Adieu - G. Apollinaire
Commentaire de texte : Adieu - G. Apollinaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Chloé Sawan • 15 Juin 2016 • Commentaire de texte • 1 452 Mots (6 Pages) • 2 777 Vues
SSCC BC Classe: S2ES BF
Adieu, G. Apollinaire
[Introduction]
Apollinaire fut un poète contemporain, profondément novateur, étroitement associé aux courants artistiques du début du siècle. Ami de Picasso et proches des cubistes, il fait passer dans ses poèmes le souffle de l’esprit nouveau, tout en s’inscrivant dans le grand courant de la tradition lyrique. Sa mobilisation, en aout 1914, le sépare de Lou -Louise de Coligny- qu’il connaît depuis peut et dont il s’est épris. Alors qu’il n’est pas encore au front, mais en garnison à Nîmes, dans le sud de la France, Lou a pu le rejoindre pour une brève rencontre. Apres le départ, il lui adresse ce poème, « Adieu », en forme de lettre originale où il l’assure de l’intensité de son amour, encore renforcée par les menaces que fait peser sur eux la guerre.
[La lettre d’un poète… un poème en forme de lettre]
Le poème d’Apollinaire prend la forme d’une lettre et emprunte d’ailleurs plusieurs des caractéristiques du genre épistolaire : l’expéditeur –Apollinaire- indique, à l’endroit habituel dans la correspondance française, en haut à droite, le lieu d’où il écrit et la date de sa rédaction « Nîmes, 4 février 1915 ». dans le courant du poème est aussi signalé l’endroit où se trouve la correspondante « ton voyage dans le Nord ». Il conclut sa « lettre » par un « Adieu » et une forme de prise de congé, très sobre et en style presque télégraphique qui précise de nouveau le moment et le lieu de l’énonciation : v.14 et 15 : « Adieu de Nîmes dans le Gard ».
Sa lettre suit le canevas habituel des lettres et cartes postales. Il donne des nouvelles de sa vie quotidienne, confie des détails prosaïques comme ce passage à la confiserie, pour adoucir sa peine par une sucrerie, comme un enfant triste : « on va rentrer après avoir acquis du zan » v.7,8. Il demande aussi des lettres en retour : « envoie aussi des lettres… » v.4.
Il exprime alors sur un ton familier, habituel dans une lettre à un intime. Il nomme la destinataire « O Lou », v.2,11, qu’il tutoie « à toi… », ne s’embarrasse pas de phrases compliquées pour formuler la demande qui lui tient tant à cœur : il la réduit à sa plus simple expression –une phrase nominale!- « lettres ! ». Au pronom « nous », il préfère l’indéfini « on » v.5, moins soutenu, et il conclut la strophe par une formule d’insistance, rejetée à la fin de la phrase, qui a toute la vivacité d’une vraie conversation : « je t’en prie »
Mais cette lettre originale est aussi l’œuvre d’un poète. Elle offre les caractères formels habituels en poésie : des alexandrins organisés en tercets aux rimes suivies (aaa, bbb, ccc…). Il retrouve même, en construisant son poème sur le principe de l’acrostiche, une des formes poétiques de la tradition médiévale ; mais, en même temps, il introduit la fantaisie et l’originalité de l’esprit nouveau par le jeu d’un nom- calligramme qui formerait à cinq reprises un portrait cubiste -ou du moins stylisé- de Lou dont le L représente le front, le O les yeux et le U couché la bouche…
[Une lettre d’amour…]
Cette lettre est d’abord une déclaration d’amour : c’est d’ailleurs sur ce mot que s’ouvre le poème.
Apollinaire répète avec ferveur le nom de Lou, comme une invocation (v.2,11) pleine de vénération. Le procédé de l’acrostiche lui permet d’assurer l’omniprésence de la femme aimée par la reprise de prénom-calligramme qui produit, comme visuellement, son visage à la lumière cubiste.
Il multiplie les mots de tendresse : « ma chérie » v.4, « mon cœur » v.10 et évoque son amour par la synecdoque habituelle aux amants « un cœur, le mien » ; mais il renouvelle ce tour qui pourrait être banal, en donnant à son cœur la vie propre d’un compagnon fidèle de Lou dans ses voyages, alors que lui poursuivra sa vie solitaire. Son exaltation lyrique se marque dans la tournure hyperbolique : « un Cœur, le mien, te suit jusques au bout du monde » v.12, ou la déclaration liminaire du poème ; « l’amour est libre, il n’est jamais soumis au sort », en forme de vérité générale grâce au présent gnomique et a l’adverbe intensif : « jamais ».
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