Molière, MI, acte II, scène 5 LL
Fiche de lecture : Molière, MI, acte II, scène 5 LL. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar stardu10 • 25 Février 2021 • Fiche de lecture • 3 061 Mots (13 Pages) • 6 348 Vues
1G1 – 202021
SEQ II – Le Malade imaginaire / Parcours : Spectacle et comédie.
- Propositions de Rayan
- Propositions de la professeure
Acte II, Scène 5 : Eléments de lecture linéaire
Eléments d'introduction
- Issu d’une famille de marchands parisiens, Molière, de son vrai nom, Jean-Baptiste Poquelin est, comme Racine et Corneille, un célèbre dramaturge français du XVIIème siècle. Il écrit des farces (Les Fourberies de Scapin ; Le Médecin volant) ou encore des comédies de mœurs (Les Précieuses ridicules ; L’Ecole des Femmes) qui dénoncent les défauts humains.
- Le Malade imaginaire, pièce de théâtre écrite en 1673, met en scène l’histoire d’un hypocondriaque, Argan, qui veut marier sa fille avec un médecin pour pouvoir avoir un suivi médical personnel. Ainsi, il se tourne vers Thomas Diafoirus, neveu de Monsieur Purgon, son médecin actuel.
- Cette pièce s’intègre dans le parcours « Spectacle et Comédie ». C’est une comédie-ballet qui mêle trois formes d’art : le théâtre, la musique et la danse – Ajoutons que dans certaines scènes, les personnages jouent des spectacles dans le spectacle.
- [Situation de l’extrait] : Après l’acte I d’exposition, l’acte II présente aux spectateurs la ruse de Cléante qui se fait passer pour le remplaçant du maître de musique pour voir Angélique. Dans la scène 4 Toinette annonce l’arrivée des Diafoirus, père et fils ; Argan les reçoit pour la présentation et la demande en mariage. A la scène 5, Thomas présente ses hommages à Angélique qu’il confond d’abord avec Béline, notre passage se situe juste après, Thomas Diafoirus présente cette fois son compliment censé séduire Angélique ; Diafoirus père intervient également pour vanter les mérites de son fils.
- [Problématique/ orientation de la LL] :
Comment Molière à travers le personnage de Thomas Diafoirus établit-il une satire des médecins et des mariages arrangés ?
OU
Nous allons étudier comment la scène se révèle particulièrement comique et au service de la satire des médecins.
- [Les mouvements] : nous pouvons dégager trois mouvements dans cet extrait
- Lignes 1 à 17 : Thomas fait ses compliments à Angélique + avis des autres sur son discours
- Lignes 18 à 39 : Monsieur Diafoirus raconte la vie de son fils depuis l’enfance
- Lignes 40 à 49 : Thomas propose suite au discours de son père une thèse à Angélique qui tente de la refuser, mais Toinette s’en amuse
DEROULEMENT
- Premier mouvement : rappel
RQ : c’est le père qui lance le discours de son fils, en lui disant ; « faites toujours le compliment de Mademoiselle ». – L’usage du terme « compliment » annonce un discours préparé, soit davantage un exercice de rhétorique qu’une déclaration d’amour … et Thomas Diafoirus s’exécute !
- Exercice de rhétorique donc, après l’adresse « Mademoiselle », TD se lance dans une sorte d’exorde (= introduction du discours qui est censé capter l’attention de l’auditoire – la fameuse « captatio benevolentiae »)
- Une longue et complexe première phrase introduit une comparaison avec l’outil « tout de même » ligne 2, entre « la statue de Memnon » et ses émois amoureux, ses « doux transports » à la ligne 3.
- Référence culturelle : la statue de Memnon, fils de l’Aurore qui avait, dit-on, la particularité de rendre des sons mélodieux au lever du soleil. Mais cette référence est sans rapport avec la situation : Memnon, demi-dieu, tué par Achille …
- Comparaison enrichie de métaphores : métaphore connue « doux transports », métaphore à effet répétitif « soleil de vos beautés » … TD n’est visiblement pas un grand poète, malgré ses efforts.
- La deuxième phrase tout aussi longue, introduit une deuxième comparaison : outil « aussi » ligne 4
- Comparaison entre la fleur « héliotrope » et son « cœur » ligne 4.
- Comparaison enrichie comme la précédente de deux métaphores : « les astres de vos yeux adorables » et « son pôle unique » = métaphores connues et apprises.
