Le crapaux, Tristan Corbière
Commentaire de texte : Le crapaux, Tristan Corbière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar vanolapzi • 22 Juin 2017 • Commentaire de texte • 1 368 Mots (6 Pages) • 744 Vues
INTRODUCTION
Tristan Corbière est un poète français du XIXe siècle. Dans son oeuvre, comme beaucoup de poètes de son époque, il cherche à faire transparaître une certaine modernité. Celle-ci est visible, entre autre, par a déformation du sonnet dans Le Crapaud, qui est présenté la « tête à l'envers » ainsi que par le dernier quatrain, scindé en deux par une ligne de pointillés. Le Crapaud apparaît dans Les Amours Jaunes, recueil paru en 1873. Le titre du recueil est assez évocateur, « les Amours », thème cliché en poésie, sont présentés comme étant romantiques, harmonieux, etc. Ici, ils sont associés à la couleur jaune, terme qui peut faire référence à la jaunisse, à la maladie, à l'aspect cocu. Autrement dit, les amours ici ne sont pas sacrés, mais plutôt empreints de mesquinerie, de tromperie. Le terme jaune peut aussi être associé au « rire jaune », qui est un rire faux, presque ironique. Dans Le Crapaud, Corbière présente un sonnet retravaillé, déformé : on retrouve des octosyllabes au lieu d'alexandrins, le texte est parsemé de points de suspension et le dialogue ne respecte pas la fin du vers. On retrouve aussi l'expression d'un crapaud représentant le poète et comparé au rossignol, statut qu'il ne possède plus. Comment le poète, à travers une mise en scène typique du cliché amoureux, fait-il la comparaison du poète crapaud, rejeté, en marge, maudit ? Le poème présente une mise en scène ambigue, à la fois clichée (rencontre amoureuse) et effrayante (obscurité de la nuit cachant des dangers). Le dialogue de sourd, présentant une incompréhension visible, permet de faire transparaître la symbolique du poète crapaud.
I). Une scène stéréotypée mais effrayante
a). Le stéréotype romantique
Le poème présente une mise en scène ambigüe, dont la dimension clichée apparait clairement. Le poème semble décrire une balade amoureuse, nocturne « type ». Tout est figé, calme, serein, naturel, cela se traduit par l'expression « une nuit sans air » qui montre l'aspect paisible, solennel du moment présent. Cet aspect silencieux de la nuit, qui veille sur les amants, est renforcé par les points de suspension, qui peuvent marquer plusieurs choses : ils soulignent le silence, peuvent aussi marquer le souffle, la respiration ou encore l'hésitation. En effet, ici on retrouve des interruptions volontaires, des aposiopèses, qui donnent une impression de non dit. Ce que le poète exprime de façon explicite est suffisant pour nous permettre de deviner le reste, par exemple : « un chant dans une nuit sans air ». La mention de la lune permet elle aussi de souligner l'aspect romantique de la scène et l'expression de l'amour, qui se veut rassurant, apparaît aussi très clairement avec l'expression « ton soldat fidèle ».
b). Une atmosphère glaçante
À cette dimension clichée, romantique, typique de la poésie s'ajoute, transparait de manière sous-jacente, la dimension effrayante de la nuit, peu rassurante, qui peut cacher certains dangers. Cette dimension inquiétante apparaît entre autres avec des expressions liées à l'ombre, au sous-terrain, telles que « vert sombre », « enterré », « dans l'ombre », « sous sa pierre ». Avec ces expressions apparaît tout un monde invisible, qui les entoure, est omniprésent et qui par le fait même engendre la peur. Cette dimension est renforcée par l'expression « métal clair ». En effet, la clarté qui normalement se veut rassurante, dont le sens a des connotations positives, est associée au métal, qui est dur, froid, solide. Ainsi, l'expression donne un aspect figé, glacial, immobile à une clarté dénaturée. À cette atmosphère ambigüe vient s'ajouter un chant et l'apparition du crapaud qui va provoquer l'incompréhension dans le couple, briser son harmonie.
