Incipit de l'équipage de Joseph Kessel
Commentaire de texte : Incipit de l'équipage de Joseph Kessel. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar laeti.r • 1 Octobre 2017 • Commentaire de texte • 1 049 Mots (5 Pages) • 4 759 Vues
Plan du commentaire composé sur la problématique 2 :
« En quoi sommes-nous face au début d’un roman d’apprentissage ? »
Joseph Kessel, romancier, journaliste et aviateur français, naît en 1898 en Argentine et meurt en 1979 en France. Il combat durant la Première Guerre mondiale, puis est engagé au Journal des débats. Ainsi, quand le conflit s’achève, il porte la croix de guerre, la médaille militaire, et a déjà fait deux tours du monde. Il publie son premier ouvrage, La Steppe rouge, en 1922, L'Equipage en 1923 et obtient le Grand Prix du roman de l'Académie française avec Les Captifs (1926). Dans le roman L’Equipage, Jean Herbillon, jeune homme idéaliste, quitte sa famille et sa maîtresse pour entrer dans l’aviation lors de la Première Guerre Mondiale. Il évolue comme observateur, ce qui le mènera à sa mort à la fin du récit, au sein d’une escadrille ayant pour chef Gabriel Thélice. Nous étudierons ici l’incipit du roman d’apprentissage, avec le départ du héros. Dans un premier temps nous verrons le lien entre l’incipit dans le roman d’apprentissage. Puis, dans un second temps, nous verrons l’espérance héroïque à travers le protagoniste.
I. L’incipit d’un roman d’apprentissage
a. un incipit à valeur d’annonce
- annonce d’une entrée directe dans l’aspect réaliste avec deux brefs paragraphes : récit puis discours direct
- opposition de deux structures de phrases : simples (auteur vise un public large)/complexes, subordonnées et juxtaposées (évoquer la complexité mentale des personnages) =détails de la pensée
- moment d’adieu, la parole et la relation se ferment simultanément par l’expression « ne dirent plus rien » (l.13). =action terminée (passé simple+ négation).
- évènement flou et indéterminé du passé montré par les verbes à l’imparfait à valeur narrative « rendaient » « se trouvaient » (l.13-14)
- marque d’absence d’avenir avec le participe passé « désarmés » (l.17) =sentiment figé dans le temps
- annonce tragique du futur de l’histoire avec le participe passé « gênant » (l.25) qui se rapporte à un voile: potentiel presque irréel
b. le genre tragique dans un contexte historique
- effet dramatique immédiat par l’entrée « in medias res » (avec 2 articles définis «L’») : technique de genre épique
- scène tragique par le champ lexical du désespoir « impuissants », « déchirait », « intolérable », « désarmés » (l.14-17)
- message de l’auteur sur la guerre meurtrière avec deux imparfaits : « roulaient » (l.34) qui passe au-devant de « dépeuplaient » (l.35) : les personnages sont acteurs du choix mais pas du mouvement et des conséquences de la guerre
- Réalité de la guerre masquée et assombrie à travers un lexique péjoratif : connotation négative du participe passé « maquillés » (l.36) (réverbères) ; « ombre »(l.36) et du suffixe « âtre » dans « bleuâtre »(l.35)
- Rôle tragique du petit frère Georges qui emmène symboliquement vers la mort Jean (héros) : il a la fonction du page (chevalerie), de la préparation « la voiture est là » (l.27)
- Situation inéluctable (tragique), par le plus que parfait du verbe réfléchis « s’était nouée » (l.31) : le héros subit contre sa volonté
II. L’espérance héroïque à travers le protagoniste
a. départ du héros et début de sa formation
- Fin d’une dépendance affective/rupture de l’enfance « que la porte se refermât » (l.15-16), verbe au subjonctif et subordonnée qui rappelle la dépendance ici finie
- Lourdeur de l’émotion et du temps prolongé avec allitérations en « r » dans les mots « dernières » et « lourdes » (l.19)
- Quitte l’enfance et la réalité avec les verbes à l’infinitif « quitter » et « subir » (l.23)
- Libération provoquée grâce au départ, pour Jean, avec les deux participes présents « franchi »(l.24) et « arraché » (l.25) vocabulaire de la gêne, marquant une action finie
- Bouleversement et rupture du moment avec l’expression « pressa le départ » (l.30) qui accélère le temps ; transition pour l’entrée dans sa vie adulte
b. Un héros novice mais rêvant de grandeur
- Inexpérience et incertitude du héros avec « ne voulut point » (l.31), il renonce à l’exposition de sa souffrance
- Volonté de dépasser les contraintes physiques, « vît » (l.31) au subjonctif, ne veut pas faiblir, sentiment de fierté trop fort
- Notion idéalisée et erronée de la réalité avec l’hyperbole « guerre magnifique » (l.39) : le personnage n’a pas d’expérience concrète.
- Héroïsme dans le cri de l’enfant décrit comme une note « discordante » et « triomphale » (l.26), ce sont deux adjectifs laudatifs renforcés par le verbe « retentit » (l.26) qui écourte l’action
- Beaucoup d’ambition, le personnage se projette dans l’idéal de l’héroïsme chevaleresque montré par un double infinitif à valeur de théorie « quitter » et « subir » (l.23) : on sort de la réalité
- Adulation et héroïsme aussi montrés avec une opposition entre les champs lexicaux de la lumière (« rivait », « admirait », « brillait » (l.36-38)…)/ de l’obscurité (« ombre », « bleuâtre »,(l.35-36)…) : Jean doit passer par l’obscurité (guerre) pour voir la lumière (lucidité)
Cet incipit marque donc le départ de Jean Herbillon, le héros, pour le front à travers une scène lourde en émotions et dramatique. On comprend à travers un registre tragique, et une valeur d’annonce marquée par différents procédés, une mort prévisible à la fin de l’apprentissage du personnage. Celui-ci est encore naïf et d’une ambition orgueilleuse au début du roman, il vit selon un idéal chevaleresque en décalage avec la dure réalité des dangers de l’aviation (mort omniprésente) et un quotidien banale. Mais l’expérience va lui apporter la maturité nécessaire pour faire preuve de lucidité et de modestie et réussir un combat difficile contre lui-même entre des principes forts (amour ou fraternité et honneur). Joseph Kessel montre finalement une image glorieuse et dotée d’héroïsme de la guerre. Celle-ci n’est pas dépeinte comme une critique. Sa vision de la guerre va changer plusieurs années plus tard, lors de son engagement dans la Résistance durant la Seconde Guerre Mondiale. Il va ainsi écrire en 1943 un beau roman tragique qui connaitra un fort succès : L’Armée des ombres, qui marque un point de vue très contrasté et révèle la guerre telle qu’elle a été vécue.[pic 1]
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