- Les adjectifs « resplendissants, adorables, unique » se veulent valorisant. Mais le côté très scientifique de la comparaison introduit un savoir au détriment de la spontanéité du cœur.
- Ces comparaisons et métaphores, empruntant à la connaissance du bon élève, prêtent à sourire. Au XVIème siècle, les métaphores des « astres », le champ lexical de la religion (« autel », « offrande », « gloire ») pour diviniser la femme aimée étaient déjà très employés pour chanter l’amour. Thomas a bien appris sa leçon ! C’est un bon garçon !
- La troisième phrase, d’un style tout aussi ampoulé que les précédentes, cumulent à nouveau les métaphores « l’autel de vos charmes », « l’offrande de ce cœur » + synecdoque (« cœur ») + personnalisation « n’ambitionne » : longue phrase qui s’essaie lourdement à l’art poétique de l’image.
- Cette première réplique est tellement ornée qu’elle manque totalement d’authenticité et prête à sourire = > Sourire de mots, assurément, et de caractère : ridicule de ce personnage façonné par la théorie dont il n’arrive pas à se défaire.
- Utilise un registre lyrique avec la première personne (« me sens-je » l. 2) et le champ lexical de l’amour « son harmonieux » « animé » l. 2 ; « doux transport » « vos beautés » l. 3 ; « cœur » l. 4 ; « yeux adorables » l. 5 ; « charmes » l. 6 ; « mari » l. 8 🡪 Compliment = parodie lyrisme car Thomas ne fait que rassembler des morceaux de textes appris en bon élève
- + Lourdeur du cumul des derniers adjectifs le caractérisant, avec l’intensif répété « très » : ligne 8
- Présence d’une hyperbate : « et mari » => le terme est ajouté, alors qu’on croyait la phrase terminée. Perdu dans sa pseudo-érudition, TD se rappelle in extremis qu’il est là pour se marier avec Angélique.
- Les réactions des personnages qui suivent soulignent le ridicule du personnage :
- Toinette le « raille », nous dit la didascalie. La dimension « critique » de la scène est clairement soulignée. L’apprenti médecin est moqué.
- Toinette : champ lexical de l’étude l. 9 : « étudier » ; « apprend » ; « dire » ; « belles choses » 🡪 réduit Thomas au statut d’élève, ne prend pas au sérieux son discours
- Argan, lui, ne se positionne pas. Il renvoie par une interjection et une question l’appréciation aux autres, sans doute avec une ton complice entendu de contentement. Mais depuis le début, reconnu personnage ridicule dans son hypocondrie, sa position dans cette scène ne peut paraître que tout aussi ridicule que l’ensemble de son comportement. (ligne 10)
- L’ironie de Cléante, en revanche, est évidente : il ne parle que par hyperbole et antiphrase : lignes 11 et 12- tout comme Toinette dans sa réplique des lignes 13 et 14 (à citer)
- Cléante et Toinette, toujours avec un ton ironique, utilisent la conjonction de subordination « si » l.11 et 13 🡪 elle montre le doute de l’intelligence de Thomas et de sa faculté à soigner + leur complicité dans la raillerie est soulignée par l’emploi de l’adverbe « Assurément » qui montrent leur accord, leur connivence.
- Argan reste aveugle :
- en demandant « chaise et sièges », il souligne la dimension « spectaculaire » de la scène : après le « spectacle » du « compliment » du fils, voici le « spectacle » de l’éloge du père.
- L’admiration d’Argan pour Thomas « Vous voyez, monsieur, que tout le monde admire monsieur votre fils; et je vous trouve bien heureux de vous voir un garçon comme cela. » l.15 à 17 🡪 dénonce la manipulation de ces hommes sur des esprits vulnérables
- Il s’adresse d’ailleurs à Angélique qui n’a pas réagi face au compliment qui lui était destiné 🡪 souligne l’inefficacité des efforts oratoires de son promis
- Compliment de TD ridicule – ridicule soulignée par les spectateurs non aveuglés que sont Toinette et Cléante = comique de mots, comique de caractère, comique de situation … Quant à Argan, il se divertit et son divertissement préféré reste le médecin, quoiqu’il dise ou fasse. Diafoirus père prend la parole. Argan s’est mis en position de l’écouter (lui aussi est ridicule).
