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Les Bonnes - Genet

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Par   •  19 Mai 2020  •  Analyse sectorielle  •  1 239 Mots (5 Pages)  •  634 Vues

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  Texte 3

Les Bonnes, Genet (1947)

  La mise en abyme, dont l’extrait propose un passage, confirme le fait que le propos de la pièce est de jouer sur le travestissement et les inversions, qui, par ailleurs, rendent complexe la situation de communication ; mais il met également en scène le rapport entre les maîtres et les domestiques.

            I. L’inversion des rôles

        a) L’identification

  Les jeux sur les pronoms personnels définissent une situation de communication rendue complexe par le changement de rôle des personnages.

  L’emploi du tutoiement exprime les rapports entre les deux sœurs. Mais le vouvoiement traduit plusieurs sortes de relations. Chez Solange, le « vous » s’adresse à la maîtresse, mais le contenu de certaines répliques est ambigu : les impératifs « Aidez-moi. » (l. 7) et « Continuez. Continuez. » (l. 15 et 18) s’adressent davantage à Claire qu’à Madame. Chez Claire, le passage du « tu » au « vous »  à la ligne 5, ainsi que la mention du costume (« revêtir cette robe ») montrent que le personnage est déjà dans son rôle ; mais le contenu des paroles (« Vous n’espérez pas […] pour m’entendre chanter ma beauté. Couvrez-moi de haine » l. 5-6) exprime aussi que Claire, la bonne, attend les injures du personnage de la domestique.

  Or, la suite de la page exprime qu’elle prend et garde le rôle de la maîtresse. Le début de sa réplique : « Je hais les domestiques » (l. 8) révèle la distance qu’elle souligne entre les maîtres et les valets. Dans cette réplique, les « Ils » (l. 9) sont suivis par le « vous » (l. 10) qui rend les insultes plus directes. Le fait qu’il s’agit toujours des domestiques est souligné par la didascalie : «  parlant toujours des domestiques ». La fin du texte consacre cette identification à travers le changement de prénom, qui marque que Claire ne se perçoit plus comme étant elle. Néanmoins, la violence même des insultes peut également indiquer que Claire (et non plus Madame) cherche à faire réagir Solange pour qu’elle assume son rôle.

  Il est donc possible de constater la grande ambiguïté des personnages, qui passent d’un rôle à l’autre, et qui ne paraissent pas perdre de vue leur véritable condition. C’est ce dernier point qui explique le déroulement inattendu de la scène.

        b) Un déroulement inattendu

  La triple reprise du mot « insultes » (l. 1, 3 et 5) est significative du thème initial de la scène, également sensible dans la suite de la troisième réplique de Claire, à travers l’ordre « Couvrez-moi de haine ! D’insultes ! De crachats ! » (l. 6), dans lequel le rythme ternaire insiste sur la violence attendue. Mais dans les deux premières répliques de Solange, les termes très laudatifs « belle » (l. 2) et « Vous m’éblouissez » (l. 4) montrent que Solange est dominée par l’incapacité à sortir des rapports habituels entre servante et maîtresse, et l’affirmation au futur « Je ne pourrai jamais » (l. 4) traduit vigoureusement cette idée. De plus, les impératifs « « Aidez-moi » et « Continuez » montrent une évolution, mais qui ne s’exprimera pas dans ce passage par des insultes.

  Cette incapacité met en évidence le tabou et la culpabilité de la révolte, c’est-à-dire l’aliénation du personnage. Elle conduit Claire, dans le rôle de Madame, à prendre l’initiative des insultes, alors dirigées contre les domestiques.

    II. Le portrait des domestiques.

        a) Une évocation péjorative

  Les termes métaphoriques « coulent », « exhalaison qui traîne » (l. 9) évoquent des éléments envahissants et suggèrent l’omniprésence d’une matière dont l’action est précisée à l’intérieur des relatives « qui nous pénètre, nous entre par la bouche, qui nous corrompt. » (l. 9-10). Le dernier verbe souligne le caractère nuisible de cette matière, et explique l’image « je vous vomis » (l. 10), qui connote le rejet et le dégoût. La réplique suivante reprend et accentue ce thème à travers le lexique de la répugnance, là encore mis en valeur par le rythme ternaire à travers les mots « fossoyeurs » et « vidangeurs » (l. 13) ; de plus, le terme « policiers » (l. 13) est très négatif chez Genet. Cette idée est encore soulignée par l’adjectif « fétide » qui ferme la réplique. On observe donc ici une évolution du propos, qui, à partir de l’évocation de la relation négative entre maîtres et domestiques met en relief l’idée d’un dégoût généralisé.

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