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Lecture analytique Micromégas de Voltaire, chap 23

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Par   •  8 Mai 2019  •  Cours  •  2 440 Mots (10 Pages)  •  723 Vues

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Rappel du sujet Vous ferez une lecture analytique de la « Prière à Dieu » de Voltaire, en répondant à la question suivante : En quoi, derrière l’apparence d’une prière adressée à Dieu, se cache en réalité un appel à la fraternité humaine ?

L’analyse proposée ci-dessous est très complète, n’hésitez pas à vous en inspirer en ne conservant que les éléments qui vous paraissent les plus clairs et les plus convaincants, et entraînez-vous de manière à bien tenir les 10 minutes d’oral, sans les dépasser. Tous les éléments mis entre crochets dans le corrigé ci-dessous ne sont pas à prononcer à l’oral, ils vous servent simplement de fil conducteur méthodologique.

Proposition de corrigé Introduction « en entonnoir »  (on va du plus général au plus précis)

[1. Accroche sur le contexte de l’affaire Calas] Le 13 octobre 1761, à Toulouse, Marc-Antoine Calas est retrouvé étranglé dans la maison familiale. Son père, protestant, Jean Calas, est rapidement accusé d’avoir assassiné son propre fils, parce qu’il aurait voulu se convertir au catholicisme. La foule présente sur les lieux s’enflamme, la police accuse sans preuve, le parlement condamne. Et la sentence s’abat, implacable, sur le vieil homme, pourtant faible, qui est torturé et exécuté en mars 1762. [2. Présentation de l’auteur et de l’œuvre] Quelques mois après la mort du vieil homme, le philosophe des Lumières Voltaire décide de s’emparer de l’affaire, afin de prouver l’innocence du père de Marc-Antoine. Il rédige alors le Traité sur la tolérance, ouvrage publié en 1763 et constitué de vingt-cinq chapitres, dont certains traitent spécifiquement de l’affaire Calas, alors que d’autres sont surtout l’occasion de réfléchir à la tolérance religieuse de manière plus philosophique. [3. Présentation du texte étudié] Le texte soumis à notre étude correspond au chapitre XXIII du Traité, et s’intitule « Prière à Dieu ». Dans ce passage célèbre, Voltaire s’adresse directement à Dieu, tout en implorant les hommes de rester frères. LECTURE DU TEXTE [4. Reprise de la problématique, telle qu’elle vous a été formulée, que vous pouvez passer en formulation indirecte] Ainsi, nous pouvons nous demander en quoi, derrière l’apparence d’une prière adressée à Dieu, se cache en réalité un appel à la fraternité humaine. [5. Annonce du plan, en évitant d’utiliser les expressions « première partie » et « deuxième partie »] Nous verrons en premier lieu que ce texte prend la forme d’une prière adressée à un dieu universel, avant de nous pencher sur le véritable destinataire de cette imploration : l’humanité, appelée à plus de tolérance.

 Développement : première partie

[1ère étape : annonce de l’axe et des sous-parties] Nous verrons dans un premier temps que la « prière » rédigée par Voltaire est destinée à un Dieu universel (= axe principal). En effet, le philosophe s’adresse directement au Créateur [1re sous-partie] ; par ailleurs, il utilise des formules propres aux oraisons [2e sous-partie], afin d’implorer un dieu universel dont la grandeur semble dépasser les limites humaines [3e sous-partie].

