Rhinocéros, Ionesco
Commentaire de texte : Rhinocéros, Ionesco. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lea Khater • 7 Mai 2017 • Commentaire de texte • 1 639 Mots (7 Pages) • 2 067 Vues
Introduction :
Depuis le XXe siècle, les hommes ont de plus en plus de mal à communiquer et perdent peu à peu leur humanité. Et c’est l’un des sujets préférés d’Eugène Ionesco. En effet, ce dramaturge, fondateur du théâtre de l’absurde, dénonce l’incapacité des êtres à communiquer et amène à réfléchir sur la condition humaine à travers ce mouvement théâtral révolutionnaire, qui s’appuie sur les mécanismes du langage. L’extrait, tiré de la pièce de théâtre Rhinocéros, met en scène une double conversation, qui évolue de manière de plus en plus confuse et qui mêle une discussion entre les gens privés d’empathie de la petite ville et une femme endeuillée par la mort de son chat et le désaccord de 2 hommes.
Problématiques : En quoi cette conversation perturbante fait-elle la critique de la condition humaine ? Comment Ionesco met-il en évidence l’incapacité des humains à communiquer ? Par quels procédés Ionesco donne-t-il à voir un théâtre d’une nouvelle sorte qui brise les règles classiques ?
Plan :
- Des personnages qui sortent du cadre classique
- Les habitants de la petite ville sont désincarnés
- Personnalité désagréable de Jean
- Caractère atypique du protagoniste
- Une conversation perturbante par absence de sens mais reflétant notre idéologie
- Polyphonie de la discussion
- Une querelle d’experts dont le déroulement révoltant reflète l’idéologie humaine
I.a. Les habitants de la petite ville sont désincarnés
- La majorité des personnages sont désignés par leur fonction et permet de dresser un court portrait basé sur les stéréotypes
Nom | Caractéristiques |
Ménagère | Sentimentale, émotive |
Serveuse | Alcool |
Vieux Monsieur | Concierge/ Sage mais grincheux |
Patron | Bon vivant |
Épicière | Ton de marchande (depuis son magasin) |
- Déshumanisation des personnages
- Attitudes sans compassion des personnages
- Réaction attendue de la part du Vieux Monsieur face à la tristesse de la Ménagère :« Voilà du cognac pour vous remonter »
- Volonté de mettre fin au chagrin de la Ménagère : répétition de « voilà » par 3 personnes différentes.
- Décalage créé par les réactions mécaniques et privées d’empathie du Vieux Monsieur et des femmes de la ville
- L’Épicière n’est même pas physiquement présente sur le lieu de la conversation
- « de sa fenêtre » didascalie
- La présence des personnages secondaires n’est même pas essentielle
I.b. Personnalité désagréable de Jean
- Commence à parler en critiquant
- « Non, ce n’était pas le même rhinocéros. Celui de toute à l’heure […] rhinocéros d’Asie ; celui-ci n’en avait qu’une, c’était un Rhinocéros d’Afrique » Jean commence par une phrase déclarative négative, il n’hésite pas imposer son avis. Insiste sur le mot « rhinocéros », répété 3 fois dans sa réplique, il est sûr de lui et ne vas sûrement pas se laisser changer d’avis
- Montre qu’il est fermé à l’avis des autres
- Attitude décalée
- « Moi, je », expression enfantine et égocentrique
- Un caractère détestable de Jean
I.c. Caractère atypique du protagoniste
- Hésitation de Bérenger
- Abondance de « … » dans les répliques de Bérenger
- Timidité, marginalité rare chez un héros de théâtre
- Des émotions très fortes remuent Bérenger
- « Comment avez-vous pu distinguer les cornes ! » : question finie par un point d’exclamation : exaspération
- Didascalies d’émotions de Bérenger : « soudainement énervé » et « irrité » : évolution vers de la colère
- Bérenger a une psychologie propre et est donc capable d‘éprouver un sentiment de révolte
Transition
Les personnages de cette pièce ont des caractères surprenants parce qu’ils sont totalement dénaturés. Mais leurs conversations sont aussi très déroutantes et se superposent les rendant encore plus confuses.
