DISSERTATION sur les fourberies de scapin

Louane Mongodin                                                                     102

Dissertation

-Sujet 3 : « La position de Dubois est celle d’un auteur, dans la mesure même où, il semble savoir, à propos des personnages, ce qu’ils ne savent pas encore d’eux-mêmes. » (René Demoris, Les Fausses confidences de Marivaux, l’être et le paraître, 1987)

En quoi Marivaux renouvelle-t-il la figure du valet au théâtre ? Vous répondrez en confrontant le valet des Fausses confidences à d’autres valets que vous avez découverts au gré de vos lectures complémentaires et personnelles.

        Au XVIIIème siècle, malgré le grand succès de la tragédie, on retrouve aussi des comédies qui à cette époque sont un moyen de transmettre une critique sociale notamment au sujet des domestiques. En effet, le valet par exemple est un des personnages types du théâtre qui va servir son maître. La relation maître-valet est une convention traditionnelle du théâtre de comédie qui joue sur les contrastes de la hiérarchie sociale. On retrouve d’ailleurs ce personnage dans Les Fausses Confidences de Marivaux écrit en 1737. Cet écrivain français particulièrement attentif à la psychologie des personnages raconte dans cette comédie en trois actes, les différentes étapes que franchit Dorante, un jeune noble ayant perdu sa fortune pour conquérir Araminte, une très riche héritière. Tout cela est rendu possible grâce aux stratagèmes de Dubois, l’ancien valet de Dorante. Comme le dit René Demoris en 1987 dans Les Fausses confidence de Marivaux, l’être et le paraître « La position de Dubois est celle d’un auteur, dans la mesure même où, il semble savoir, à propos des personnages, ce qu’ils ne savent pas d’eux-mêmes. » Dubois joue dans cette pièce un rôle primordial. On se demande alors dans quelle mesure, la figure du valet au théâtre est-elle renouvelée à travers le personnage de Dubois. Nous verrons dans une première partie, les caractéristiques qui font de Dubois un valet hors du commun et dans une deuxième partie, nous montrerons que Dubois conserve malgré tout quelques caractéristiques du valet traditionnel.

        Premièrement, Dubois qui est l’ancien valet de Dorante, désormais au service d’Araminte est un valet qui se distingue de la figure du valet traditionnel. En effet, c’est un fin stratège qui use de différents moyens pour accomplir son défi qui est d’aider son ancien maître à séduire Araminte. La position sociale de ce dernier créé d’ailleurs un paradoxe. En effet, il incarne le peuple mais c’est lui qui manipule la haute bourgeoisie et la noblesse notamment Araminte comme le montre la citation suivante « Je connais l’humeur de ma maîtresse, je sais votre mérite ». On comprend qu’en plus d’être un fin stratège, Dubois est un très bon observateur qui va jusqu’à observer les moindres faits et gestes de ceux qui l’entourent afin de mieux pouvoir les comprendre et donc les manipuler par la suite. Aux yeux des spectateurs, les rôles maître et valet s’inversent même parfois. Dubois devient le véritable maître qui grâce à ses complots et manœuvres transforme ses supérieurs en de simples pantins. On retrouve cet inversement des rôles aussi dans Les Fourberies de Scapin de Molière, lors de l’acte deux scène quatre quand Léandre supplie Scapin de l’aider « j’implore ton secours. » Cette citation confirme bien que Léandre (le maître) se soumet à Scapin (son valet). Il se fixe pour réussir sa mission (faire triompher l’amour) plusieurs objectifs : permettre aux deux personnages principaux de révéler leur amour, relativiser la question de l’argent et tenir éloigner toutes nuisances possibles à cet amour. Cependant pour parvenir à ses fins, Dubois se voit obliger de maîtriser plusieurs techniques de persuasion. Il maîtrise l’art du récit, de l’exagération et prêche le faux pour obtenir le vrai comme lorsqu’il conseille à Araminte de s’éloigner de Dorante dans l’acte trois, scène neuf. Son but est d’éveiller la jalousie d’Araminte pour qu’elle se rende compte de l’amour qu’elle ressent pour Dorante. On peut d’ailleurs le relever dans la scène quatorze de l’acte un « il y en a une qui n’en saurait revenir, et qui le poursuit encore tous les jours ». Ici, Dubois en annonçant à Araminte que Dorante est convoité par d’autres femmes, il éveille la jalousie d’Araminte qui peut craindre que les sentiments que Dorante ressent pour elle disparaissent. Nous pouvons donc nous rendre compte que Dubois se révèle être un valet extraordinaire notamment grâce à ses différents stratagèmes pour parvenir à ses objectifs.

        De plus, on peut ajouter qu’une des caractéristiques qui font que Dubois se distingue des valets traditionnels de la comédie est son côté manipulateur sans scrupules et sûr de lui contrairement à son acien maître plus velléitaire. En effet, Dubois ne doute pas de son ingéniosité et on le remarque d’ailleurs à plusieurs reprises comme lors de l’acte un, scène deux avec la phrase « je sais mes talents ». On en déduit que Dubois a conscience de ses capacités et n’a aucun doute quant à la réussite de sa mission. On peut aussi ajouter qu’il ne supporte pas qu’on lui vole la vedette, c’est lui et lui-seul le glorieux stratège. Dubois se distingue des autres valets que l’on retrouve dans différentes comédies. Par exemple, dans Dom Juan de Molière, bien que Sganarelle fasse rire le public, il apparait comme un valet dépourvu de bon sens qui n’est comparable en rien avec Dubois, le valet stratège et ingénieux.  Comme nous l’avons dit précédemment, Dubois est sans scrupule en usant parfois de moyens psychologiques. Il l’assume d’ailleurs complétement comme le montre la citation « Il faut l’achever pendant qu’elle est étourdie » de l’acte trois, scène un. Dans cette scène, Dubois explique à Dorante qu’il faut donner la lettre à Araminte tant qu’elle reste troublée des événements qui viennent juste de se dérouler. Son sang-froid est un des ses atouts majeurs car il lui permet de dominer toutes les situations et de tirer les ficelles. On peut d’ailleurs comparer Dubois au vicomte de Valmont des Liaison dangereuses de Laclos publié en 1782. Nous venons donc de montrer que le côté sans scrupule de Dubois fait de lui un valet bien différent des valets traditionnels que l’on retrouve dans de nombreuses comédies.

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