Le spleen et l'idéal - Charles Baudelaire
Cours : Le spleen et l'idéal - Charles Baudelaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Paul Na • 13 Juin 2016 • Cours • 1 428 Mots (6 Pages) • 906 Vues
I. La toute-puissance du Mal
1. La présence du Spleen
Baudelaire est en proie au Spleen (= mélancolie, ennui profond), écrire lui permet d’exprimer ce mal-être. Baudelaire nous expose donc une vie qui n’a rien d’attrayant. Il décrit le destin comme un « chemin bourbeux » se rapprochant ainsi du Spleen. Ainsi, il s’oppose à l’habituelle représentation de la vie telle une longue route tranquille. L’auteur utilise d’autres locutions péjoratives pour définir la vie notamment vers 7 « le canevas banal de nos piteux destins » qui déprécie notre existence. On peut aussi noter la personnification de la mort vers 23/24 « la Mort [...] descend ». Celle-ci prend possession de nous et nous fait descendre, ce qui est une des caractéristiques du spleen. Baudelaire cherche dans ce quatrain à recréer l’effet d’une noyade ou d’une asphyxie dû au Spleen. Il utilise les termes « sourdes plaintes » et « fleuve invisible » pour faire ressentir au lecteur l’eau pénétrant dans nos poumons.
2. La toute puissance du Mal
On relève le champ lexical du mal, « Satan », « démon », « diable », le mal est donc très présent. Baudelaire développe ici une esthétique satanique. La majuscule à l'épithète de «Satan Trismégiste » montre la toute puissance du diable. Il est décrit comme un chimiste qui travaille sur notre esprit. L’Homme ne peut rien faire contre lui. Le Mal attire les hommes, il les ensorcelle « notre esprit enchanté ». L’Homme n’est qu’une marionnette que Satan domine (« c’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent » vers 13) : Satan s'empare de la volonté de l'homme (vers 11 : « le riche métal de notre volonté » qui est « vaporisé »). Le vers 12 montre la puissance de Satan qui peut vaporiser du métal. De plus, on retrouve le plaisir chez Satan avec l’oreiller qui y fait référence. L’emphase « c’est Satan [..] qui » souligne de nouveau l’attrait du Mal, c’est Satan qui dirige l’homme, et non dieu.
3. Des vices mortels
L’homme n’a pas le courage de ses vices et cela est visible grâce à l’accumulation de vices du premier vers « la sottise, l’erreur, le péché, la lésine ». Les péchés sont personnifiés (vers2, vers 5). Le vers 2 « occupent et travaillent nos corps » montre des péchés dangereux. En effet, ici « occupent » est synonyme d’assiéger et « travaillent » nous renvoie à l’étymologie de ce mot trepalium qui était un instrument de torture. La comparaison « comme les mendiants nourrissent leurs vermines » (vers 4) montre que les hommes acceptent et ont de la complaisance pour ces vices -> allitération en « m » et en « i ». Les vices grouillent donc dans nos cerveaux. Cette idée est renforcée par la métaphore vers 22 « Dans nos cerveaux ribote un peuple de démons », les vices sont comparés à démons qui font la fête joyeusement et nous dirige. Dans les vers 29-32, on retrouve des allégories des vices sous forme d’animaux.
Baudelaire montre que le pouvoir destructeur de l'homme et ses vices nombreux, sont ralentis par sa lâcheté qui l'empêche d'aller jusqu'au bout de ses fantasmes morbides « Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, / N'ont pas encore brodé de leurs plaisants dessins / Le canevas banal de nos piteux destins / C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie. » (vers 25 à 28).
II. Un tableau de la condition humaine
1. Un homme Hypocrite
Les hommes rentrent « gaiement dans le chemin bourbeux » (= le destin) (vers 7), ils acceptent donc sans le Spleen. Ils ont une attitude hypocrite.
Image de débauchés : plaisir clandestin. Comparaison « sein martyrisée » (vers 18) avec « vieille orange » (vers 20). L'amour est déprécié, associé à la misère et à la pauvreté -> Hypocrisie dans l’attitude de l’Homme.
« Tu le connais, lecteur » (vers 39) -> dénonce la fuite des hommes qui refusent leur destiné.
