Orou répond à l'aumônier - Montaigne

I- Une argumentation bien construite

a) Une structure par progression

Dans cet extrait, l'argumentation de Montaigne s'opère en quatre phases:

Il commence par informer ses lecteurs de manière neutre des coutumes des cannibales. Il se contente de raconter le déroulement des combats puis du rituel de cannibalisme, en employant le présent d'énonciation, qui sert à rendre compte des faits constatés au moment où l'énonciateur ( ici, Montaigne) s'exprime : " font" l.1, "sont"l.1, " vont" l.2

Il compare ensuite la manière de procéder des barbares avec celle des Portugais, qui usent " d'une autre sorte de mort" l.15, et explique que les sauvages cherchent alors à imiter les Portugais " ils commencèrent à abandonner leur manière ancienne pour suivre celle-ci" l.20.

Montaigne passe alors à la première personne " je ne suis pas fâché que nous soulignions" l.20-21 pour interpeler et inclure son lecteur dans la suite de la réflexion: ce sont pas les sauvages qui sont les plus barbares,mais bien les Européens inclus dans ce " nous": "[que] nous soyons si aveugles à l'égard de [nos fautes]" l.22.

Il finit par rappeler que l'anthropophagie n'est pas un acte barbare puisqu’elle a également été pratiquée par les Grecs avec " Chrysippe et Zénon" l.28, par "nos ancêtres" l.30 à l'Alésia et que les médecins eux-mêmes le recommandent comme remède comme le montre " en faveur de notre santé" l.35-36

b) Une argumentation par comparaison

Montaigne commence par décrire les moeurs barbares pour mieux les comparer et les contraster aux coutumes des Portugais, qui étaient alors en train de coloniser le Brésil.

Ainsi, les Amérindiens qui capturent des ennemis pendant un combat les font certes prisonnier mais ils les traitent avec égards ( l.6) puis les tuent lors d'une cérémonie, devant " une grande assemblée" l.7 et les "mangent en commun"l.9

Les Portugais, en revanche, se montrent en comparaison bien plus cruels: ils enterrent leur ennemis "jusqu'à la ceinture" l.15 et les frappe de " force coups de traits" l.16 puis les pendent.

Montaigne se montre ici bien plus virulent, qualifiant cette façon de faire de"horreur barbare"l.21 comparant ces exécutions au fait de "manger un homme vivant" l.23.

c) Convaincre et persuader

En faisant appel à des figures d'autorité, notamment des Grecs, Chrysippe et Zénon, mais aussi la figure du médecin et à l'histoire avec l'allusion au siège d'Alésia, Montaigne invoque des arguments de raison pour convaincre son lecteur et le pousser à réfléchir.

Il cherche également à le persuader, en provoquant le dégoût et l'horreur, par exemple par le lexique employé pour condamner les Portugais " déchirer" l.23 "des tortures" l.23 " supplices" l.23 " mordre"l.24 et " tuer" l.24.

La stratégie argumentative de Montaigne a d'abord pour but de montrer que les sauvages ne sont pas ceux que l'on croit, ce qui l'amène à dépeindre les coutumes des Amérindiens pour prouver qu'elles n'ont rien de barbare.

II- Un récit documentaire des moeurs " barbares"

a) Eloge des sauvages en tant que guerriers

Lorsqu'il parles des " sauvages", Montaigne renverse les préjugés de son époque en les mettant sous une lumière nouvelles et en adoptant un ton neutre et factuel.

Il met tout de même en avant leurs qualités guerrières, en affirmant leur courage dans les combats " pour ce qui est des déroutes et de l'effroi, ils ne savent pas ce que c'est" l.4. Ils traitent bien leurs prisonniers comme le souligne "avec tous les agréments auxquels ils peuvent penser" l.6-7 contrairement aux Portugais qui les soumettent à la torture.

Ils se montrent généreux et partageurs, puisque le " maître" du prisonnier convoque son village pour mettre à disposition son prisonnier à tous. Ils pensent même aux absent " ils en envoient aussi des morceaux à ceux de leur amis qui sont absents" l.11-12.

Enfin Montaigne précise bien que le cannibalisme n'a pas une fonction alimentaire mais de vengeance collective envers l'ennemi, ce n'est pas par plaisir gustative.

b) Une justification du cannibalisme

Montaigne cherche à mettre son lecteur du point de vue des Cannibales, afin qu'il comprenne leurs actions.

Les "sauvages" ne consomment pas de

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