Commentaire Composé - l'épilogue de l'Étranger d'Albert Camus
Commentaire de texte : Commentaire Composé - l'épilogue de l'Étranger d'Albert Camus. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar William MOUAZAN • 26 Avril 2021 • Commentaire de texte • 1 649 Mots (7 Pages) • 715 Vues
Commentaire composé de l’épilogue de l’Étranger (Albert Camus)
Texte: (Albert Camus (1913-1960), L'Etranger, 1942, seconde partie, chapitre V, dernier paragraphe).
Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couverture. Je crois que j'ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. A ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m'était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, Là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.
Commentaire :
Introduction : L'Etranger est le premier « récit » d’Albert Camus (1913-1960), auteur engagé, humaniste, journaliste et plus jeune prix Nobel de littérature. Terminé en 1940, il ne le publiera qu'en 1942. Il appartient au premier cycle de l'œuvre de l'auteur, consacré à la philosophie de l'absurde. Ce « roman » connut un succès qui n'a jamais cessé. C'est le personnage principal, Meursault, qui raconte les événements qui l'ont amené à une condamnation à mort.
Ce dernier paragraphe intervient après la seconde visite de l'aumônier, au moment où le narrateur sait qu'il n'a plus aucune chance d'être gracié. Il se montre relativement serein pour évoquer la réalité qui l'entoure, songer à sa mère et à son exécution.
Cet épilogue d'une certaine pudeur peut sembler tronqué pour le lecteur.
Nous verrons que ce passage propose une situation finale qui rejette tout pathétique, puis que la narration offre une réflexion pessimiste sur l'absurdité de la condition humaine.
I – Une situation finale originale qui rejette tout pathétique :
une situation tronquée : si son exécution est évoquée, elle n'est pas décrite. L'auteur ne cherche pas le sensationnel. On reste dans un récit sous la forme d'un journal, comme le montrent l'emploi de la première personne et l'utilisation du passé composé, et on ressent une sorte d'indifférence du narrateur par rapport à l'événement terrible qu'il va subir. On a le sentiment, après le départ de l'aumônier, qu'il apprécie sa solitude. On a même l'impression que cette condamnation irrémédiable n'a pas de conséquence sur ses habitudes, ce qui explique qu'il puisse s'endormir. Cela correspond aussi au personnage qu'est Meursault : à partir du moment où il a des certitudes, or ici il semble parfaitement conscient et il accepte sa condamnation, rien ne peut le perturber. Paradoxalement, il apparaît terriblement vivant dans cet extrait.
Les parallèles avec le début de l'œuvre : cet épilogue renvoie par de nombreux motifs au début du roman, comme pour lui donner une structure cyclique. C'est la troisième « mort » de ce récit, mais c'est un cadre nocturne, une mort « honteuse ». Comme dans l'incipit, on retrouve l'importance des éléments, ici le ciel, avec les « étoiles » comme pour enlever toute connotation mystique, la « terre » et la mer, l'évocation d'une sorte de léthargie, avec la personnification de l'été, qui peut symboliser l'attitude passive du personnage, mais aussi le fait que la mort soit toujours subie. L'action se situe encore en été, et le narrateur est aussi pris de sommeil à un moment où tout autre que lui ne pourrait pas dormir, comme dans la situation initiale. Il fait enfin une projection sur son futur proche, « souhaiter », comme il l'avait fait dans le chapitre initial. Toutes ces correspondances ne sont pas anodines.
L'évocation de la mère : c'est le seul moment dans ce récit où on apprend quelque chose sur la vie de sa mère à l'asile. Il analyse sa situation, sa fin de vie, mais il parle d'elle avec affection, comme l'indique le mot « maman », utilisé deux fois, cette affection qu'il n'a jamais été capable de dire au moment de son procès. C'est seulement à ce moment de l'œuvre que l'on comprend ce qu'il a réellement ressenti : « Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. » La répétition insiste sur le fait que ces pleurs
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