[1er argument : 1) annonce de l’idée directrice de l’argument] Tout d’abord, nous observons que le début de la prière marque ce qui paraît être l’opposition du texte avec les chapitres qui précèdent ;

 [2) analyse des procédés] en effet, Voltaire utilise la conjonction de coordination « donc » qui sert ici à montrer qu’il change de sujet, et laisse de côté les « hommes » pour parler à « Dieu ». Le présentatif « C’est » met en valeur le pronom « toi »  qui désigne Dieu, et qui est répété plusieurs fois dans l’extrait, parfois en anaphore (procédé d’insistance) : « à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables ». L’usage du pronom personnel de la deuxième personne du singulier, tout en correspondant au style des prières chrétiennes, crée une sorte de connivence entre le philosophe et Dieu. Et, par le procédé de la double énonciation, entre le lecteur et Dieu. L’omniprésence de ce pronom, décliné sous toutes ses formes (« toi », « tu », « te »), vient également marquer l’omniprésence de la divinité à laquelle l’auteur indique son profond respect. On relève également le champ lexical lié à la prière, avec des termes tels que « demander », « pitié », « cierges », « te célébrer », « t’adorer ». Enfin, l’usage de l’impératif à valeur d’imploration, suivi du subjonctif, renforce l’impression qu’il s’agit bien d’une prière : « daigne regarder », « fais que nous nous aidions », d’autant que ces demandes sont accompagnées de marques d’humilité de la part de l’auteur (« s’il est permis […] d’oser te demander quelque chose »). [3) bilan interprétation de l’argument] Autant de procédés qui prouvent que le philosophe s’adresse, dans une forme de complicité religieuse, directement à Dieu.

[2e argument] [1] Par ailleurs, tout le début du texte est construit sur des périodes, des parallélismes et des énumérations. [2] La cadence du premier paragraphe se base sur une alternance de rythme binaire et ternaire. Le rythme binaire est marqué par l’usage de la conjonction « et » (« de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers », « Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger »), et par le parallélisme entre deux catégories d’hommes (« que ceux qui […] supportent ceux qui » / « que ceux qui […] ne détestent pas ceux qui »). Le rythme ternaire est sensible dans la gradation initiale, très solennelle, au « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps ». Les nombreuses énumérations donnent d’ailleurs de l’ampleur au texte. On relève en particulier une période [longue phrase] centrale construite sur la répétition de huit subjonctifs liés à l’impératif initial : « Fais que… ». Une nouvelle énumération se situe au centre de la période, lorsqu’il s’agit pour Voltaire de mettre en évidence la diversité de nos dogmes (« que les petites différences entre les vêtements […], entre tous nos langages […], entre tous nos usages […], entre toutes nos lois […], entre toutes nos opinions […], entre toutes nos conditions »). [3] Ainsi, toutes ces énumérations et ces différents procédés donnent de l’ampleur au texte et, par extension, à l’être même à qui ce texte s’adresse, c’est-à-dire à Dieu.

[3e argument] Enfin, [1] nous allons voir à présent que le philosophe s’adresse à un Dieu dont la grandeur semble dépasser les limites humaines. [2] Pour cela, il utilise à plusieurs reprises un rythme ternaire, où les déterminants « tous » donnent une valeur de généralité à l’être suprême : « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps ». Il n’est pas seulement le dieu d’un pays ou d’une religion, mais de tout ce qui existe, au-delà même de l’humanité. C’est une divinité bonne et généreuse dont il est question, comme le prouve le polyptote sur le verbe « donner » : « à toi qui as tout donné », « Tu ne nous as point donné », « ta bonté qui nous as donné cet instant ». À l’inverse, l’homme est décrit dans toute sa misère (ce qui rappelle les Pensées de Pascal), comme le prouvent les expansions nominales dans la périphrase « de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers ». Ici, on voit bien que la petitesse de l’homme s’oppose à la grandeur de Dieu et de sa création (évoquée par les substantifs « immensité » et « univers »). Les autres expressions du texte qui permettent de décrire les hommes vont toutes dans ce sens, et mettent en valeur la misère de notre condition et de nos existences : « fardeau d’une vie pénible et passagère », « atomes appelés hommes », « débiles corps », « petit tas de la boue de ce monde », « vanités », « l’instant de notre existence ». [3] Ces euphémismes viennent bien mettre en valeur notre fragile condition face à l’immensité de Dieu dans l’esprit du philosophe.

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