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Céline Voyage au bout de la nuit incipit

Commentaire de texte : Céline Voyage au bout de la nuit incipit. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  23 Mai 2022  •  Commentaire de texte  •  2 692 Mots (11 Pages)  •  546 Vues

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LECTURE LINEAIRE

Céline, Voyage au bout de la nuit, incipit

Partie 1 de « Ça débuté comme ça » jusqu’à « Voilà » : Au commencement. (l1 à l4)

« Ça a  débuté comme ça » Le texte commence in medias res du fait du pronom démonstratif « ça » normalement référentiel bien que paradoxalement « débuté » indique le commencement, c’est à dire d’une façon un peu malicieuses (retorse, provocatrice ?) de la part du narrateur, l’incipit, comme le faisait les moines copistes du Moyen-Age. Le narrateur s’inscrit donc dans une tradition d’écriture que contredit évidemment la familiarité de l’expression (pronom contracté « ça » à la place de la forme soutenue « cela », usage à l’écrit du passé composé, temps réservé à l’oral) et l’apparente lourdeur stylistique (usage de 2 fois « ça », « ça a » pas très joli à l’oreille)

« Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. » L’usage de la langue familière se poursuit par l’absence de négation (j’avais jamais «  au lieu de « je n’avais jamais ») et par l’usage de la redondance emphatique « Moi, je » et l’oralité est également visible à travers l’usage de la phrase nominale. « Rien. » Placée en deuxième position du texte cette affirmation à de quoi surprendre. En effet cette voix narrative va parler pendant près de 400 pages. Cette apparente contradiction n’est que la première une longue série tout au long du texte. Le silence avant le bruit évoque évidemment aussi le silence avant la tempête et métaphoriquement  le bel été (« à cause de la chaleur ») avant la déflagration de 1914. On ne peut, rétrospectivement, s’empêcher de penser à l’histoire, à tous ceux qui avant n’avaient rien dit et vont parler, se battre (les nationalistes, le révolutionnaires, les soldats, bref, le(s) peuple(s). Deux remarques s’imposent sur cette voix narrative, ce « moi » qui prend en charge la parole. Tout d’abord, on ne sait rien de lui, ni qui il est ( identité), ni à quel titre il prend la parole (témoin, acteur, victime de l’histoire), ensuite il se caractérise par du négatif presqu’hyperbolique : « jamais », « rien », « Rien » Bref, on a affaire à l’antihéros par excellence . D’autant plus que la phrase suivante « C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler » met en valeur, par le présentatif un antagoniste, Arthur Ganate,   qui est le véritable moteur de l’action  (m’a fait parler » et qui d’ailleurs a le droit à un début d’indentification énumérative ;  « un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade ». D‘emblée le personnage principal dont on ne connaît toujours pas le nom est donc présenté comme sous influence. Il est également présenté comme livré au hasard.  « On se rencontre donc Place Clichy » Le présent de narration marque l’aspect fortuit de cette rencontre de laquelle va découler tout le livre. À noter « donc » qui ici ne conclut aucune démonstration mais à la fois ponctue et force à revenir à l’essentiel du récit après une digression. Là encore l’expression n’est pas neutre : la volonté de trouver un relation de cause à effet entre les choses (« donc » qui en réalité entraînent au hasard les gens reflète d’une part la volonté après coup de donner un sens à l’Histoire et l’obligation dans un récit donner un sens, une orientation à l’histoire sous peine de perde le lecteur. Or c’est bien là le propos et la problématique de Céline qui doit construire une histoire pour montrer que rien n’a de sens.

D’où l’apparent ancrage spatiotemporel (« place Clichy », « après le déjeuner »), l’entraînement narratif au présent de narration qui rend la scène plus présente ; « Il veut me parler. Je l’écoute » Succession des phrases simples S Vb Ct qui suggère une action rapide. L’ensemble semble important, un secret, peut-être. « Restons pas dehors ! qu’il me dit. Rentrons ! » La double injonction à l’impératif le laisse croire. Là encore Arthur Ganate prend les choses en main et la narrateur obéit. À noter qu’à l’accélération du mouvement se  fait écho la distorsion de la syntaxe . Au lieu d’une forme il me dit : » » ou il me dit de ou il me dit que, Céline invente une forme nouvelle de discours indirect : la forme directe + qu’il et le verbe introducteur. Bref, une nouvelle langue. Comme si finalement, l’ancienne langue, l’ancienne façon de raconter était impropre et qu’il en fallait une nouvelle qui rompe avec le passé. Une fois encore nous pouvons mettre cela en rapport avec l’Histoire. (NB : c’est le propos de notre explication : une nouvelle façon d’écrire pour dire d’une nouvelle façon les choses)Rien ne sera plus jamais pareil après 14-18.

