De la conscience
Commentaire de texte : De la conscience. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar assimina • 15 Juin 2019 • Commentaire de texte • 799 Mots (4 Pages) • 436 Vues
Séquence 3 Voilà mon crime ! Réflexion sur la justice
O/E La question de l’homme dans les genres de l’argumentation, du XVIème siècle à nos jours
Problématique : comment la littérature peut-elle contribuer à élaborer une pensée citoyenne sur la notion de culpabilité et de peine ?
L.A. N° 9 Extrait des Essais de Montaigne (1580/88/95), livre II chapitre 5 « De la conscience »
(Traduction français moderne)
[A] C’est une dangereuse invention que celle des gehennes1 et il semble que c’est plutôt une mise à l’épreuve de l’endurance que de la vérité. [C] Celui qui peut les supporter cache la vérité et il en va de même pour celui qui ne peut pas les supporter. [A] Car pourquoi la douleur me fera-t-elle plutôt confesser ce qui est qu’elle ne me forcera à dire ce qui n’est pas ? Et, à l’inverse, si celui qui n’a pas fait ce dont on l’accuse est assez endurant pour supporter ces tourments, pourquoi celui qui l’a fait ne le sera-t-il pas aussi, puisqu’il peut, en contrepartie, s’assurer la vie sauve ? Je pense que le fondement de cette invention est la prise en considération de la force de la conscience. Car, dans le cas du coupable, il semble qu’elle aide à la torture pour lui faire confesser sa faute, et qu’elle l’affaiblisse, et dans l’autre cas, qu’elle fortifie l’innocent contre la torture. Pour dire vrai, c’est un moyen plein d’incertitude et de danger.
[B]Que ne dirait-on, que ne ferait-on pour échapper à d’aussi vives douleurs ?
[C ]Etiam innocentes cogit mentiri dolor 2.
Il arrive que celui que le juge a gehenné1 afin de ne pas le faire mourir innocent, il le fasse mourir et innocent et torturé. [B] À cause de la torture des milliers de gens se sont chargés de fausses confessions. Parmi ceux-là, je place Philotas3, considérant les circonstances du procès que lui fit Alexandre et le déroulement de sa peine.
[A]Toujours est-il que la torture est [C] dit-on [A] le moindre mal que l’humaine faiblesse ait pu inventer.
[C] Invention bien inhumaine et bien inutile, à mon sens ! Plusieurs nations, moins barbares4 en cela que la grecque et la romaine qui les appellent ainsi, estiment horrible et cruel de tourmenter et de désarticuler un homme dont la faute est encore douteuse. Qu’en peut-il, lui, de votre ignorance ? N ’êtes-vous pas injustes vous qui, pour ne pas le tuer sans raison, lui faites pis que le tuer ? La preuve qu’il en est bien ainsi : voyez combien de fois un homme préfère mourir sans raison que subir cette procédure d’information pire que le supplice que souvent, par sa cruauté, elle avance et accomplit. Je ne sais d’où je tiens ce conte, mais il rapporte exactement la conscience de notre justice. Une villageoise accusait devant un général d’armée5, grand justicier, un soldat pour avoir arraché à ses petits enfants le peu de bouillie qu’il lui restait pour les nourrir, l’armée ayant ravagé tous les villages des environs. De preuve, il n’y en avait point. Le général, après avoir sommé la femme de bien regarder à ce qu’elle disait, d’autant qu’elle serait coupable de son accusation si elle mentait, fit, comme elle persistait, ouvrir le ventre au soldat pour s’éclaircir de la vérité du fait. Et la femme se trouva avoir raison. Condamnation instructive.5
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