Le jeu de l'amour et du hasard - Marivaux
Commentaire de texte : Le jeu de l'amour et du hasard - Marivaux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Morgane Gander • 1 Mars 2020 • Commentaire de texte • 2 448 Mots (10 Pages) • 868 Vues
GANDER Morgane
L1
cours : Mardi 9h-12h
Le Jeu de l'amour et du hasard, acte III, scène 8
Le jeu de l'amour et du hasard est une pièce en trois actes écrite par Marivaux et jouée pour la première fois 1730. C'est à la scène 8 de l'acte III, qui est l'avant-dernière scène de la pièce, que nous nous intéressons ici. Afin d'en déterminer les enjeux, il est nécessaire d'en rappeler le contexte.
Promis l'un à l'autre sans ne s'être jamais vus, Silvia et Dorante ont chacun l'idée de se travestir en leur valet respectif, afin de s'observer plus à leur aise avant le mariage.
Tiraillés entre le cœur et la raison, entre leurs aspirations à un amour pur et leur conditionnement social, les personnages évoluent dans une structure complexe entre tradition et modernité : l'appartenance à une même classe sociale ne leur suffit pas, ils veulent s'assurer de la sincérité de l'amour de l'autre, connaître le cœur de la personne qui leur est destinée, au delà de son titre et de son apparence.
Il semble important de rappeler ici en quoi la pensée de Marivaux est novatrice.
Dans une volonté de rupture avec le siècle précédent, l'auteur s'attache à démontrer que selon lui, le mérite prime sur la naissance. Si cette pensée s'inscrit dans le siècle des Lumières, elle est encore très nouvelle et le changement ne sera acté qu'à partir de 1789, après la Révolution. Marivaux fait ainsi partie des précurseurs d'un nouveau mode de pensée, aspirant à ne plus se contenter d'un conditionnement social, au profit d'une plus grande élévation de l'esprit.
Commence alors un jeu complexe où les les rôles des maîtres et des valets inversent, chacun étant successivement acteur de sa stratégie et trompé par son partenaire. L'amour, Le mérite personnel et la discrimination sociale sont ainsi au cœur de l'intrigue.
Dans la scène 8 de l'acte III, Dorante, qui vient de s'entretenir avec son valet, est surpris et offensé d'apprendre le prochain mariage de celui-ci avec Lisette, aucun des deux valets n'ayant révélé sa véritable identité.
Cette scène scène se déroule entre Dorante et Silvia. Si cette dernière a une longue réplique dans laquelle elle expose ses sentiments, la parole des deux protagonistes occupent une place équivalente, dans la mesure où chacun a un enjeu capital : Dorante veut la main de celle dont il est éperdument amoureux, Silvia veut s'assurer d'être aimée pour ce qu'elle est vraiment.
Dans l'Acte III, scène 4, Silvia annonce à son père, Monsieur Orgon, qu'elle veut attendre que Dorante lui ait demandé sa main avant de lui révéler qui est elle est, en se réjouissant de la situation. La scène 8 de l'acte III est la première depuis cette scène où nous retrouvons Dorante et Silvia en même temps.
Jusqu'à la scène 12 de l'acte II, Dorante et Silvia étaient encore sur un pied d'égalité. En effet, c'est dans cette scène que Dorante se révèle comme étant lui-même et non Bourguignon, alors que Silvia continue le jeu de masque jusqu'à la fin de la pièce.
Si la scène 8 de l'acte III n'est que l'avant dernière scène, en quoi fait-elle partie intégrante du dénouement ?
C'est ce que nous allons étudier dans un déroulement en trois parties.
Premièrement, nous nous intéresserons au dépit amoureux dont il est question dans cette scène, de la ligne 1 à 63. Ensuite, étudierons l'évolution des sentiments des personnages de la ligne 64 à 109, afin de nous rendre compte, enfin, de ce qui les amène à la promesse d'un mariage heureux, de la ligne 110 à la fin de la scène.
Tout d'abord, il apparaît en effet comme évident, d'après les premières répliques, qu'il s'agit ici d'une scène de désespoir amoureux.
Le valet de Dorante est sorti, après avoir fait part de sa joie quant à son mariage futur avec Lisette, qu'il prend alors pour Silvia. Dans un aparté, Dorante annonce clairement son sentiment dès la première ligne, en se demandant à lui-même « pourquoi faut-il que Mario m'ait prévenu ? »
En conséquence, Dorante met une distance entre Silvia et lui, ce qui est tout de suite perçu et ressenti par cette dernière lorsqu'elle s'exclame, dans un aparté, « Quelle froideur ! » (l.8). Cette « froideur » évoquée ici est la conséquence du sentiment de Dorante face à la présence supposée d'un rival amoureux.
Chacun feignant de partir, la scène a des allures de scène de rupture. Le champ lexical du départ est en effet très présent, puisque l'on retrouve dans la première partie de la scène, par exemple, les termes « éloigné » (l.6), « partir » (l.14), « retire » (l.22), et « Adieu » (l.34)
Le premier départ annoncé est celui de Dorante, qui pense que Silvia ne l'aime pas.
Celui-ci affirme « Je vais partir incognito » (l.14), mais essaie de susciter le désir chez Silvia, en espérant qu'elle le retienne. Dorante donne de multiples occasions à sa partenaire de de le retenir. En effet, c'est ce qui se confirme notamment lorsque celui- ci lui laisse entendre « j'ai d'ailleurs d'autres raisons qui veulent que je me retire : je n'ai plus que faire ici ». C'est là une tentative de Dorante d'obtenir une réaction de Silvia, par exemple par une interrogation sur son départ, ce à quoi Silvia fait mine de résister de résister en lui répondant « Comme je ne sais pas vos raisons, je ne puis ni les approuver, ni les combattre ; et ce n'est pas à moi de vous les demander » (l.23)
Dorante finit par partir, prenant le risque d'échouer si jamais Silvia ne le retenait pas, ce qui donne un nouvel élan à l'action.
Troublée par le départ de Dorante, ce qui est facile à percevoir dans son aparté lorsqu'elle s'exclame « Ah, voilà qui est fini, il s'en va, je n'ai pas tant de pouvoir sur lui que je le croyais », Silvia en vient à son tour à feindre départ. Bien que Dorante ait une position plus nette quant à ses sentiments (il est effectivement toujours celui qui la rappelle), Silvia poursuit ici un jeu de plus en plus dangereux, prenant le risque de voir partir Dorante pour de bon.
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