« Hypocrite lecteur » (vers 40) -> chacun de nous est concerné
2. Un Homme faible
Baudelaire nous montre un homme faible. En effet, le champ lexical du vice et des péchés est omniprésent : « péchés », « lâches », « débauché », « volons », « clandestin », « viol ». Baudelaire nous montre ici une réalité cachée de l’homme : l’homme est corrompu. De plus, l’Homme est déshumanisé, il n’est pas maître de son corps « c’est le Diable qui tient les fils qui nous remuent » (vers 13) « chaque jour vers l’Enfer nous descendons d’un pas » (vers 15). On a donc l'image d’un homme sans volonté et dominé par le Mal. Cette volonté est caractérisée par un lexique laudatif « riche métal », tel une pierre précieuse, qui contraste avec l’importance de sa disparition. Dans le vers 5 « Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches », l’homme est incapable d’arrêter de commettre des péchés et ses repentirs ne permettent pas de laver ces péchés => Référence à la religion et à l'hypocrisie de la confession. Baudelaire met en avant le manque de courage de l'homme « notre âme, hélas! n'est pas assez hardie » (vers 28).
3. Un ennemi universel : l’Ennui
L’Ennui est le principal ennemi de l’Homme. Tout le poème est construit de manière à amener l’ennui qui arrive de façon dramatique. En effet, Baudelaire parle de l’Ennui dès le début de la neuvième strophe mais le mot « ennui » n’est prononcé qu'à la strophe suivante, la dernière du poème (vers 37). Cela crée un effet de suspens. La tournure « Mais parmi » (vers 29) accentue la monstruosité de l’Ennui ; parmi les sept autres animaux repoussants, il est le pire. Les accumulations créent un effet de cascade accentué par la juxtaposition d’adjectifs (vers 33). La tournure de présentation « Il en est un » (vers 33) pousse le lecteur à la curiosité. Au vers 33, l'anaphore de « plus » et la gradation, basée sur la longueur des mots et leur sens, « plus laid, plus méchants, plus immonde » dramatise l’Ennui. Il est donc représenté comme un monstre silencieux qui « ne pousse ni grands gestes, ni grands cris » (vers 34) mais capable de « faire de la terre un débris » (vers 35). L’Ennui « rêve d’échafaud » (vers 37), il a donc des envies meurtrières et sanglantes, ce qui renforce son atrocité.
III. Un poème en forme de préface
1. Un pacte avec le lecteur
Le pronom personnel « nous » est utilisé dans tout le poème. On ne connait qu’à la fin qui il désigne grâce au « tu » et « mon » de la dernière strophe. Le « tu » arrive avec une certaine brutalité qui risque de déplaire à celui-ci. Le groupe nominal « Hypocrite lecteur » marque une provocation, mais également une sorte de complicité avec le poète qui montre qu'il connaît le lecteur et peut ainsi se permettre cette familiarité. Baudelaire dresse donc un tableau de sa propre condition mais aussi de celle du lecteur. Pour adoucir ses propos, il crée un rapprochement avec ce lecteur hypocrite au vers 40 « mon semblable, mon frère ». L’idée de fraternité est d’habitude retrouvée dans le Bien et le bonheur ici, on la retrouve dans le Mal. On retrouve donc ici l’idée d’universalité du Mal. L’auteur s’adresse au lecteur dans tout le poème. Le titre « Au Lecteur » fait du poème une sorte de dédicace à ce lecteur. Ce poème étant le premier du recueil, Baudelaire montre son esthétique nouveau et présente les thèmes qui seront traité dans le recueil, notamment le Spleen.
2. La modernité de Baudelaire : sa violence poétique
Baudelaire donne des images crues, il a des propos violents, on relève le champ lexical de la pourriture, dévoré, rongé par les vices, le spleen, « vermine », « vers qui rongent », « helminthes ». Il y a un mélange de plusieurs genres de langues, grandiose et idéal et spleen. On relève aussi des oxymores (violence antithétique et figures d'opposition).
La poésie est donc une déchirure entre le spleen et l’idéal mais aussi une réconciliation par les oxymores.
Annonce d'une modernité par l'usage d'un vocabulaire courant (« vieille orange") qui choque avec un vocabulaire ancien (« catin » = mot antique, « helminthe », « trismégiste »).
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