La finalité des Fables de La Fontaine est-elle d'instruire le lecteur?
Dissertation : La finalité des Fables de La Fontaine est-elle d'instruire le lecteur?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Emyhov • 5 Janvier 2022 • Dissertation • 3 057 Mots (13 Pages) • 680 Vues
Né à Château-Thierry en Champagne en 1621, Jean de La Fontaine s’installe à Paris en 1658, et fait partie des écrivains qui entourent le ministre Fouquet au château de Vaux-Le-Vicomte. Après la disgrâce de Fouquet, La Fontaine fréquente les salons parisiens et obtient la protection de diverses personnes, notamment Mme de la Sablière. Poète officiel de la cour il a environ quarante ans lorsque, après avoir publié une partie de ses Contes il se met à l’écriture des douze livres des Fables. Plus de 200 fables sont publiées en trois recueils. Le premier livre est rédigé pour l’éducation du Dauphin, fils du roi de France et paraît en 1668 (livres 1 à 6). Des animaux dotés de la parole sont mis en scène pour apporter un précepte. Le deuxième recueil paraît en 1678 (livres 7 et 8). Enfin un troisième recueil est publié en 1679 (livres 9, 10 et 11). Dans ces deux derniers recueils bien que les animaux soient encore présents les personnages humains et les figures mythologiques sont davantage présents. La Fontaine insiste sur la fonction éducative de son travail : « je me sers d'animaux pour instruire les hommes ». La finalité du récit dans les Fables est-elle donc l’instruction ? Certes pour La Fontaine il ne s’agit pas de conter pour conter. Le récit dans les Fables comporte un enseignement, il a donc une visée pédagogique. Cependant l’instruction n’est pas le seul but du récit puisque, conformément à l’esprit classique, le récit doit plaire. Aussi, le récit ne relève pas seulement de l’instruction mais de la réflexion. En effet, La Fontaine s’interroge et interroge le lecteur sur une variété de sujets et apporte un regard critique sur la société.
Les fables de La Fontaine sont des apologues. Elles appartiennent au récit dans lequel une morale est illustrée, d’où leur finalité instructive. Les différents récits des Fables conduisent à différents enseignements.
Le terme « apologue » est issu du grec « apologos » qui signifie récit détaillé. Il s’agit d’un récit bref en prose ou en vers, dont on tire une instruction morale. Les Fables de La Fontaine répondent parfaitement à cette définition de l’apologue que La Fontaine souligne dans sa préface : « Nous voyons que la Vérité a parlé aux hommes par paraboles ; et la parabole est-elle autre chose que l’apologue, c’est-à-dire un exemple fabuleux, et qui s’insinue avec d’autant plus de facilité et d’effet qu’il est plus commun et plus familier ? [...] L’apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le corps, l’autre l’âme. Le corps est la fable ; l’âme, la moralité. ». Il s’agit donc d’un récit concis ayant recours à l’imagination (la fable) pour donner une instruction (la moralité). En d’autres termes le récit est le moyen de l’apologue pour donner un enseignement moral. Il convient donc ici de préciser les termes de « morale » et de « moralité ». La morale est un concept qui situe l’action humaine dans son rapport au juste ou à l’injuste. La moralité est l’enseignement moral que l’on tire de la fable mais elle est aussi dans son sens vieilli la sentence, l’énonciation du précepte moral. La moralité est située à la fin, au début ou au cœur de l’apologue. Sa place stratégique révèle l’importance qu’elle occupe dans le texte. La moralité peut alors être explicite, lorsqu’elle est directement formulée ou implicite lorsqu’elle n’est pas dite mais suggérée par le récit. La plupart des fables de La Fontaine contiennent une moralité explicite. Mais quels sont donc ces enseignements moraux évoqués ou insufflés par le récit ?
La Fontaine traite de sujets variés et les moralités dans ses récits sont diverses. Pour n’en citer que quelques-unes résumées succinctement : le bonheur est plus important que l’argent, l’amitié est nécessaire, l’esprit est préférable à l’apparence, la raison vaut mieux que l’imagination, la simplicité doit être prônée, la vanité est un terrible défaut, la prudence évite les dangers, la ruse est salvatrice… La fable enseigne donc des comportements, des réflexes à avoir, et délivre une leçon de sagesse. Pour illustrer notre propos prenons quelques exemples. Dans la fable 10 du Livre 14 « Le Loup et le chien maigre » le loup se laisse convaincre par le chien qu’il fera un meilleur festin s’il attend que ce dernier grossisse. Grâce à sa ruse le chien se met à l’abris et le loup n’a plus rien à se mettre sous la dent. La moralité est énoncée en ces termes « Lâcher ce qu’on a dans la main, Sous espoir de grosse aventure, Est imprudence toute pure ». Par cette moralité explicite La Fontaine montre qu’il est préférable de se contenter de ce que l’on a au risque de ne plus rien avoir du tout. La Fable le Heron La fille comporte un enseignement moral similaire. A force de repousser les prétendants pour avoir le meilleur la fille finit par épouser le seul qui reste, « un malotru ». Dans La cour du Lion, fable 6 du Livre VII le fabuliste énonce le pouvoir salvateur de la ruse. La cour du roi sent mauvais, l’ours se bouche la narine, le singe flatte le monarque, ils sont tous deux tués. Le renard interrogé par le roi sur l’odeur nauséabonde prétexte un rhume et est sauvé. Comme souvent la morale est introduite par un présent de narration « Ceci vous sert d’enseignement : Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire, Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère, Et tâchez quelquefois de répondre en Normand ». La Fontaine s’adresse souvent directement à son lectorat pour annoncer sa moralité comme on peut le voir ici avec l’emploi du pronom personnel « vous » et l’emploi des verbes à l’impératif. Dans la fable du livre VII le Héron La Fontaine après avoir énoncé la morale de son récit va même jusqu’à interpeller le lecteur pour lui rappeler que le bestiaire est son inspiration pour délivrer l’enseignement : « Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants, ce sont les plus habiles ; On hasarde de perdre en voulant trop gagner. Gardez-vous de rien dédaigner ; Surtout quand vous avez à peu près votre compte. Bien des gens y sont pris. Ce n’est pas aux hérons Que je parle : écoutez, humains, un autre conte ;Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons ». La fable La Laitière et le pot au lait illustre quant à elle une morale implicite. La laitière Perette rêve à la richesse qu’elle pourrait obtenir de son pot au lait. Etourdie par le songe d’avoir « veau, vaches, cochons, couvée » elle trébuche. La moralité de cette fable est que l’imagination conduit à l’errance et à la perte. Il faut préférer à l’imagination la raison et la simplicité.
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