« Rentrons. Je rentre avec lui » La parole se fait ici presque performative puisque l’ordre et immédiatement suivi de son exécution.

« Voilà. » Le mot fait écho au « Ça » initial et clôt cette première partie. Si l’on résume. Une rencontre fortuite de deux copains et l’un qui entraîne l’autre, quelque chose de banal qui va donner lieu à un roman.

Partie 2 une grande discussion…inutile. L4 à l 15

« Cette terrasse, qu’il commence, c’est pour les œufs à la coque ! Viens par ici ! » Arthur Ganate va occuper presque toute la scène. Sa prise de parole est double. Une assertion au présent de vérité (« cette terrasse c’est pour les œufs à la coque » et une injonction au présent de l’impératif. « Viens par ici » On s’attendrait, dès lors, du fait de l’emploi de l’adverbe de temps « alors » qui indique généralement une péripétie, à de l’action sur fond de confidence. Il n’en est rien. Les deux personnages désignés par « on », forme populaire du « nous » se contentent d’observer «  on remarque encore qu’il n’y  avait personne dans les rues à cause de la chaleur ; pas de voiture. Rien. » Et ils observent la vacuité, un monde vide évoqué par une sorte de redondance ternaire « personne », « pas de voiture », « rien » qui fait bien sûr écho au « rien » de la première ligne. Mais contrairement au début, ce rien amène une phrase, une sorte de sentence : « Quand il fait froid non plus, il n’y a personne dans les rues » formule construite sur une phrase complexe composée d’une principale au présent de vérité et d’une subordonnée au même temps. Et qui du fait du balancement syntaxique et de la rime interne (plus : rues) de ce presqu’alexandrin ressemble à s’y méprendre à un proverbe (ex : quand les chats ne sont pas là, les souris dansent.) On assiste donc aux réflexions quasi ethnologiques de deux personnages ou plus prosaïquement à une conversation de bistrot. On aimerait en tout cas croire que la narrateur enfin fait preuve d’un quelconque discernement, mais immédiatement le « mais » et le présentatif « c’est lui » viennent nous faire comprendre qu’il s’agit là encore d’une affirmation péremptoire d’Arthur. La formulation est assez étrange d’ailleurs : « c’est lui, même que je m’en souviens, qui m’avais dit à ce propos » Comme si le narrateur rendait à Arthur ce qui lui appartient, ou réalisait au dernier moment que cette idée n’est pas de lui, ou encore voulait se justifier : « Les gens de Paris.. » Quoi qu’il en soit le narrateur cède à nouveau la parole, au discours direct, cette fois, à Arthur qui apparaît comme le philosophe du duo ; Et de fait, quand on analyse l’argumentation, on s’aperçoit de son aspect retors. En effet d’un constat assez anodin : il n’ a personne dans la rue quand il fait chaud ou froid, Arthur fait un portrait très négatif des parisiens.  Qui oppose par la conjonction « mais » une apparence « les gens de Paris ont l’air toujours d’être occupés » à ce qu’il affirme être la réalité (« en fait ») « ils se promènent du matin au soir. Et le constat devient la preuve du raisonnement « la preuve c’est ….on ne les voit plus » Ce qui est la marque des raisonnements fallacieux. On notera la répétition de « promener » qui porte à croire que les parisiens sont des fainéants. On notera aussi la speudo rigueur de l’observation. : Le « café-crème » pour le froid et les «  bocks » pour la chaleur. On notera aussi la généralisation « Ils sont tous » qui est également la marque de la cataloguisation et du discours populiste. Et enfin l’expression péremptoire « C’est ainsi. » qui clôt magnifiquement la démonstration sans répartie possible.

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