Lecture analytique de Roman, A. Rimbaud

Roman, A. Rimbaud

I- Un roman sentimental caricaturé

        a- une structure et une situation propre au roman

        Le titre « Roman » annonce tout de suite qu'il va s'agir d'une fiction, d'un récit d'aventure où il y aura une histoire, comme dans les romans.

         Il y a aussi une organisation en 4 chapitres autour d'un schéma narratif précis et la ponctuation va rythmé le poème et le récit : le chapitre 1 présente la situation initiale (un jeune homme dans un café) et met en place les repères temporelles « bon soirs de juin » (v5) ; le chapitre 2 commence avec un tiret, l'action commence. Ce chapitre évoque une atmosphère agréable, heureuse avec des conditions propices à l'amour. Le narrateur à bu et est sûrement un soûl , il dit que « La sève est du champagne et vous monte à la tête » (v14) et la situation dans laquelle il se trouve à l'air de l'exciter physiquement « on se sent aux lèvres un baise / Qui palpita là, comme une petite bête... » (v15-16). Dans le chapitre 3 se passe la rencontre amoureuse « Lorsque, dans un la clarté d'un pâle réverbère, / Passe une demoiselle aux petits airs charmants, » (v18-19) et le vers 24 « -Sur vos lèvres alors meurent les cavatines... » montre le coup de foudre car il y a des points de suspensions et le narrateur reste sans voix à la vue de la jeune fille. On remarque que c'est une nouvelle étape importante de l'histoire et qu'il y a encore un tiret. L'élément perturbateur entre dans l'histoire et c'est le père de la fille « Sous l'ombre du faux col effrayant de,son père... » (v20). Et le chapitre 4 présente le déroulement de l'amour avec la répétition de la phrase « Vous êtes amoureux » aux vers 25 et 26 mais aussi les personnages secondaires, les amis du narrateur « Tous vos amis s'en vont » (v27). On y trouve aussi la rupture du couple qui est très suggestive, encore une fois il y a un tiret car c'est un passage capital : « -Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire... ! » (v28). Et enfin, il y a le dénouement final et c'est un retour à la case départ. Le poème se fini comme il a commencé à quelques mots près. C'est une structure cyclique.

        L'action s'inscrit aussi dans une durée précise qui est de « juin » (v5) à « août » (v25).

        Ce poème reprend un des aspect traditionnel du roman car il reprend le cliché romantique du cadre du lieu de rencontre aux vers 9 à 12 « - Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon / D'azur sombre, encadré d'une petite branche, / Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond / Avec de doux frissons, petite et toute blanche... », on y retrouve la nature, le ciel étoilé...

        Mais ce roman peut-être perçu comme un roman d'apprentissage car l'échec aussi bien en amour qu'en amitié auraient pu faire évoluer le narrateur mais ce n'est pas le cas parce qu'on retourne à la case départ.

        b- un monde prosaïque

        Traditionnellement, les romans d'amour sont des histoires nobles mais ce n'est pas le cas pour ce poème. Ici, l'histoire se situe dans un monde familier, dans un « café » (v3), en périphérie d'une ville « la ville n'est pas loin » (v7).. Ce sont des lieux banals qui sont en plus bruyants « tapageurs » (v3) et qui ont une lumière agressive « lustres éclatant » (v3). Toutes ces informations ne sont pas conformes au lieux habituels des romans d'amour qui sont des jolies châteaux avec un vaste terrain.

        Pour casser encore plus la tradition qui veut que ce genre de récit soit basé sur les sentiments ressentis par chacun des personnages, Rimbaud ne va se focaliser que sur les sensations de son héro. Dans le chapitre 1 et 2, il n'y a aucuns sentiments, que des sensations : la vue « éclatants » (v3), « azur sombre » (v10), « blanche » (v12), l'ouïe « tapageurs » (v3), « bruits » (v7), et surtout le toucher, la sensations de bien être intérieur « bons soirs » (v5), « doux » (v6), « doux frissons » (v12), « on se sent au lèvres un baiser / Qui palpite là » (v15-16). Rimbaud va même évoquer une excitation érotique ce qui n'est pas noble du tout. C'est une expérience sensuelle et non sentimentale.

        c- des personnages caricaturaux

Il y a dans Roman des personnages type :

• Le héro en quête d'aventure « Robinsonne » (v17) qui aime les chansons sentimentales « cavatines » (v24), qui aime écrire des poèmes « vos sonnets » (v26), et qui est abandonné de tous « Tous vos amis s'en vont » (v27) « Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire... ! » (v28).
• La jolie héroïne « aux petits airs charmants » (v19) qui est caractérisée par « petite » (v19-22) et idéalisée ironiquement au vers 26 « La ».
• L'opposant qui est le père et qui est présenté comme une caricature du bourgeois car il a un « faux col » (v20) mais il y a une dédramatisation ironique, « effrayant » (v20) s'oppose à « charmant » (v19) et à l'époque, le « prince charmant » était celui qui réussissait à envoûter).
• Les personnages secondaires, les amis.

Le personnage principal est caricaturé, c'est un amoureux manipulé « -Vos sonnets la font rire » (v26) « - Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire !... » (v28) et méprisé « elle vous trouve immensément naïf » (v21) mais la situation est provisoire car il est juste « loué » (v25).

II-Vers un poème moderne

        a- le jeu sur les contraintes poétiques

        En apparence ce poème est très traditionnel car on y trouve des alexandrins, des strophes, des rimes croisées (ABAB) et même une alternance des rimes féminines/masculines. Mais les contraintes sont bousculées :

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