La Classe de neige, étude d'ensemble
Compte rendu : La Classe de neige, étude d'ensemble. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sylvie Besson • 6 Septembre 2020 • Compte rendu • 1 842 Mots (8 Pages) • 1 130 Vues
…Comprendre les enjeux romanesques !
La classe de neige ou le roman du non-dit
L’art du conteur, la porosité entre fiction et réalité
Dans ce roman, un jeune garçon, n'arrive plus à faire la différence entre le réel et l'imaginaire. Le lecteur est amené à se plonger dans l'angoissante imagination du jeune Nicolas, dans un univers de fantasmes, de fabulations où le réel et le merveilleux s'imbriquent pour ne faire qu'un. Avec ce roman, Carrère explore les angoisses et les dérives intérieures, là où germe le Mal, un Mal qui projette son ombre sur le visage d'un enfant.
À partir de l'oubli de son sac de voyage dans le coffre de l'auto de son mystérieux père, Nicolas voit son séjour à la montagne se transformer en un véritable cauchemar. Mais pourquoi Nicolas ment-il ? Pourquoi s'invente-t-il un monde imaginaire ? Un fait demeure, l'enfant qui se met à mentir et à fabuler, sans avoir en réalité le désir de mal faire ou de nuire, mais qui le fait comme poussé par une force irrésistible, a vécu antérieurement une situation traumatisante. Tout peut sembler parfait pour l'enfant, mais lorsque surviennent un événement déclencheur ou des conditions qui font resurgir des souvenirs enfouis, ceux-ci refont surface et s'extériorisent parfois à travers le mensonge et la fabulation. Nicolas va ainsi se créer un univers bien à lui, qu'il va partager avec son ami Hodkann, l'amenant à croire à sa fabulation. Enfant solitaire, abandonné et mal aimé ; ces trois attributs collent parfaitement à l'image que le lecteur se fait de Nicolas, principalement par ses rapports avec les autres enfants de son âge. Tout d'abord, il est un enfant particulièrement étouffé par ses parents, ce qui lui laisse peu de place pour s'immiscer au sein de la confrérie. Sa mère ne le laisse pas manger à la cantine le midi avec les autres et son père préfère aller le reconduire lui-même à la classe de neige plutôt que de lui faire prendre l'autocar. De plus, le fait d'arriver avec un jour de retard place le jeune Nicolas en porte-à-faux, dans une situation d'isolement : « les enfants dans la salle se mirent à chuchoter, Nicolas, sur le seuil, les regardait sans oser les rejoindre. » De surcroît, le simple fait de souffrir d'énurésie place Nicolas en situation de honte et d'humiliation face aux autres enfants qui se moquent déjà de lui. Il est ainsi abandonné et mal aimé par ses pairs. Par la suite, il va passer la semaine isolé des autres, à l'exception d'Hodkann, son seul ami, avec qui il fabulera sur ses pires angoisses et transposera sa fiction en réalité jusqu'à ne plus faire la distinction entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Les premières fabulations de Nicolas démontrent bien les angoisses qui l'habitent puisqu'elles ont toutes un lien avec la mort. Tout commence avec des tueurs sanguinaires venus chercher Hodkann et qui, faute de l'avoir trouvé, puisque « Nicolas et Hodkann [sont] cachés dans un creux du mur, derrière un lit», vont massacrer tous les autres enfants : « Il n'y [a] que des morts, dans le chalet, des montagnes d'enfants morts. » Par la suite, Nicolas fabule sur la mort probable de son père et enchaîne sur celle d'un jeune garçon de sa classe : « un jour on apprenait la mort de Maxime Ribotton », pour finalement imaginer sa propre mort, se voyant mourant « de froid pendant la nuit». Le hasard veut qu'un enfant des environs soit réellement tué. Dès lors, Nicolas ne se contente plus de fabuler pour lui-même, il a besoin d'extérioriser ses angoisses et pour cela, Hodkann va lui servir d'auditoire. Nicolas l'amène progressivement non seulement à croire à ses fabulations, mais à en faire partie intégrante.
Nicolas va se servir d'une réalité, celle du trafic d'organes dont son père lui avait antérieurement parlé, pour fabuler et créer de toutes pièces un univers qui lui appartient. C'est un monde où il est le héros, ne serait-ce que par la présence accrue du pronom « je » : « Je n'arrivais pas à dormir [...] j'ai vu de la lumière [...] je suis descendu [...] je l'ai suivi [...] J'ai repensé à cette histoire de trafic d'organes et je me suis dit... » Ainsi, comme tout bon mythomane, Nicolas devient le héros d'une histoire qu'il imagine, construit et verrouille. D'ailleurs, un des plus grands fantasmes de Nicolas n'est-il pas de créer sa propre réalité et d'amener peu à peu les autres à y croire ? C'est d'ailleurs la raison qui fait en sorte que l’enfant se place « souvent [...] lui-même [comme étant] le héros de son roman : héros toujours prestigieux par quelque côté, ou du moins digne d'intérêt, car la recherche de l'effet est un caractère constant des inventions romanesques. Nicolas, à l’instar d’un conteur, désire donc être au centre de son histoire, en être le héros, car il veut susciter un effet chez son public. Évidemment, cela comporte des risques. D'une part, dans son désir d'échafauder un véritable roman, le jeune garçon en vient parfois à ne plus savoir ce qu'il y a de fondé ou d'inventé. Pour faire suite à l'histoire de trafic d'organes, il place son père sur le devant de la scène en disant à Hodkann que celui-ci « enquêtait sur cette affaire, tout seul, ignoré de la police », et que c'était pour cette raison qu'« il était venu dans la région, sous prétexte de conduire Nicolas au chalet ». Il voulait tout simplement suivre « la piste des trafiquants.». D'autre part, Nicolas semble incapable de mettre fin à l'histoire qu'il échafaude, fabulant sans cesse, et inventant mensonges sur mensonges. Encore ici, l’enfant démontre bien qu'il est victime de cette déviation : « Et tandis qu'il parlait, oubliant que tout reposait sur un mensonge de sa part, une nouvelle idée lui venait (faire de son père un héros) [...] Si fragile que fût l'hypothèse, il la confia quand même à Hodkann, et pour la consolider inventa de nouveau... » Comme si ce n'était pas assez, et voyant qu'il suscite l'attention de Hodkann et que ce dernier « ne mettait en doute rien de ce qu'il lui avait dit...», Nicolas va aller encore plus loin dans son délire et dans le pouvoir de son imagination lui confiant que « l'année dernière, [les trafiquants d'organes avaient] enlevé [s]on petit frère. [Qu'] il a[vait] disparu dans un parc d'attractions et [qu'] on l'a[vait] retrouvé plus tard derrière une palissade. Ils lui avaient pris un rein. N'arrivant plus à faire la distinction entre le réel et l'imaginaire, il devient en quelque sorte victime de ses propres illusions. Ses fabulations sont si bien ancrées dans son imaginaire qu'il en arrive presque à y croire lui-même. Partant de ce principe, le jeune Nicolas, dans un désir de valorisation se réfugie dans un univers fictif en donnant naissance à tout un système de représentations élaborées à partir de faits véridiques. Il est donc possible de créer un monde imaginaire pour pallier une réalité parfois trop décevante, en ce sens Nicolas est à la fois héros de roman mais romancier lui-même (n’oublions pas que l’imaginaire est bien plus vraie que la réalité proposée par le monde des adultes++++! )
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