- Deuxième mouvement : rappel
- Première phrase de la tirade de Diafoirus père introduit l’éloge de Thomas : « ce n’est pas parce que je suis son père ; […] un garçon, qui n’a point de méchanceté » l. 18-19 🡪 semble vendre son enfant comme l’enfant parfait pour qu’il se marie car il doute, peut-être, qu’il puisse trouver une femme à cause de son caractère bête.
- Le père s’adresse au père « Monsieur » : il sait que quoiqu’il dise, il convaincra cet homme sous l’emprise de la médecine et des médecins.
- Le premier contentement du père est nuancé et exprimé à la forme négative : « un garçon qui n’a point de méchanceté » => ce sera le seul réel compliment du père, exprimé de façon indirecte à la forme négative, annonciatrice d’un portrait bien terne… Rappelons qu’un peu avant, une didascalie l’avait présenté comme un « grand benêt » ! le portrait fait par le père le confirme.
- Diafoirus présente son fils sous un jour qu’il veut positif, mais en fait, il expose surtout ses défauts dans un discours marqué par les négations : « ne … point », « ne … jamais », répété 5 fois, « ni », « ne ».
- Il souligne ainsi son manque « d’imagination » et d’«esprit », rappelle qu’enfant, il n’était pas « éveillé » et qu’il ne savait pas lire à 9 ans. = lignes 20 à 25.
- Ligne 22, quand le père rappelle que son fils n’a jamais été « mièvre » (= malin, espiègle), on pourrait presque s’attendre à ce qu’il ait la qualité inverse mais pas du tout, il n’a pas plus été « éveillé » = procédé de surenchère qui vient souligner le manque d’intelligence du fils.
- Manque de vivacité d’un enfant, incapable de jouer aux jeux de son âge : ligne 24 « jeux enfantins ». Et aucune autre activité n’a remplacé celles-là.
- L’hyperbole « toutes les peines du monde » vient souligner la lenteur d’esprit, le manque de vivacité qui se cachent derrière son côté « doux et paisible ». Aucun des qualificatifs qui pourraient annoncés une qualité n’est soutenu par un propos positif.
- Le père d’ailleurs essaie de se rassurer :
- Ligne 21 : « c’est par là que j’ai toujours bien auguré de sa judiciaire, qualité requise pour l’exercice de son art ». Cette phrase suit l’aveu de manque d’esprit du fils. Elle condamne donc en même temps le médecin dont le jugement ne repose sur aucune intelligence …
- Lignes 25 et 26 : « Bon, disais-je en moi-même » les arbres tardifs sont ceux qui portent les meilleurs fruits » = une maxime d’espoir vient au secours d’un père en plein désarroi devant un fils sans aucune vivacité et en retard dans ses apprentissages.
- Double comparaison : la « lenteur à comprendre » est donc comparée d’abord aux « arbres tardifs », puis « au marbre » que l’on grave « malaisément ».
- Si Diafoirus père essaie toujours de se rassurer en s’accrochant à l’idée que « les choses y sont gravées [ainsi] bien plus longtemps » (ligne 27) et que cela annonce une compétence de « bon jugement » => il souligne aussi l’idée que le médecin n’est donc pas capable de remettre en cause ce qu’il a appris (puisque c’est gravé comme dans du « marbre »).
- Après avoir évoqué la petite enfance de son fils, Diafoirus père évoque les années collège et d’études : lignes 28 à 35
- Son côté laborieux, persévérant jusqu’à l’entêtement, est souligné par le lexique : « trouva de la peine », « se raidissait contre les difficultés », « assiduité », « travail », « à force de battre le fer » => autant d’expressions qui montrent un acharnement.
- C’est dans les études que TD se distingue : notons que les « régents » ne louent que son « assiduité » et son « travail », non ses « réussites » ou « vivacités ».
- Et la fierté du père ( « et je puis dire, sans vanité ») repose sur le fait que son fils fait du « bruit » dans les « disputes » (joutes oratoires) de l’Ecole. Et ce « bruit » repose sur une hargne dans l’art du discours ( « dispute, argumenter, proposition contraire, dispute, principes, raisonnement, logique ») que le père exprime par plusieurs procédés : l’adjectif hyperbolique « redoutable », l’hyperbole qui souligne un excès « argumenter à outrance », la comparaison « fort comme un Turc sur ses principes », la négation absolue « ne démord jamais » - ces procédés présentent un personnage sans nuance, têtu et obtus, qui ne s’appuie que sur le discours théorique, sans aucune place laissée à l’émotion, le sentiment, la relation.
