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Les liaisons Dangereuses / Pierre Choderlos de Laclos

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Par   •  26 Juin 2022  •  Commentaire de texte  •  2 911 Mots (12 Pages)  •  410 Vues

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Commentaire Les Liaisons Dangereuses – lettre XC[pic 1]

Les liaisons dangereuses – lettre XC

Pierre Choderlos de Laclos est né en 1741 dans une famille anoblie et mort en 1803. Officier militaire de carrière, affecté dans une garnison d’artillerie du Roi, il s’ennuie et finit par se consacrer à la littérature. Il écrit son seul roman épistolaire « Les liaisons dangereuses » entre 1778 et 1781. Le livre, paru en 1782, connu un succès retentissant. Dans ce roman, l’auteur vise à démontrer la décadence et les mœurs libertines d’une partie de l’aristocratie du XVIIIème siècle, en pleine période prérévolutionnaire. Le personnage principal, le Vicomte de Valmont, libertin affirmé, accepte le défi que la Marquise de Merteuil, une de ses anciennes amantes et libertine elle-aussi, de séduire la dévote Présidente de Tourvel, femme pieuse connue pour sa vertu infaillible. Elle est profondément charmée par le Vicomte mais cherche à le fuir. Nous allons étudier comment la lettre quatre-vingt-dix du roman, écrite par la Présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont, va révéler son combat intérieur entre passion et vertu et l’emprise que le Vicomte a sur la Présidente de Tourvel. Pour répondre à cela, nous allons voir que cette lettre est d’ordre rhétorique mais n’est une lettre de rupture comme nous pourrions le penser. Nous étudierons ensuite le combat intérieur de la Présidente de Tourvel. Puis nous nous attarderons sur l’emprise qu’exerce le Vicomte de Valmont sur sa victime.

Si nous étudions la composition de la lettre adressée par la Présidente au Vicomte, nous trouvons plusieurs signes de rhétorique. La Présidente de Tourvel cherche à développer des arguments et des procédés pour convaincre le Vicomte de ne plus la contacter. Elle le fait de façon ordonnée, avec éloquence et en utilisant des figures de style qui mettent en valeur ses arguments. Elle finit par conclure en rappelant et en insistant sur sa demande. Les arguments sont accompagnés de figures de style. En effet, la lettre débute par une phrase introductive, la litote « Je désire, monsieur, que cette lettre ne vous fasse aucune peine », pour prévenir le Vicomte que sa lettre lui fera de la peine, … peine qu’elle avoue partager. Ensuite, elle lui demande explicitement de ne pas la « plonger dans un désespoir éternel », métaphore exagérée signifiant la détourner de sa dévotion pour Dieu et la faire sombrer dans le péché. Et dans sa lettre, elle utilise la répétition d’impératifs visant à appuyer sa requête : « ne nous voyons plus », « partez », « fuyons ». Pour continuer sur l’aspect rhétorique, les arguments de la lettre visent clairement à convaincre le Vicomte d’arrêter leur relation dans son intérêt religieux et social. Elle lui rappelle qu’en tant que dévote, qu’elle n’a pas le droit d’écouter ses avances, ni leurs « entretiens particuliers & trop dangereux » : « ce que je ne devrais pas entendre ». Elle lui rappelle aussi qu’elle n’a pas le droit d’éprouver de l’amour, autre que pour Dieu : « votre amour … auquel je ne dois répondre » avant de supplier le Vicomte de s’éloigner d’elle. Elle exprime ensuite le fait qu’elle ne succombera pas, même si elle ressent des sentiments qu’elle n’a plus « le courage de combattre », et qu’elle conservera son « empire », métaphore représentant sa dévotion pour Dieu, par ses actions, c’est-à-dire s’éloigner du Vicomte. Elle continue l’argumentation de façon crescendo sur le danger de leur relation, en comparant sa faiblesse sentimentale à un premier avertissement divin, la punissant pour lui rappeler qu’elle n’est pas infaillible face à la tentation, elle qui se « félicitait », se « glorifiait » de « n’avoir jamais de pareils combats à soutenir » … Cet avertissement la rendrait encore plus coupable envers sa dévotion si elle continuait à céder aux avances du Vicomte. L’aspect rhétorique de la lettre se retrouve jusqu’à la fin, où la Présidente utilise l’exagération sur les mots que le Vicomte aurait répétés « cent fois » : « que vous ne voudriez pas d’un bonheur acheté par mes larmes » ; elle appuie une fois de plus le fait de la laisser tranquille. Elle finit cependant par une phrase ambigüe « laissez-moi reprendre quelque tranquillité », ce qui nous amène à étudier l’ambivalence de cette lettre qui à première lecture peut s’interpréter comme une demande de rupture…

En effet, la Présidente expose des arguments pour persuader le Vicomte de ne plus la voir ni la contacter, mais elle cherche aussi à se convaincre elle-même tout en appelant le Vicomte à répondre à chaque argument. Elle commence par vouloir se persuader que, même si l’arrêt de cette relation déclenche une peine partagée, elle la plongera « dans un désespoir éternel ». Mais nous ressentons le doute dans la tournure « mais vous, sans doute, vous ne voudriez pas non plus me plonger…», la Présidente ne fait que supposer que le Vicomte ne voudrait pas la voir plonger dans le désespoir mais espère une confirmation de sa part. Elle écrit aussi que les sentiments partagés sont « peut-être plus vifs mais à coup sûr pas plus sincères » qu’une tendre amitié, se conformant à sa promesse ; mais les « peut-être » et « à coup sûr » invitent le Vicomte à affirmer la profondeur de ses sentiments pour elle… Ensuite, elle veut se persuader que l’épisode du parc était une erreur, que même si elle a apprécié les mots amoureux du Vicomte, elle n’aurait pas dû. Ici, nous remarquons la forme interrogative de ce passage à travers « qu’ai-je-fait » … En plus clair, elle demande au Vicomte pourquoi elle l’a écouté alors qu’elle n’en avait pas l’intention. La Présidente avoue ensuite ses sentiments, qu’elle n’a « plus le courage de combattre ». Mais elle continue son auto persuasion par un vocabulaire résolu et guerrier, qu’elle préservera « cet empire », qu’elle gagnera ce combat par ses actions, « fût-ce aux dépens de ma vie » c’est-à-dire de ses sentiments. Elle cherche à affirmer qu’elle est prête à sacrifier ses sentiments pour conserver sa vertu et sa dévotion pour Dieu. Indirectement, elle appelle le Vicomte à rendre les armes, qu’il ne gagnera pas le combat, mais attend de lui une confirmation de reddition. Cependant, elle connait la réputation libertine du Vicomte et s’attend ou espère qu’il réponde par l’assaut final pour la faire succomber… Aussi, dans son dernier argument, elle se convainc par la menace d’être « doublement coupable » face au ciel si elle venait à perdre ce combat. Elle appelle implicitement le Vicomte à exprimer ses sentiments de façon sincère avant de se risquer à le suivre, ce qui vaudrait à la Présidente sa déchéance face au ciel et la société, en particulier si le Vicomte la laissait ensuite tomber. Elle finit sa lettre avec une ambiguïté dont l’évidence ne peut qu’attiser le Vicomte à se dévoiler, la tournure « laissez-moi reprendre quelque tranquillité » relate une trêve temporaire dans le combat, mais contredit de façon presque explicite la rupture définitive.

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