Cyrano de Bergerac, ROSTAND, 1897
Commentaire de texte : Cyrano de Bergerac, ROSTAND, 1897. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar QFGz • 9 Avril 2018 • Commentaire de texte • 3 022 Mots (13 Pages) • 1 610 Vues
Cyrano de Bergerac, ROSTAND, 1897
Étude de la scène du balcon, III, 7, v.1440-1480
I. UN AVEU EXALTE : UNE DECLARATION D’AMOUR SINCERE ET LYRIQUE :
Cyrano, jouant le rôle de Christian, vient d’exprimer à Roxane son souhait de quitter le langage précieux pour d’autres mots, d’où la question de Roxane au v. 1. L’occasion est donc unique pour Cyrano de faire entendre au sens propre son amour pour sa cousine. Son aveu déguisé est paradoxalement marqué par une grande sincérité.
1) un propos sans artifice :
a) l’afflux des mots de Cyrano :
- prise de pouvoir du langage par Cyrano qui se déclare :
- alors que la scène était marquée jusqu’à présent par des répliques assez brèves, traduisant bien un échange entre Cyrano / Christian et Roxane, cet extrait repose sur 2 tirades de Cyrano (une quinzaine de vers pour la 1ère, une vingtaine pour la 2de).
- déséquilibre des répliques : Roxane provoque la déclaration de Cyrano (v.1 : question « Quels mots me direz-vous » ?). Puis 2 brèves interventions : 1er hémistiche du v.16 (pts de suspension car interrompue par les propos de Cyrano qui enchaîne à partir de sa remarque : « certes » v.16, « ce sentiment » répondant à « amour ») et 1 vers et demi (v.37-38).
=> la passion l’emporte.
- au pluriel « mots » v.1 énoncé par Roxane, répond l’abondance de termes au début de la réponse de Cyrano : « Tous ceux, tous ceux, tous ceux » (rythme [2/2/2] soulignant cet afflux des mots qui semble l’envahir dans un 1er temps ; hémistiche construit sur répétition).
champ lexical du discours, de la conversation : « mots » v.1, 32, verbe « dire » v.1, 29, 33.
=> Importance de la déclaration.
b) la simplicité
- Cyrano affiche sa volonté de ne pas tenir un discours précieux, comme cela avait été le cas jusque-là : utilise la métaphore précieuse des « bouquets » v.3 et des fleurs pour rejeter un discours apprêté (négation « sans les mettre » v.3 ; les présente « en touffe » v.2 à la rime).
- spontanéité : « qui me viendront » v.2 (pas discours construit, élaboré qui perdrait ainsi de sa sincérité), « jeter » v.2 qui indique que cela ne sera pas ordonné, bien agencé.
- simplicité du discours: formules simples comme le présentatif « c’est » (v.4, 17, 28, 30, 32…), simplicité de certaines structures (« je vous aime » v.3, « je suis fou » v.4), retour de certains termes (« tous » v.1, « tout » v.6, 7, 8, 14, 29…).
- déclaration de Cyrano se veut simple et sincère, ce qui va être propice au déploiement du registre lyrique.
2) un propos caractérisé par un lyrisme intense :
a) l’expression de l’amour :
- expression d’un sentiment personnel : marques de 1ère pers (v.2, 3, 4, 5…) qui innervent le discours de Cyrano dès le début. Forte présence du locuteur qui va s’exprimer.
- champ lexical de la passion amoureuse : verbe « aimer » (v.3, 4, 8), « amour » v.16, 18, 19 (anaphore), « cœur » v.5, « adoré » v.36 (sens fort).
- ponctuation affective : beaucoup de points d’exclamation indiquant sa passion (v.7, 10, 15, 18…).
- expression des sensations : « j’étouffe » v.3 à la rime (sorte de suffocation provoquée par la passion), « je frissonne » v.6 à la rime (opposition entre les 2 réactions traduit force de cet amour, passant d’un extrême à l’autre), « doux » v.28 (instants suaves).
- déclaration traduisant ses sentiments : « sens-tu mon âme » v.27.
b) l’idéalisation de la femme aimée :
- Première tirade : le héros exprime sa passion envers « Roxane » v.6 : jeune femme est au centre de ses propos. Va la présenter de manière idéalisée : phénomène de cristallisation (celui qui aime voit en l’objet aimé de nouvelles perfections) :
- Cyrano voit en tout ce que fait Roxane une occasion de la vénérer : cela est visible avec l’anecdote de la coiffure du « douze mai » v.9 (détail montrant la passion de l’amant qui ne cesse d’observer celle qu’il aime).
