-là même, celle du mal au laid (qui résiderait dans le réel), Baudelaire écrit « il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du Mal » : Il y a là une gageure du poète. Nous devrons ainsi tenter d’appréhender la nature et les enjeux de la poésie dans ses rapports avec, d’une part, la beauté et l’idéal, d’autre part, le laid et ce qu’on peut qualifier de « prosaïque ».  Nous verrons tout d’abord en quoi l’on peut dire que la poésie doit servir la Beauté. Puis nous examinerons l’hypothèse selon laquelle la valeur de la poésie pourrait résider, plus profondément, dans une vertu transformatrice de la laideur du monde. Nous questionnerons finalement la possibilité d’une poésie qui saisisse la laideur comme tel, sans chercher sa sublimation, c’est à dire d’une poésie réaliste libérée de l’asservissement à la beauté.

I. La poésie est par essence au service de la Beauté. 

 La création poétique repose sur une distinction à l’égard du commun, du prosaïque.

 

1. L’origine de la parole poétique.

  Il convient de rappeler qu’à l’origine la poésie occidentale ne se conçoit pas en référence à la réalité matérielle. La véritable source d’inspiration n’est pas le monde visible (Homère est dit aveugle par la tradition) mais les muses, divinités intermédiaires entre le poète (l’aède de l’antiquité grecque) et le dieu. Le poète est investi, en quelque sorte possédé par ces forces occultes et transcendantes que sont les Muses. La poésie est originellement liée aux cultes religieux et au sacré (chez les celtes, les grecs, les romains, etc…). Le modèle archétype de tout poète, Orphée, était doué d’une parole oraculaire : il pouvait prédire l’avenir. L’expression de la beauté réfère ainsi dès son origine non au monde réel et matériel mais au domaine de l’idéal et du divin (Platon, Divin = beau/vrai/bien).

 ce rapport premier à l’idéal marque toute le dével de la poésie en Occident, notamment dans sa vocation a exprimer la beauté.

 

2. Par le choix de sujets privilégiés, la poésie a pour vocation de célébrer la beauté.

 Elle exprime la beauté exceptionnelle d’éléments de la nature (ex : Charles d’Orléans « le temps a laissé son manteau… »), ou encore des êtres et des sentiments (ex : le genre du blason et la tradition, continue des troubadours à nos jours, de la poésie d’amour, un âge d’or : la poésie pétrarquisante). Ce qui est perçu comme beau se distingue, se détache du reste du réel et la poésie accentue cette distinction. On voit qu’elle est orientée vers la beauté idéale et non vers le réalisme.

 elle exprime cette beauté par celle de son verbe, la création poétique est donc de plus productrice de choses belles, les poèmes.

 

3. La poésie sert et repose sur la beauté de la langue.

  La langue de la poésie non plus n’est pas réaliste, elle ne renvoie pas au langage parlé. Par ses nombreuses conventions (versification, prosodie, rime, cf. Hugo, « préface de Cromwell », sur la rime = « cette suprême grâce de notre poésie ») la poésie représente une forme supérieure de la langue (Mallarmé). Cela se joue aussi au niveau du lexique (choix de terme rares, dans le Parnasse notamment, abondance des périphrases dans la poésie du XVIIe s…). Ainsi, outre les thèmes choisis, la poésie célèbre aussi la beauté de la langue. Elle peut même pour ainsi dire créer, inaugurer des langues nouvelles (Dante et sa Divine Comédie pour l’italien, Rimbaud et son projet de renouvellement du langage). La poésie incarne ainsi une langue modèle, la langue au plus haut de gré de sa beauté.

 La poésie s’attache donc a des objets du monde admirables par leur beauté, elle les sublime et les rend en quelque sorte immortels par une langue qui se distingue (de la langue parlée comme de la prose). Ainsi, à la fois dans ses sujets de prédilection et dans son expression, la création poétique repose sur un geste d’extraction, de séparation et de distinction du commun. Ce geste d’extraction renvoie à la citation de Baudelaire.

 

II. La poésie est profondément attachée au réel parce qu’elle en est la sublimation.

  

1. Le comble de la poésie : « extraire la beauté du Mal »

  S’attacher à des objets communément considérés comme beaux peut apparaître comme une solution de facilité pour le poète, puisque la plus grande part de la beauté réside déjà dans les objets même, et non dans sa création. Ce dernier acquière donc une plus grande valeur lorsque le poète s’attache, par son travail de la langue, à consacrer en objet de contemplation esthétique cela même qui est unanimement considéré comme non-beau et même laid, abject, immonde. La gageure de B « d’extraire la beauté du Mal » (comme le principe même de la laideur) s’expose de la façon la plus marquante dans son poème « Une charogne ». L’auteur joue sur les contrastes par la comparaison poétique (la charogne est « comme une fleur ») et par l’oxymore « carcasse superbe ». Par le biais de la langue poétique (figure d’image, versification) la description du corps en décomposition se fait sublimation de l’immonde.

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