Le Rouge et le Noir

Le roman est découpé en chapitres, eux-mêmes organisés en deux livres. Sa structure est si rigoureuse, car autour de chacun de ces deux livres s’organise une aventure amoureuse qui lie Julien à la femme (Mme de Rênal) ou la fille (Mathilde de la Mole) de la maison. Cette division en deux parties nous semble correspondre à la distinction entre l’univers de la province et celui de Paris. Malgré que cette dernière nous paraisse si évidente, elle est fortement remise en question par le coup de théâtre final, celui dans lequel Julien retourne à Verrières suivi de son incarcération à Besançon. Mais aussi la séparation en deux livres, ne répondrait-elle pas à la succession des conquêtes et amours de Julien, étant donné que chacune d’elles correspond à un cadre spatial qui lui est bien propre? Mais encore une fois, la fin du roman va bouleverser cette hypothèse, vu que les deux femmes, à l’issue de l’histoire, seront ensemble aux côtés de Julien.

Certains lecteurs ont trouvé dans le rouge comme une allusion à la robe rouge portée par les juges qui condamnent Julien Sorel à la peine de mort, et le noir dans celle de la congrégation Mais l’explication la plus probante demeure celle de Stendhal lui-même. En effet l’interprétation que donne le romancier est que : «Le rouge signifie que, venu plus tôt, Julien eut été soldat ; mais à l‘époque où il vécut, il fut forcé de prendre la soutane, de là le noir. » Cette explication correspond à ce que Stendhal avait déjà écrit dans Rome, Naples et Florence. Le réalisme stendhalien se particularise par sa récusation de l’usage de la description. En effet, les seuls lieux où il y a eu description, c’est au début du roman, lors de la représentation du narrateur de la ville de Verrières qui ne prend qu’une page, servant ainsi comme préliminaire pour critiquer par la suite les habitants de cette ville.

On peut continuer avec le sous titre du roman « la vérité, l’âpre vérité » ou le titre « Chronique de 1830 », qui nous laisse penser que ce roman sera sûrement basé sur le réalisme. Le personnage de Julien Sorel, que nous suivrons durant ses aventures dans ce roman, est une personne faible d’apparence,  svelte, avec un nez aquilin, de grands yeux noirs, contrairement à son père ou encore ses frères qui sont musclés et ont donc le physique plus adapté au travail dans une scierie. Ce qui n’est pas son cas lui, il est plus ambitieux, est plus intéressé par les livres, celui qu’il préfère est Le Mémorial de Sainte Hélène car Julien admire Napoléon, il est son idole. Les lectures notamment en cachette comme le fait Julien lorsqu’il est précepteur est un des moyens que Stendhal utilise pour définir ses personnages. Et dans « Vie de Henry Brulard » il revient sur les lectures l’ayant formé lui en tant qu’écrivain autant qu’en personne, il nous raconte comment, dans son enfance, il fut marqué par ses lectures en cachette tout particulièrement par la lecture de la Nouvelle Héloïse. Dès son plus jeune âge, Julien Sorel à cause de son air pensif et sa grande pâleur, son père a tout de suite pensé qu’il ne vivrait pas longtemps ou du moins qu’il ne serait qu’une charge pour la famille. Méprisé par toute la maison, il les haïssait tous, à chaque fois il était battu aux jeux du dimanche, c’est un personnage tiraillé entre son but et sa nature profonde ( laquelle ne nous sera révélée qu’à la fin du roman ).Elle est autant importante que Julien par sa présence dans le roman, mais aussi parce que la mort de Julien et la sienne entraînent la fin du récit. Elle est présentée dès le chapitre deux. Elle incarne l’image de la femme consolante et miséricordieuse, surtout dans les derniers chapitres du roman voulant à tout prix sauver la vie de son amant. Elle est la rivale de Mme de Rênal dans le cœur de Julien, elle apparaît dans le second livre. C’est la fille du marquis de La Mole. Son éducation au couvent du Sacré-Cœur, fait d’elle un bas-bleu, c’est une jeune femme savante évoquant Médée, mais aussi Jean-Jacques Rousseau. Le modèle de cette jeune aristocrate est Marguerite de Navarre. En plus de la noblesse, elle possède l’énergie, le courage, l’orgueil et le sens de l’honneur. Elle se montre rebelle, et se révolte à l’occasion, bravant ainsi les interdits sociaux. Mais il n’y a pas seulement les personnages qui nous plongent dans ce réalisme, ce roman Le Rouge et le Noir est ancré dans une réalité géographique, des villes existant réellement (Verrières, Paris, …) et des descriptions détaillées. Mais ce roman est aussi situé dans une société que Stendhal nous décrit en narrateur et à travers les yeux des personnages, avec un contexte historique précis, il se déroule durant la Restauration et les personnages sont ce qu’ils sont censés être, car ils appartiennent à l’univers bien précis de 1830 où leur appartenance à la société est bien définis. Julien vient d’un milieu modeste, une famille d’artisans du bois et il rêve d’appartenir à ce milieu qu’est la haute  bourgeoisie, dans le milieu de la bourgeoisie provinciale, Mme de Rênal est la figure féminine. Soumise à ses lois, elle aime Julien Sorel, contrairement à ce que la bienséance permettrait, jusqu’à s’y perdre.

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