- Utilisation du motif de la lumière et de l’aveuglement avec l’image des cheveux (thème traditionnel dans la poésie) : cliché de la chevelure comparée au soleil (v.12). Champ lexical de la « clarté » v.11 (« soleil » v.12, « vermeil » v.13 faisant ici allusion à une couleur semblable à l’or chaud, « feux » v.14, « ébloui » v.15).
- obsession pour Roxane : comparaison « cœur » à la césure / « grelot » à la rime v.5. Répétition de « tout le temps » v.6-7 (traduisant obsession, fait qu’il pense sans cesse à elle). Chiasme « nom » / « grelot » symbolise le fait que le nom de Roxane est enfermé dans son cœur.
- Deuxième tirade : topos, clichés du langage amoureux pour traduire cette sublimation de la femme aimée : importance du regard (établissant un contact) avec le groupe nominal « chaque regard de toi » v.24 placé dans le 1er hémistiche (insistance sur l’aspect essentiel de tout regard qu’elle lui lance ; « toi » placé à la césure).
- idéalisation de la femme aimée se poursuit dans le pouvoir qu’elle possède sur celui qui l’aime : sa présence est capable de transformer Cyrano. C’est le cas v.24-25 : « une vertu / Nouvelle » (rejet mettant en valeur adjectif et tout ce que Roxane crée de positif en lui), « une vaillance » (à la césure ; force qu’elle lui apporte).
- passage reposant sur le registre lyrique et l’idéalisation de la aimée : l’expression des sentiments de Cyrano va entraîner l’émotion de Roxane qui va partager le trouble de celui qui l’aime.
3) et suscitant le trouble des deux amants :
a) une émotion partagée
- le trouble de Cyrano :
- la scène voit une progression dans l’expression de la passion : exaltation de Cyrano qui se laisse aller à révéler ses véritables sentiments. Points d’exclamation se font plus fréquents vers la fin de sa 2de tirade : indice d’une montée de l’exaltation amoureuse (9 pts d’exclamation en 10 vers : v.28-37).
- motif de la folie renforce cette impression d’exaltation : « je suis fou » v.4 (adjectif placé à la césure), « fureur » v.18 (sens étymologique du terme latin furor = folie). Passion extrême.
- émotion à son comble : didascalie « éperdument ».
- présence de termes exprimant le haut degré : adverbe « trop » v.4, 12, 28, 30, adverbe « tant » v.31, adverbe « tellement » v.11.
- trouble visible d’un point de vue métrique : vers disloqué marquant l’émotion. Phénomènes de rejet (v.17-18 mettant en relief le terme « amour », v.24-25, v.35-36), d’enjambement (v.25-26, 31-32, 36-37). Rythme particulier dans certains vers traduisant l’exaltation : v.28 [1/3/2//3/3], v.30 [2/4//6].
- marque d’un certain trouble dans l’hésitation sur le choix des pronoms pers : Cyrano débute tirade avec « vous » (v.2, 3) puis utilise rapidement les marques de la 2ème pers du sing (v.4, 5, 8, 10…). Puis retour au « vous » v.29 (3 fois dans ce vers). Phénomène surtout caractéristique à la fin de la 2de tirade : en 3 vers successifs, utilisation de 3 pronoms personnels différents, sujets du verbe « trembler », placés dans 1ers hémistiche pour évoquer Roxane : « elle » v.33 (comme s’il se parlait à lui-même), « vous » v.34 (sorte de distance respectueuse), « tu » v.35 (proximité).
- la proximité des amants malgré la distance est symbolisée par le rapprochement des pronoms pers : significatif dans le v.29 (marques de 1ère et 2ème pers du sing présentes chacune à 3 reprises : « je vous », « vous me », « moi, vous »).
- il va y avoir une contagion du bouleversement : l’émotion de Cyrano devient celle de Roxane également.
- Didascalie le montre : « d’une voix troublée » (changement dans l’attitude de la jeune femme).
- Chacune de ses répliques débute par l’affirmation « oui » v.16, 38 : signale qu’elle est conquise par ses paroles.
- Reconnaît la vérité du sentiment de Cyrano : « c’est bien de l’amour » v.16.
- Emprise de l’émotion va se manifester dans l’utilisation de la conjonction de coordination « et » à 4 reprises v.38-39 (introduisant à chaque fois de courtes propositions qui marquent ses sensations).
- Réaction de Roxane signale le pouvoir des mots : victoire de Cyrano. Émotion partagée révèle le sommet de ce passage : acmé, apogée des sentiments.
b) la sensualité
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