II.a. Une discussion polyphonique et confuse
- La structure de la discussion est déstabilisante
- Contrepoint : aucunes des répliques de Bérenger ne sont tout de suite suivies des répliques de son destinataire, Jean, et vice versa
- Le rythme des conversations est plus saccadé
- Ambiguïté des propos
- « Ça va mieux ? », « Faites-vous une raison », « Soyez philosophe » : ces répliques sont destinées à la Ménagère mais on pourrait les destiner sans difficulté aux hommes qui se disputent.
- Double occurrence de « il » dans « il est bon », parle-t-on du cognac ou du rhinocéros mentionné dans la réplique précédente ?
- Double sens de « brouillard » qui fait écho avec le « nuage de poussière » dont Bérenger parle précédemment
- Crée une confusion dans cette discussion
- Le Vieux Monsieur et le Patron s’immiscent dans une dispute qui ne les regarde pas.
- « En effet, il allait vite » et « Messieurs, Messieurs »
- Les conversations se confondent et les distinctions deviennent floues.
II.b. Une querelle d’experts dont le déroulement révoltant reflète l’idéologie humaine
- Un sujet qui a dérivé
- Répétition à 4 reprises du mot « cornes » dans les répliques de Jean et de Bérenger =ils se sont éloignés de la question initiale qui était « [est-ce que] c’était le même [rhinocéros ?] » pour chercher à connaître la race du Rhinocéros.
- Perte de l’essentiel
- Argumentation construite de Bérenger par opposition à la mauvaise foi de Jean.
- 3 arguments d’autorité de Bérenger puis un dernier argument d’autorité de taille : 1. « vitesse », 2. « nuage de poussière », 3. « tête baissée » et enfin « c’est le rhinocéros d’Asie qui a une corne sur le nez, le rhinocéros d’Afrique, lui, en a deux… »
- Argument de mauvaise foi de Jean : « Justement, on voyait mieux »
- Mise en évidence de 2 manière de penser différentes
- La querelle prend de l’ampleur suite à ce manque de raison
- Intensité sonore croissante au fil de la discussion : didascalies « élevant la voix » et « discutent très fort » / les points d’exclamation deviennent de plus en plus nombreux (« Sottise ! Sottise ! » : réplique de deux mots avec deux points d’exclamation)
- Arguments ad hominem de Bérenger : « vous dites des sottises ! », « vous n’êtes qu’un prétentieux ! Un pédant … » (+ « sottises » répétées souvent) : l’argumentation de Bérenger stérile à cause de la fermeture d’esprit de Jean aboutit, du fruit de l’agacement profond, au dernier argument disponible : la critique.
- Jean devient encore plus agressif : on retrouve les 3 mêmes mots dans deux de ses répliques pour répondre à Bérenger : « Moi […] je […] sottises ? » et « Je […] sottises, moi », il s’impose par la force de son « moi ».
- La querelle devient de plus en plus vive et malgré les efforts de Bérenger, qui a eu un réel raisonnement basé sur des faits, c’est Jean qui domine parce qu’il ne veut pas entendre, il préfère rester sur son propre avis et imposer des arguments de pacotille.
Conclusion :
Eugène Ionesco donne vie à des personnages étranges dont la particularité est leur banalité, des personnages aux caractères exagérés et qui donnent naissance à des conversations qui n’avancent en rien où le raisonnement censé n’a pas la place qu’il mérite et où la communication s’avère être inutile. Celui qui est le plus intelligent en apparence est dominant, impose son avis et reste fermé à toute autre proposition, n’accepte aucune remise en question. C’est le modèle du fascisme auquel Ionesco est confronté dans sa Roumanie natale. Ionesco fait de plus la critique de la condition des humains qui migrent de plus en plus vers l’isolement relationnel et qui s’éloignent progressivement des conversations profondes et censées.
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