Lecture analytique lettres persanes - lettre 161- Montesquieu
Commentaire de texte : Lecture analytique lettres persanes - lettre 161- Montesquieu. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar verohist • 30 Mai 2016 • Commentaire de texte • 1 251 Mots (6 Pages) • 38 502 Vues
Les Lettres Persanes
Lettre 161
Introduction :
A la fin du XVIIème siècle, l'orientalisme est fortement apprécié par les occidentaux. En effet, Marona, un écrivain italien rencontre un grand succès en publiant l'espion turc en 1684. Montesquieu s'en inspire pour publier en 1721 un roman polyphonique les lettre persanes qui connaissent un succès à la hauteur du scandale.
Cet extrait est la dernière lettre du roman. Dans celle-ci, Montesquieu met en scène un aveux d'adultère d'une des femmes du sérail d'Uzbek qui est parti à Paris avec son camarade Rica à la recherche du savoir. Il est donc opportun de se demander comment à travers un aveux tragique d'adultère M. dénonce la condition de la femme.
I) Une lettre élégiaque d'une héroïne tragique
A) Une lettre orientale
Présence d'un destinateur « Roxane » et d'un destinataire « Uzbek »
Situation d'énonciation « je » (l.1)
Date et lieu d'expédition « ispahan » est en Perse
Présence de nom à consonance orientale
Mots renvoyant au champs lexical de l'Orient « sérail » (l.1) et « eunuque » (l.2)
B) Une héroïne tragique qui suscite l'empathie du lecteur
Accumulation + Gradation (l.2) : Elle assume avoue et souhaiter garder sa dignité
Théâtralisation de la mort : « je me meurs » (l.25) → tragédie, fatalité du destin de la femme. Hyperbole de la mort d'héroïnes telle que Phèdre.
« Héroïque » (l.12) souligne le personnage historique
Questions rhétoriques (l.4 et 8) suggère la soumission et victimisation de la femme dans le sérail
Vertu de la femme pour accentuer le côté tragique « tu me croyais trompée mais je te trompais » (l.20) pour restaurer son honneur.
« Ma soumission à tes fantasmes » (l.16 ) rappelle la condition de la femme
Emploi du présent : « je meurs » ; « le poison me consume » superpose le temps et l'action pour donner l'impression de voir la mort de Roxane en live.
Passage au futur : « je vais mourir » ; « le poison va couler » (l.3) donne un caractère inéluctable à la mort.
Second paragraphe qui met l'accent sur les raisons profondes de sa mort « puisque le seul homme qui (la) retenait à la vie n'est plus ». Amant héroïsé « le seul homme » ; « le plus beau sang du monde ». L'amour revêt une dimension vitale supérieure à la loi d'Uzbek.
C) Le registre élégiaque de la lettre permet de préparer le lecteur à la réflexion sur la liberté de la femme.
Champs lexical de la mort : « mourir » ; « meurs » et « poison » atteste de l'élégie.
Hyperbole : « le plus beau sang du monde » + Métonymie du sang
→ Attachement à son amant et tristesse de sa perte.
Utilisation du présent : Immédiateté de la mort
Gradation : (l.24) insiste sur l'aspect pathétique de la mort
Dramatisation : « je me meurs » allusion théâtrale
Énumération de verbes la montrant agissante : « trompé », « séduit », « jouée », « faire », « je viens d'envoyer », « j'ai reformé », « j'ai profané », « je te trompais ».
Questions oratoire auxquelles elle détient la réponse : « que ferais-je ici », « comment as-tu pensé »
Roxane se moque des illusions de son maître aveugle. Elle oppose les apparences de son comportement « j'ai pus vivre dans la servitude » « je me suis abaissée jusqu'à te paraître fidèle » et la part cachée intime, inaliénable « mais j'ai toujours été libre » « mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance ».
Elle espère que Uzbek saura « admirer » sa mort qu'elle présente comme une acte de « courage ». Acte de liberté → remet en question les fondements de la relation conjugale maître – esclave
II) Une argumentation indirecte pour revendiquer la liberté de la femme
A) Une lettre argumentative bien construite
2 premiers paragraphes : Aveux de l'adultère et du suicide
4 paragraphes du milieu : Justification de l’oppression et de la tyrannie et causes de sa mort
Dernier paragraphe : Conséquences de la situation oppressante : le suicide
Raisonnement implicite : Condition de Roxane = toutes les femmes
Roxanne est une exemplum, figure de modèle de victime de l'homme
B) Revendication de droit de la femme
Oxymore hyperbolique : « affreux sérail » (l.2)→ enfermement de la femme
Hyperbole « adorait tes caprices » = dénonciation de la tyrannie d'Usbek à l'égard de ses femmes
« Non » négation forte de sens ; opposition catégorique
→ revendication du droit d'user de sa liberté
« Servitude, libre indépendance » suggère les conditions difficiles et la douleur
Antithèse : Inversion des rôles et révélation de la véritable nature du sérail, un lieu « affreux » qu'elle a du elle même transformer en « un lieu de délices et de plaisirs »
Caractérisation des des gardiens par l'adjectif « sacrilèges » fait écho à l'emploi du terme « sacrifice » pour désigner les années de servitude.
Dimension tyrannique du maître
Vocabulaire politique pour décrire leur relation : « servitude » « libre » « reformé tes lois » « indépendance » « soumission ». Roxane est une esclave au sens politique et Uzbek un tyran dont seuls comptent « les caprices » « les fantaisies »
Évocation des lois « de la nature » → dimension philosophique
Vocabulaire de la tromperie distribué aux deux personnages mais l'erreur est du côté du tryran qui s'arroge un droit qu'il n'a pas.
C)Une lettre équivoque : Roxane est-elle héroïne ou immoral
( Bénéfice du doute laissé au lecteur par Montesquieu )
Roxane héroïque → mort héroïque (l.3) + antithèse soulignant son courage
Réflexion du lecteur sur la condition de vie de la femme à laquelle la mort est préférable.
Roxane immorale → Adultère à l'encontre de la « vertu » qu'elle revendique. « profanée » (l.5) insiste sur l'aspect immoral : mariage sacré
Profanation + hypocrisie
Cette lettre a un sens indéterminé, le lecteur est libre de l'interpréter comme il le souhaite et l'auteur le respecte. Mais il n'en demeure pas moins que la réflexion sur la condition de la femme est lancée.
Conclusion
Ainsi à l'issue de cette analyse, nous pouvons dire que que cette dernière lettre clôt roman des lettres persanes. Il s'agit d'une fin ouverte : Comment va réagir Uzbek à cette lettre ? Aucune réponse n'est donnée. Ce roman se termine sur une note sombre et la virulence de la lettre tout comme son caractère tragique pousse à un revirement total de l'impression dégagée par Uzbek qui n'a finalement pas si éclairé que cela. Montesquieu dévoile les limites de despotisme ou la violence et la tyrannie ne mènent à rien. En même temps, il signifie que le monde occidental tout comme le monde oriental ont leur aspects contestables et qu'il est temps de réfléchir à la construction d'une société plus équilibrée ou l'épanouissement de tous et toutes est possible. La personnalité d'Uzbek est très contradictoire à la fois lucide et habile dans la critique de la France, il ne se montre pas à la hauteur pour gérer son sérail. Peut-être est-ce une façon adroite de la part de l'auteur de dire que l'être humain est complexe et imparfait mais il n'en demeure pas moins qu'il est perfectible et en ce sens l'auteur précurseur des Lumières qu'est Montesquieu éclaire le lecteur.
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