II). Un dialogue à sens unique du poète analogue au crapaud
a). L’effet de surprise du crapaud qui amene au dégout de l’homme
L'apparition soudaine du crapaud, tapis dans l'obscurité, engage un dialogue de sourd entre les deux personnages. La femme a une réaction d'horreur, de dégoût face au crapaud. Celle-ci s'exprime par l'exclamation de surprise : « Un crapaud ! » et par l'anaphore d' « Horreur ! » qui possède aussi un gradation marquée par les deux points d'exclamation. Lorsque l'on s'aperçoit par la suite que le crapaud est à l'origine de ce chant, harmonieux et puissant, enchantant la nature et comparé à un « échos tout vif », ce dernier nous semble encore plus déplacé à cause de la réaction de la femme face à la présence du crapaud. En effet, il paraît impossible qu'une créature produisant un tel dégoût puisse produire un champ aussi magnifique. Ici, la réaction de la femme est symbolique et fait échos au rejet qu'a pou subir le poète Tristan Corbière dans sa vie (cet argument sera clarifié dans la troisième partie).
Face à elle, l'homme est dubitatif, il est plus surpris par sa réaction que par l'apparition subite du crapaud. Il tente de lui faire comprendre l'aspect illogique, exagéré de son attitude en lui posant des questions : « Pourquoi cette peur », « Horreur pourquoi ? ». Il tente aussi de la ramener, en vain, vers l'aspect romantique, magique de leur balade, du moment présent, avec le vers «Près de moi ton soldat fidèle», qui souligne très clairement l'absence de choc ou de dégoût envers le crapaud qu'il pourrait ressentir. Avec cette profonde surprise de l'homme face au dégoût de la femme apparaît l'éloge du crapaud.
b). Blâme de la laideur du crapaud par l’homme associé au poète déchu
Le crapaud, personnage central du poème a un rôle symbolique très important. Tout d'abord, la réaction de la femme souligne le symbolisme typique du crapaud. Associé à la laideur, apparaissant visqueux et répugnant, il incarne, dans les contes de fées, la punition infligée au prince en attendant un baiser de sa belle. Ici, la symbolique est détruite puisque le crapaud incarne le poète et non le prince (« poète tondu ») et qu'il disparaît avant d'avoir pu recevoir son baiser (« Non : il s'en va, froid, sous sa pierre »). Son départ marque la fin du poème : « Bonsoir-ce crapaud-là, c'est moi ».Néanmoins, cette pointe arrive avec une évolution progressive du crapaud.
Dans le poème, le crapaud fait peur à la femme, mais son compagnon fait un discours élogieux de celui-ci, tout en montrant sa détresse. il compare le crapaud au « poète » et dit qu'il « chante ». Ainsi, il fait transparaître le rôle du poète qui enchante la nature par ses paroles tel qu'il est mobilisé dans le mythe d'Orphée. En effet, le chant du crapaud vient éveiller la nuit, lui redonner un semblant de vie et un aspect magique. Néanmoins, il est associé au « poète tondu », cela fait référence à Samson, dans la bible, qui détient toute sa puissance dans ses cheveux et que Dalila coupe. Ainsi, Tristan Corbière présente qui n'a plus de puissance, dépourvu de ses « ailes ». Cela fait référence à l'Albatros, poème de Baudelaire dans lequel l'oiseau ne peut pas marcher à cause de ses ailes démesurées et qui apparaît ainsi maladroit, dépourvu de sa majesté. On peut faire un parallèle entre l'Albatros, et le « Rossignol de la boue », qui marque le déshonneur, la honte affligée à l'oiseau, au poète.
c) Vision du poète opposé à la vision de l’homme
Le poète apparaît aussi comme clairvoyant, connaissant les secrets de la nature, avec l'expression « son oeil de lumière » qui peut faire référence à Élévation de Baudelaire. Enfin, cette métaphore du poète crapaud aboutit à la pointe finale, où le poète, rejeté par la femme horrifiée par l'aspect hideux du crapaud, garde sa dignité avec le « Bonsoir », qui apparaît comme quelque peu dédaigneux et dérisoire.
CONCLUSION
Ce poème, à l'aspect peu conventionnel dans sa structure et sa syntaxe apparaît comme moderne et souligne une image originale du poète maudit, qui a perdu sa puissance et qui est au final rejeté par la femme à cause de son aspect disgracieux, que Tristan Corbière possédait aussi. En effet, il était bossu. Dans ce poème, le poète semble faire une sorte d'éloge du crapaud. Il semble vouloir requalifier une beauté, invisible au départ. Ainsi, on peut faire un parallèle avec Une Charogne de Baudelaire, où la charogne est elle aussi totalement transformée, devenant une œuvre d'art.
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