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GAEL FAYE

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Par   •  25 Juin 2019  •  Fiche  •  3 547 Mots (15 Pages)  •  1 194 Vues

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Je vis depuis des années dans un pays en paix, où chaque ville possède tant de bibliothèques que plus personne ne les remarque. Un pays comme une impasse, où les bruits de la guerre et la fureur du monde nous parviennent de loin.

La nuit, me revient le parfum de mes rues d’enfance, le rythme calme des après-midi, le bruit rassurant de la pluie qui tambourine le toit de tôle. Il m’arrive de rêver ; je retrouve le chemin de ma grande maison au bord de la route de Rumonge. Elle n’a pas bougé. Les murs, les meubles, les pots de fleurs, tout est là. Et dans ces rêves que je fais la nuit d’un pays disparu, j’entends le chant des paons dans le jardin, l’appel du muezzin dans le lointain.

L’hiver, j’observe avec tristesse le marronnier effeuillé dans le square en bas de mon immeuble. J’imagine à sa place la puissante voûte des manguiers qui rafraîchissait mon quartier. Lors de mes insomnies, j’ouvre un petit coffre en bois caché sous le lit, des fragrances de souvenirs me submergent en regardant les photos de tonton Alphonse et de Pacifique, ce cliché de moi dans un arbre pris par Papa un jour de l’an, ce scarabée blanc et noir ramassé dans la forêt de la Kibira, les lettres parfumées de Laure, les bulletins de votes de l’élection de 1993 ramassés dans l’herbe avec Ana, une carte d’identité tachée de sang… J’enroule une tresse de Maman autour de mes doigts et je relis le poème de Jacques Roumain offert par Mme Economopoulos le jour de mon départ : « Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes… »

Je tangue entre deux rives, mon âme a cette maladie-là. Des milliers de kilomètres me séparent de ma vie d’autrefois. Ce n’est pas la distance terrestre qui rend le voyage long, mais le temps qui s’est écoulé. J’étais d’un lieu, entouré de famille, d’amis, de connaissances et de chaleur. J’ai retrouvé l’endroit mais il est vide de ceux qui le peuplaient, qui lui donnaient vie, corps et chair. Mes souvenirs se superposent inutilement à ce que j’ai devant les yeux. Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance. Ce qui me paraît bien plus cruel encore.

J’ai retrouvé l’impasse. Vingt ans plus tard. Elle a changé. Les grands arbres du quartier ont été rasés. Le soleil écrase les journées. Des murs de parpaings surmontés de tessons de bouteilles et de fil barbelé ont remplacé les haies colorées de bougainvilliers. L’impasse n’est plus qu’un morne couloir poussiéreux, ses habitants des anonymes confinés. Seul Armand vit toujours là, dans la grande maison familiale en brique blanche, au fond de l’impasse. Sa mère et ses sœurs se sont éparpillées aux quatre coins du monde, du Canada à la Suède, en passant par la Belgique. Quand je lui demande pourquoi il ne les a pas suivies, il me répond, avec son humour légendaire : « À chacun son asile ! Politique pour ceux qui partent, psychotique pour ceux qui restent. »


Intro :

Bio Faye + présentation PP + Carac. extrait : Longue accumulation de souvenirs, qui provoque chez le lecteur autant de remémoration de passages précis de l’œuvre, assage qui s’offre comme conclusion au roman, Gaby tranche enfin la question de l’exil ou du retour au pays, 🡪 Le retour au pays vaut-il finalement le coup ?

  • L’exil, situation imparfaite :
  • §1 : paradoxe car éloignement/rapprochement Burundi/France. Bibliothèques partout Vs unique Mme E., mais France = autre « impasse », comparaison « comme ». Faussement à l’abri du danger, guerre gronde malgré tout. Chute de la phrase, subord circ conséquence inattendue, déception.  Impasse : sans issue, nécessité demi-tour, en sortir !
  • Des souvenirs toujours présents, bons comme mauvais ; présence physique, matérielle (voir coffre en bois, échos à bien des épisodes antérieurs du roman) mais surtout dans son corps, ses sens : voir nombreuses évocations sensorielles, rêves du pays quitté.
  • « Tangue entre deux rives » : métaphore  pour dire exil = instabilité, incertitude quant à soi, troubles identitaires. Va jusqu’à parler, métaphoriquement, d’une « maladie » de l’âme.
  • Contraste entre le bonheur et l’innocence de l’enfance au Burundi Vs présent triste en France (en écho à LA n°1), voir opposition faune et flore, leitmotiv dans tout le roman. « Marronnier effeuillé » = « tristesse » Vs « puissante voûte des manguiers », antithèse.

Trans : donc retour au pays nécessaire. Mais…

  • Retour lui-même imparfait :
  • Retour ≠ solution attendue, voir §5/6 : hostilité partout,  voir « tessons de bouteilles », « fil barbelé », rappelle violence, guerre, + « psychotique »,
  • Sensation de « vide » l24 s’oppose à l’énumération l23/24 = contrastes. Vide aussi avec les arbres « rasés ».
  • §6 : étrange impression que Burundi = Paris (v. LA1) ! Même gris dominant, froideur : « parpaings », « fil barbelé », voir négation restrictive : « L’impasse n’est plus qu’un morne couloir poussiéreux » Vs « haies colorées ». Comme si couleurs appartenaient monde de l’enfance…
  • Prise de conscience tardive, une fois le retour au pays accompli : Burundi = pays de l’enfance disparue, ce n’est pas tant le pays que l’enfance qui manquait à Gaby. Distance spatiale vs temporelle, structure d’opposition « ce n’est pas […] mais » l22/23 : temporelle l’emporte. Redéfinition de l’exil : « plus cruel » encore, l27, comparaison qui achève le § et insiste sur la douleur, détresse de Gaby, via syntaxe hachée, subordonnée seule !…+ §4 : opposition entre les imparfaits et les vbs au présent/passé composé.

Trans. : ni exil, ni retour au pays ne résout les pbs de Gaby ? existence impossible ? Des formes de résistance possibles.

  • Une fin de roman très « littéraire », marquée par un style poétique, symbole d’un Gaby qui a mûri, qui a appris à mieux se connaître et à vivre malgré la violence et les deuils.
  • /§2 : Gaby a découvert la lecture mais aussi les vertus de l’écriture (Mme E., lettres à Laure…). Références à la littérature très présentes ici.
  • C’est d’ailleurs à propos de livres qu’il trouve enfin le courage de revenir au Burundi (et on ne l’apprend que dans le dernier chap)
  • Style de Gaby : effets d’oralité, mais maîtrisés. Spontanéité, effet quasi improvisé. S’agit de dire ses émotions au présent, transcrites à même le rythme de la phrase, v. phrases sans prop. princ.

§4/5 (surtout) : phrases assez brèves, un ou deux verbes principaux le plus souvent. Phrase agrammaticale, effet d’oralité : « Ce qui me paraît bien plus cruel encore ». ou phrases nominales : « Vingt ans plus tard ». Dire l’émotion, et l’immédiateté des impressions transcrites. D’ailleurs, allongement progressif de la phrase §5, comme si narrateur reprenait ses esprits, parvenait progressivement à mettre des mots sur ses émotions, une fois le choc passé. « Elle a changé » : relève de l’évidence, mais prend acte, manière d’accuser le coup, avant de pouvoir entrer dans le détail.

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