Francis Ponge, Le pain
Commentaire de texte : Francis Ponge, Le pain. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar bhubert • 25 Mai 2022 • Commentaire de texte • 1 580 Mots (7 Pages) • 374 Vues
Le pain
Francis Ponge écrit dans son recueil Le parti pris des choses, paru en 1942, des poèmes particuliers semblant défier et déstabiliser les pensées au quotidien. Il fréquente le mouvement surréaliste mais n’est pas un adhérent régulier. En effet celui-ci semble se démarquer en choisissant des thèmes pour leur apparente banalité sans composer en appartenance à un mouvement en particulier. A cette période, alors que la seconde guerre mondiale à commencer, il peut sembler cohérent qu’une personne survivant dans des conditions de pauvreté, admire et s’attarde sur les détails anodins d’objets du quotidien. Parmi ces poèmes, « Le pain », qui s’applique à cet aliment courant.
« Le pain » ressemble à un poème en prose, celui-ci n’a pas de vers, pas de rimes ni même de strophes apparentes. On peut voir son découpage en trois paragraphes. Cette mise en page semblable celle d’un roman ou d’une nouvelle est caractéristique d’un poème en prose. Celui-ci fait parti d’un recueil composé de poèmes équivalents, suivant le même mode de rédaction et de présentation.
Le titre du poème « Le pain », annonce simplement et dans un langage des plus courants et naturels que le poète va créer son poème sur cet aliment qui fait parti d’une grande partie de l’alimentation traditionnelle française. Ainsi, il choisit dans ce quotidien un objet qui est familier à tous et l’anime entre comparaisons et artifices littéraires. Le titre du recueil Le parti pris des choses renvoie aux idées préconçues que les gens ont sur ces choses du quotidien qui les entoure depuis leur naissance, ceux-ci subissent l’absence de réflexion ou du moins de considération et d’attention portée à leur égard. Ainsi, le pain appartenant à la trivialité et à la monotonie du quotidien, n’est habituellement pas vu comme un thème de création poétique. Ces « choses » simples sont donc soumises à des opinions et des préjugés sans avoir été analysées, « des partis pris ». Le pain n’est donc typiquement pas un thème traditionnel pour un poème et c’est d’ailleurs ce qui justifie le choix de Francis Ponge d’écrire dessus. En effet, le pain n’est pas un thème poétique courant et n’a jamais été sujet à une réflexion philosophique ou été pris comme modèle de création par exemple.
Les choix poétiques que Ponge fait sont surprenant, en prenant comme thème un objet du quotidien, dans un poème en prose. Cela donne presque un aspect journalistique au poème, laissant de côté les aspects traditionnels sacrés en poésie.
La progression de ce court poème en prose est assez floue pour le lecteur.
Le premier paragraphe fait une comparaison élogieuse entre le pain, sa croute et sa surface, et les massifs montagneux de la France. L’adjectif « merveilleuse » est utilisé dés les premiers mots pour qualifier la surface de ce pain. Ainsi, le premier paragraphe débutant par « la surface du pain » et majorant sa beauté, annonce franchement au lecteur le sujet et les intentions du poème. Ce paragraphe sert à immerger radicalement le lecteur dans le thème particulier de ce poème et, en tout premier lieu, à valoriser cet objet négligé au quotidien. Ainsi, ce commencement introduit le poème et pose déjà l’image idolâtrée du pain qui va être livré.
Le deuxième paragraphe suit le premier en reprenant les étapes qui aboutissent sur la formation de cette surface si « merveilleuse». Il évoque donc pour commencer l’action d’enfourner cette pate. Dans ce même paragraphe, s’enchaînent la description de la cuisson progressive de la surface noble du pain, « dés lors » cuite, elle s’oppose à la mie « sous-jacente ». Ponge parle pour la première fois de la mie en opposant sa beauté à celle de la surface, la lumière se couche sur la surface du pain « sans un regard » pour la mie. Il profite de cette évocation pour lier l’éloge de la surface à la description dévalorisée de la mie, qui débute réellement au troisième paragraphe qui commence par la placer par rapport à la surface, c ‘est-à dire en dessous. Cette opposition spatiale entre les deux états du pain est rappelée à deux reprises, « sous-jacente » et « ce lâche et froid sous-sol ». Le poète enchaîne donc ses différents points d’analyse grâce à l’évolution chronologique de l’état du pain lors de la cuisson mais aussi grâce à la dichotomie de leur localisation par une opposition spatiale apparente et de leur beauté.
Le poète se retire du poème grâce à une chute, une rupture brutale caractérisée par la frappante expression injonctive « brisons la » qui pourrait être un double sens. Après l’utilisation de nombreux effets littéraires pour décrire le pain, en faire l’éloge, Ponge écrit l’impératif violent de « brisons-là » qui met en avant sa détermination d’arrêter cette contemplation méliorative et appliquée du pain. Ainsi, il pourrait
évoquer l’action de « briser » la sacralisation travaillée tout au long du poème. Cette formulation exprime la volonté certaine du poète de promouvoir le pain pour son utilité alimentaire que pour sa beauté, « moins objet de respect que de consommation». Cette idée se traduit alors par la destruction des courbes et de la texture du pain qualifiée de « merveilleuse » par le poète dés le vers 1, par l’action violente et sévère de le mâcher et de le mettre en pièce : « brisons la », brisons le pain et ses formes mélodieuses. La dichotomie entre le dernier paragraphe et le reste du poème est brutale et totale, ce qui accentue la surprise et la puissance de chute pour le lecteur.Le poète ne cesse de surprendre le lecteur par ce poème non conforme aux formes et aux thèmes traditionnels, et qui ne suit pas de fil logique ou chronologique.
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