Comparaison entre les poèmes de Villon et Rimbaud
Commentaire de texte : Comparaison entre les poèmes de Villon et Rimbaud. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Nono Tol • 6 Mai 2019 • Commentaire de texte • 1 423 Mots (6 Pages) • 2 709 Vues
Comparaison entre les poèmes de Villon et Rimbaud
En intitulant son poème “Bal des pendus”, Rimbaud s'inscrit manifestement dans l'héritage de François Villon, auquel il avait déjà rendu un hommage appuyé dans son texte “Lettre de Charles d'Orléans à Louis XI”, qui défendait la cause du premier “poète maudit”. Dans “Le Bal des pendus” comme dans “La Ballade des pendus” en effet, il s'agit de reprendre la tradition ancienne du memento mori, tout en signalant, ne serait-ce qu'à travers le titre à dimension oxymorique, une approche distanciée, voire joueuse dans le cas de Rimbaud, de l'expérience de la mort. Si, comme on verra, l'intention des deux poètes est sensiblement différente, chacun s'emploie néanmoins à écrire la mort avec la musicalité propre à la poésie, et imprègne son poème de l'imaginaire chrétien.
François Villon utilise une forme commune au Moyen âge, la ballade, pour traduire son expérience de condamné à mort. Le poème manifeste ainsi d'emblée sa dimension musicale, d'abord par le refrain caractéristique de la forme choisie: “Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre.” Villon assure à son poème une harmonie sonore à travers l'unité des rimes qui parcourent les quatre strophes, et en reprenant ces trois sons dans le refrain lui-même : priez, Dieu, tous, nous, absoudre, le i s'entendant particulièrement grâce à la diérèse sur l'impératif “pri-ez”. Par ailleurs, le jeu sur les allitérations fait entendre véritablement la cruauté du sort réservé aux pendus. Allitération en r d'abord, qui traverse l'ensemble du poème, et surtout les passages où la description se fait singulièrement réaliste, jusqu'à l'épouvante: chair, nourrie, dévorée, pourrie, cendre, poudre, dans la première strophe, noircis, corbeaux, arrachés, barbe, sourcil, rassis, varie, plaisir, charrie, dans la troisième strophe. La poésie s'appuie donc sur les sonorités pour rendre dans toute son horreur l'expérience de la mort et faire entendre autant que voir les corps en putréfaction des pendus. Ainsi, dans la troisième strophe, l'assonance en é (débués, lavés, desséchés, cavés) et les allitérations en s (soleil, desséchés, noircis) et en v (vent, varie) permettent de rendre pleinement sensible tout le pathétique des corps livrés aux éléments naturels, et accompagnent la danse tragique des pendus laissés au gibet, sans sépulture, outragés et punis par-delà la mort.
Rimbaud quant à lui semble aller plus loin encore pour rendre poétiquement et musicalement cette danse macabre. Il donne à son poème une autre forme d'inspiration musicale, l'ode, dont il encadre le corps principal de deux strophes identiques, au mètre plus court (octosyllabes) jouant le rôle de refrain. L'abondance des phrases exclamatives et les interjections répétées accentuent l'impression d'une danse devenue folle sous l'impulsion d'une musique qui s'emballe : “hurrah”, répété à l'ouverture des quatrième et septième strophes, “hop”, dans la quatrième strophe, “holà” et “oh” dans les huitième et neuvième strophes. L'ensemble du poème est ainsi dominé par les références au bal et à la musique: dès la première strophe, à travers la répétition du verbe “dansent” associé aux pendus, puis, “danser” répété également dans la deuxième strophe, la comparaison des cadavres avec des “orgues noirs” (strophe 3), des “gais danseurs” (strophe 4), ou encore un “baladin” (strophe 10), l'évocation explicite de la “danse macabre” (strophe 9) après le “grand bal des squelettes” (strophe 7), le gibet à son tour comparé à un “orgue de fer” (strophe 7), le tout sous la direction d'un “Belzebuth enragé” qui “racle ses violons” (strophe 4). Enfin, comme Villon avant lui, Rimbaud use des ressources musicales propres à la poésie pour faire entendre cette danse folle et grinçante : ainsi de la diérèse sur deux termes aux sonorités proches, “violon” (strophe 4) et “violettes” (strophe 7), invoquant dans un même son l'idée de musique, de légèreté, de fête et l'idée de violence, car cette danse des morts est bien une violence faite aux corps réduits à l'état de “pantins” (strophe 3). Et comme Villon, Rimbaud appuie la cruauté de sa danse macabre sur les allitérations dures, particulièrement le r omniprésent dans les strophes 2 et 3, comme pour imiter le son acide du violon raclé par le diable en personne : leurs bras grêles, orgues noirs, poitrines à jour, serraient autrefois, heurtent, hurrah, danseurs, cabrioler, tréteaux, enragé racle.
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