Le rouge et le noir
Commentaire de texte : Le rouge et le noir. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar jeannecib • 23 Janvier 2022 • Commentaire de texte • 2 161 Mots (9 Pages) • 343 Vues
Commentaire de texte
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Le roman, genre protéiforme, excelle à dépeindre les mœurs et les passions de la société, particulièrement au XIXème siècle. C’est en effet le projet de Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, précurseur du réalisme, qui s’inspire de réels faits divers dans ses œuvres. Il publie alors « Le Rouge et le Noir », œuvre romantique et réaliste, en 1831. Dans l’extrait proposé à notre étude, situé à la fin du chapitre XII, intitulé « un Voyage », Julien Sorel, le personnage principal, est face à une décision qui le tiraille : son ami Fouqué lui propose de s’associer à lui, dans son affaire de vente de bois. On peut alors se demander en quoi cet extrait nous révèle la personnalité complexe et singulière de Julien, en conflit avec lui-même, qui rêve de pouvoir. Afin d’y répondre, nous verrons, premièrement, en quoi l’offre de Fouqué est tout à fait honorable. Deuxièmement, nous expliquerons de quelle manière le refus de cette offre par le héros nous dévoile une ambition démesurée. Enfin, nous montrerons comment, à l’inverse, les doutes qui le tourmentent témoignent d’une certaine fragilité.
Dans un premier temps, nous montrerons donc en quoi l’offre d’association de son ami Fouqué est très honorable.
Il faut directement souligner le fait que Fouqué connaît très bien Julien. Ceci est annoncé dès la ligne 159 : « Fouqué avait la plus haute idée des lumières et du caractère de Julien ». L’emploi du superlatif « la plus haute », nous le montre bien. Il veut donc le convaincre de s’associer à lui, présentant son offre sous un angle mélioratif, mais tout à fait réaliste. En effet, il prouve d’abord sa réussite et le mérite de son travail, à la ligne 157 : « il montra ses comptes à Julien et lui prouva combien son commerce de bois présentait d’avantages ». Ensuite, il lui promet bonne somme : « quatre mille francs par an » (L188), ou encore « deux cents louis » (L190). Ce sont des revenus avantageux, que la majorité des individus aurait aisément accepté, sans autres conditions. Il est persuadé que son offre est en corrélation avec la personnalité de Julien, il est d’ailleurs sûr de lui puisqu’il « regardait l’affaire de l’association comme terminée » (L184).
De même lorsque Julien refuse l’offre ; « sa vocation pour le saint ministère des autels ne lui permettait pas d’accepter » (L185) ; Fouqué est choqué, il « n’en revient pas » (L186). Il tente alors de le faire changer d’avis, lors d’un dialogue où il essaye de s’adapter encore plus à la personnalité de son ami. Il veut lui montrer que son métier est tout à fait convenable et qu’il n’est pas contraire à la vocation de Julien. Il lui dit qu’il « se charge de lui procurer la meilleure cure du pays » (L192) pour le faire entrer au séminaire, car il a tout un réseau de clients estimable : « je fournis du bois à M. le…, le…, M.… » (L193). On comprend qu’il veut, dans un dernier espoir, prouver que son activité le met aussi en relation avec des personnes de haut rang, à qui il « livre son essence de chêne de première qualité » (L194) et que ceux-ci achètent « comme du bois blanc » (L195). Il souligne que « jamais argent ne fut mieux placé » (L195) et vante donc la qualité de ses produits, et notamment avec cette comparaison au bois blanc, c’est à dire une matière rare et précieuse, qui ne se vend pas aux personnes de classe inférieure.
Pourtant, même en proposant à Julien cette offre personnalisée, celui-ci lui fait comprendre que ses projets n’attendent pas et Fouqué « finit par le croire un peu fou » (L197). Le lecteur se place du même avis, car il semble impossible de refuser une proposition aussi sérieuse.
On comprend bien que l’auteur veut nous faire ressentir ici ce sentiment d’incompréhension face au refus de Julien, pour pouvoir mettre en avant le désir d’un avenir glorieux.
Dans une deuxième partie, nous verrons donc en quoi ce refus cache une ambition démesurée.
Dès les premières lignes, on comprend que Julien vient d’un milieu modeste, : « petite chambre de bois de sapin » (L162), « difficultés de détails » (L165), qu’il n’a pas de moyens :« un associé qui n’a pas de fonds à verser dans son commerce » (L169). En revanche, il n’accepte pas sa condition et a une haute estime de lui-même, se comparant à des personnages historiques prestigieux : « Comme Hercule » (L200) ou encore à Napoléon : « à cet âge, Bonaparte avait fait les plus grandes choses » (L178). C’est d’ailleurs, en partie, en se comparant à lui qu’il refuse l’offre de son ami Fouqué car il craint qu’en laissant de côté ses ambitions, le temps de l’association, il n’ait plus « le feu sacré avec lequel on se fait un nom » (L181). Il veut donc absolument s’élever socialement, le plus rapidement : « Quoi, je perdrais lâchement sept ou huit années ! » (L177).
De même, il rabaisse les gens de sa condition en les qualifiant de « fripons subalternes » (L181), alors même que Fouqué lui rappelle que c’est aussi la sienne, lorsqu’il lui dit :« tu veux retourner chez ton M. de Rênal qui te méprise comme la boue de ses souliers ». Il le compare à un vaurien, qui se fait utiliser par une personne de rang plus élevé. Cela n’arrête pourtant pas Julien. De plus, loin de se contenter de la somme que lui offre Fouqué pour travailler à ses côtés, on note l’utilisation d’adjectifs réducteurs tels que « quelque mille francs » (L162), « petit pécule »
(L164), ou encore « quelque argent » (L179), ce qui montre qu’il en faut toujours plus pour le combler.
En outre, son rêve d’élévation sociale s’exprime dans le choix peu cohérent entre deux métiers bien différents, faisant passer son ambition avant tout, sans aucune prise en compte de ses réels désirs. En effet, on le comprend parfaitement quand il dit qu’il fera « le métier de soldat ou celui de prêtre selon la mode qui régnera alors en France » (L163). Il sait que pour satisfaire sa soif de pouvoir il doit suivre certains critères. Il veut à tout prix faire partie des plus érudits même s’il sait qu’il lui reste encore du chemin à parcourir : « l’affreuse ignorance où je suis de tant de choses qui occupent les hommes de salon » (L166). Il annonce alors son refus « d’un grand sang-froid, au bon Fouqué » (L183) : le contraste entre sa froideur et la bonté de Fouqué souligne d’autant plus la différence des personnages, et accentue la grande vocation de Julien. On comprend, de surcroit, que lorsque Fouqué « n’en revient pas » (L186), c’est qu’il fait preuve de réalisme, au contraire de Julien, dont l’insatiable ambition nous semble complétement en décalage avec la réalité. Malgré les efforts de son ami pour lui faire ouvrir les yeux sur les avantages de son offre, « rien ne peut vaincre la vocation de Julien » (L196). Pas même le fait que Fouqué ait vraiment besoin de lui, pas seulement pour travailler, mais aussi parce que « la solitude le rend malheureux » (L168), qu’il « vit seul » (L157) et qu’il veut vraiment un associé « dans l’espoir de se faire un compagnon qui ne le quitte jamais » (L170).
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