Le "je" des Contemplations est-il Hugo ?

I-Oui, le « je » est Hugo

a)Victor Hugo change les dates et les lieux pour donner l’illusion d’un journal intime

Nous retrouvons ce phénomène à plusieurs reprises comme pour A Granville, en 1836. Celui-ci, commençant par « Voici juin », est par conséquent daté de juin 1836. Or ce poème a été composé en octobre 1854. Il devrait donc logiquement s’insérer dans la partie Aujourd’hui qui couvre la période entre 1843 et 1855. Cependant comme le thème de cette dernière est le deuil et la mort, A Granville, en 1836 ne peut en faire partie puisqu’il est relatif à la nature et parle d’amour. Nous pouvons donc dire que ce poème est issu en partie ou totalement de l’imaginaire de Victor Hugo et qu’il ne s’agit pas d’un jour précis qu’il aurait décrit. Aussi, « Mon bras pressait ta taille frêle » a été écrit en août 1834 et ne porte pas de date précise dans le recueil, il s’agit en effet du premier poème des Contemplations à avoir été rédigé. Toutefois, il n’apparaît que dans le livre II, bouleversant l’ordre chronologique réel et celui imaginé par l’auteur. Enfin, la poésie A ma fille est datée d’octobre 1842 dans l’édition du recueil alors que sur le manuscrit la date d’écriture est le 5 juin 1839. Encore une fois la modification temporelle a pour but de donner une symbolique différente à l’écrit, ici une valeur émotionnelle, puisque Léopoldine meurt un an plus tard. Hugo joue donc avec une organisation chronologique fictive pour que le lecteur puisse s’y identifier. Il éloigne ainsi son récit de sa réalité, ce qui laisse à penser que le « je » des Contemplations est parfois plus une façon d’inclure le lecteur que de relater uniquement la vie de Victor Hugo.

b) Il met en évidence plusieurs étapes de sa vie

Nous pouvons commencer par parler de la division en deux parties du recueil de Victor Hugo : Autrefois et Aujourd’hui. Ces deux termes montrent l’aspect autobiographique de l’œuvre puisqu’ils évoquent un moment de la vie d’Hugo, Autrefois étant pour lui le temps de l’espérance quand Aujourd’hui est celui du deuil, de son deuil. D’autre part, les titres des quatre livres révèlent les « étapes » de cette vie vécue par Hugo. En premier lieu, Aurore qui évoque le début de la vie, la naissance mais aussi la découverte des amours. Nous pouvons ainsi citer le poème Lise : « […] Elle m’aimait. Je l’aimais. […] », ou encore les premiers engagements de Victor Hugo dans le mouvement romantique par exemple, à travers A propos d’Horace, poème dans lequel il dénonce l’enseignement classique qu’il a reçu. Puis vient L’Âme en fleur, livre dont le principal thème est l’amour. Nous pouvons notamment parler du poème « Mon bras pressait ta taille frêle » qui relate une soirée d’Hugo en compagnie d’une femme. Les combats et questions de Victor Hugo apparaissent ensuite dans Les luttes et les rêves. Aussi les nombreuses souffrances sur Terre sont évoquées dans le poème ? . Effectivement, dans ce dernier, Hugo questionne aussi bien la guerre que l’injustice que de nombreux ouvriers subissent. Finalement, le livre IV, Pauca meæ, exprime le désarroi d’Hugo suite à la mort de sa fille. Pauca meæ reprend des termes utilisés par Virgile (70-19 avant J.C.) dans la dixième bucolique. Ces mots latins peuvent d’ailleurs se traduire par « Quelques vers pour ma fille tant aimée ». Ce livre est donc celui de l’hommage à l’une des filles de Victor Hugo, Léopoldine décédée le 4 septembre 1843 à 19 ans. Hugo exprime toute sa douleur et parle donc de son deuil dans ce livre. Ces différentes livres marquent des étapes et des ruptures dans la vie d’Hugo, et souligne aussi le fait que Hugo grandit, que sa vie avance.

c) Hugo livre ses sentiments personnels

En effet, Hugo exprime de nombreux sentiments dans ce recueil comme dans « Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin », dans lequel il raconte un souvenir qu’il a de sa fille. Les émotions qu’il cherche à faire passer sont plutôt positives puisque la scène évoque le partage d’un moment quotidien entre père et fille. Aussi Hugo l’attendait « ainsi qu’un rayon qu’on espère », donc nous pouvons dire que cette venue lui procurait beaucoup de bonheur. De plus, Victor Hugo dévoile que Léopoldine était sa muse car ses « plus doux vers » lui venaient sur les feuilles qu’elle avait froissée. Mais c’est surtout une forme de nostalgie et de mélancolie qui ressort de ce poème du fait que sa fille est maintenant morte. D’ailleurs dans un autre poème, Trois ans après, d’autres sentiments sont évoqués tels que le désespoir, nous pouvons relever « je désespère », le deuil impossible à faire puisqu’Hugo ne souhaite plus vivre, et surtout la souffrance. En outre, la citation « Quand je suis brisé, las et triste » résume bien les différentes émotions de Victor Hugo, une forme d’apathie et de tristesse mêlé qui dévoilent au lecteur un aspect personnel du poète. Hugo se livre ainsi et font des Contemplations, un récit lyrique romantique par l’expression du « moi ».

II- Cependant, Victor Hugo fait en sorte que ce qu’il écrit puisse résonner en ses lecteurs

a)Hugo parle de différents sujets qui composent la vie des Hommes

Par exemple, nous pouvons citer le poème Mors, qui fait partie du livre IV, Pauca meæ. Dans celui-ci, Victor Hugo nous livre sa vision de la mort à travers une métaphore avec la faux. Nous pouvons relever la citation « pour le faire mourir » qui nous indique le thème de la poésie. La mort fait en effet partie des nombreux sujets abordés dans la vie d’un Homme et aussi dans les Contemplations. De plus, l’amour est une thématique qui est souvent présente dans ce recueil. Dans le livre II, intitulé L’Âme en fleur, on trouve le poème Crépuscule. Ce dernier exprime le bonheur et la nécessité d’aimer tant qu’il est encore temps. D’autre sujets sont abordés parmi lesquels se trouvent la religion et donc la relation à Dieu comme c’est le cas dans Écrit au bas d’un crucifix, qui est en fait une sorte d’appel à la prière puisque l’on peut repérer l’anaphore de « venez à lui [Dieu] ». Ainsi nous pouvons souligner la diversité des sujets évoqués, qui sont ceux ayant eu de l’importance dans la vie d’Hugo.

b) Il efface les traces permettant d’identifier son histoire personnelle comme les noms ou les lieux

C’est le cas par exemple dans Mes deux filles. Effectivement, Victor Hugo a bien deux filles : Léopoldine et Adèle, mais

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