- Diafoirus père finit son discours en rapprochant son fils de lui-même : lignes 35 à 39.
- l’adjectif qualificatif « aveuglement » l. 36 et affirmation « et que jamais … de notre siècle » l.37 à 38 🡪 peuvent être perçus de deux PDV différents = du PDV de Monsieur Diafoirus, c’est une bonne chose « ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple » l.36 mais d’un autre PDV, celui de Molière qui se moque de ses personnages en les caricaturant, ces procédés peuvent être considérés comme une nette critique car cela veut dire que les médecins suivent des avancées médicales antérieures dont ils ne connaissent presque rien et n’essaie pas de faire évoluer la médecine 🡪 la satire des médecins venant de Molière
- comparaison prosaïque « et autres opinions de même farine » l. 39 = compare les opinions/avancées modernes avec de la farine 🡪 Diafoirus pense qu’elles ne valent pas grand-chose
- l’adverbe « aveuglément » résume la façon de « voir » de ces médecins. Leur obscurantisme et étroitesse d’esprit sont ici caricaturés et donc condamnés.
- Le fils s’est nettement ridiculisé dans le premier mouvement et dans ce deuxième mouvement le père renchérit par une présentation caricaturale de son fils ; ses propos étendent en plus le ridicule à tous les médecins. La scène est donc pleinement comique : le père condamne son fils, le médecin se condamne lui-même. La critique est nette.
- Troisième mouvement : rappel
- Diafoirus encouragé par le portrait pourtant caricatural que son père vient de faire de lui, fait deux proposition importunes, décalées et donc risibles, pour continuer à séduire Angélique :
- le groupe nominal « une grande thèse » l.40 dans la didascalie de Thomas suggère que le personnage ne quitte toujours pas son domaine, celui de l’étude médicale. Son père mentionnait plus haut qu’il excellait dans la contradiction et c’est justement une thèse « contre les circulateurs », ces détenteurs d’idées nouvelles (voir la note). Mais quel rapport avec la situation ? = caricature du personnage, enfermé dans ses théories.
- la proposition subordonnée relative « qu’il présente à Angélique » dans didascalie + l’affirmation « j’ose présenter à Mademoiselle, comme un hommage que je lui dois des prémices de mon esprit » l. 41-42 🡪 montre que Diafoirus fils ne fait pas la différence entre son travail et sa vie privée et en plus c’est inutile comme le montre la réponse d’Angélique « c’est pour moi un meuble inutile, et puis je ne me connais pas à ces choses-là » l. 43
- Toinette, comme au début de notre passage, se joue du personnage et de la situation :
- Elle prend la thèse pour décorer la chambre.
- Elle se moque, en soulignant le décalage du cadeau par rapport à la situation : « bonne à prendre pour l’image » => l’expression ironique se rit de la scène.
- La deuxième proposition de TD à Angélique est de venir voir « la dissection d’une femme » pour « se divertir » => proposition complètement décalée => Molière achève ainsi de parodier la rencontre amoureuse grâce à ce décalage entre les attentes de la belle, Angélique, et les propositions de TD. => la caricature est totale.
- Toinette reprend ainsi son ton ironique dans l’entièreté de sa réplique (l.48 et 49) puisque voir une dissection n’a rien d’agréable et c’est encore moins quelque chose de galant 🡪 force de l’ironie du perso = comique, caricature et parodie.
- Ce troisième mouvement parachève la caricature de Diafoirus fils, en accentuant la caricature jusqu’à l’absurde. L’ironie est totale et la condamnation des médecins évidente.
Eléments de conclusion :
- « Castigat ridendo mores » ((la comédie) corrige les mœurs en riant) : Molière par le rire – la caricature et l’ironie surtout ici – fait une satire soulignée des médecins.
- Cette parodie de déclaration d’amour grossit le grotesque « du » voire « des » personnages (les 2 Diafoirus). Comique de situation bien sûr, mais également comique de caractère (Ridicule de TD, ironie de Toinette …), et comique de mots à travers un pseudo art du discours, laborieux et décalé.
- Face à ce personnage ridicule qu’est TD, Cléante apparaît d’autant plus comme l’amoureux idéal et quand il improvise ensuite un opéra, sur la demande d’Argan, avec Angélique, il apparaît habile et astucieux, même si la chanson déplaît à Argan …
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