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Les lettres persanes

Fiche de lecture : Les lettres persanes. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  23 Mars 2022  •  Fiche de lecture  •  1 822 Mots (8 Pages)  •  536 Vues

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Introduction :

Montesquieu a inscrit Les Lettres persanes en 1721, son roman épistolaire, dans le royaume de Perse qui concentre, au XVIIIème siècle, toute la rêverie orientale : comme le précisent l’en-tête, la date ainsi que le destinataire, l’histoire se passe entre Ispahan et Paris, le sultan porte un nom aux sonorités étranges d’Usbek et le nom des mois ne correspondent en rien au calendrier européen “le 8 de la lune de Rébiab”. C’est un Orient éloigné dans le temps et dans l’espace mais surtout distant de la France par ses mœurs et coutumes. Usbek est parti en France mais a laissé son sérail aux bons soins de ses eunuques. Alors que son maître est encore en Europe, Roxane, sa favorite, lui écrit une ultime lettre du sérail où elle est enfermée et surveillée.

Projet de lecture :

Dans quelle mesure Roxanne défend-elle à travers cette lettre testamentaire, la condition des femmes ?

Mouvements du texte : 

I] Lignes 1 à 10 - Roxane donne de ses nouvelles à Usbek

II] Lignes 11 à 19 - Roxane se confronte à son mari

III] Lignes 20 à 23 - Roxane conclut sa lettre

I] Lignes 1 à 10 - Roxane donne de ses nouvelles à son mari

Argument 1 : Le texte est une lettre d’aveu.

→Le personnage de Roxane en est l’émetteur : celle-ci porte d’ailleurs le même nom que le personnage de Racine dans Bajazet ; le nom est donc associé à l’orient mais pour le lecteur le nom se trouvé associé à l’univers tragique théâtral.

→Le destinataire est Usbek qui est le maître du sérail dans lequel Roxane est enfermée. Il apparaît comme un interlocuteur présent par le “tu” et les adresses nombreuses. Elle s’adresse directement à lui, par ce biais, on perd la distance instaurée par le délai épistolier.

→Cette lettre est porteuse de plusieurs informations (une hécatombe qui s’est abattue dans le sérail) et s'apparente à une lettre d’adieu. Celle-ci commence par “oui”, adverbe qui suppose qu’il y a une question préalablement posée. Roxane a trompé son mari et a assassiné les meurtriers de son amant.

→L’aveu est direct et martelé par trois verbes (“tromper”, “séduire”, “se jouer”) qui sonnent comme une victoire de Roxane sur Usbek, et repose sur une double opposition : entre le “je” et le “tu” (avec une énonciation péjorative et humiliante), donc adversaires ou ennemis, et entre le sérail, le lieu de l’enfermement et “lieu de délices et de plaisirs” : l’aveu est intime et introduit le thème de la fidélité amoureuse. Cependant par cet aveu, Roxane met en valeur implicitement ses conditions de vie : elle est prisonnière.

Argument 2 : Cette lettre est une lettre théâtrale, marquée par son caractère tragique.

→Par un alexandrin formé par les deux premières propositions de la lettre qui rappelle les vers de la tragédie racinienne.

→Par le fait que Roxane se mette en scène (4 occurrences de “je”) et se pose comme l’héroïne, avec le recours à la première personne du singulier et avec l’allitération en “j” : “je me suis jouée de ta jalousie”, qui rythme les paroles.

→Par l’importance de la fatalité et du caractère tragique de l’instant : Roxane annonce sa mort prochaine, la lettre réservant une mise en scène “en direct”. Roxane apparaît comme une héroïne tragique, ce que montre la progression inexorable vers la mort, accentuant par la fatalité : “je vais mourir : le poison va couler dans mes veines” ; “je meurs” avec la polyptote sur “mourir” et les champs lexicaux associés (le poison). Cette transgression n’est pas sans rappeler l’aveu de Phèdre. On est bien dans un monologue tragique.

Argument 3 : Cette lettre est pathétique.

→Par le registre pathétique : “je vais mourir”, “je meurs”, “mon ombre s’envole”, “le poison va couler” (futur proche par la périphrase verbale). Roxane vit ses derniers instants, ses paroles vont être cruciales. La théâtralisation de l’instant est très forte, comme dans le dénouement de Phèdre. De plus, le passé proche (“je viens d’envoyer”) et les actions placées dans un futur proche resserrent le moment en lui conférant une tonalité dramatique.

→Par la question rhétorique, qui suppose que cette mort est un suicide et que la mort de son amant était sa seule raison de vivre.

→Par le périphrase et l’hyperbole, “le seul homme qui me retenait à la vie”, “le plus beau sang du monde”, qui désignent son amant et présentent cette mort comme un chant d’amour et un cri de passion. Roxane s’emporte dans sa passion, comme une héroïne lyrique et passionnée en proie à l’hybris.

II] Lignes 11 à 19 - Roxane se confronte à son mari

Argument 1 : Roxane dénonce l’attitude d’Usbek : le ton change radicalement et brutalement.

→Par le ton polémique qui double l’aveu.

→Par les accusations directes : “ces gardiens sacrilèges”, “pendant que tu te permets tout” qui supposent que Roxane est prisonnière chez elle et soumise.

→Par les accusations indirectes : Usbek n’a pas confiance en sa femme et elle n’a pas accès à la liberté.

→Par la double question rhétorique : “Comment as-tu pensé que… ?” : Roxane se rebelle et lève l’hypocrisie des masques et remet en cause le principe de soumission qui caractérise le statut des femmes dans un sérail : Roxane n’est pas dupe (“crédule”) et montre à Usbek; d’emblée, la crédulité (voire la bêtise) et la fausseté de son raisonnement qui fonctionne sur un a priori, celui que la vie de Roxane soit suspendue aux volontés de son mari. L’expression “tes caprices”, placée sous la chute de la phrase, cible l’égoïsme profond d’Usbek. La deuxième question pointe avec l’énonciation accusatrice (“tu”, “te”) l’inégalité profonde entre le statut des hommes (“tu te permets tout”, “tes caprices”) et la soumission, la privation de la liberté et le renoncement à la liberté pour les femmes (“affliger tous mes désirs”).

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