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De l'esprit des lois - Montesquieu

Fiche de lecture : De l'esprit des lois - Montesquieu. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Mai 2016  •  Fiche de lecture  •  2 623 Mots (11 Pages)  •  2 269 Vues

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Commentaire du texte : « De l’esprit des lois »

De l'esclavage des nègres est un extrait de De l'Esprit des Lois, traité de sociologie politique que Montesquieu publie en 1748, et dans lequel il tente d'analyser comment le climat, les mœurs, l'économie, les lois ... ont influé sur les différents régimes politiques qui se sont succédés dans l'Histoire.                                                                                                                                                                             L'auteur, grand savant et philosophe du siècle des Lumières, fut aussi magistrat à Bordeaux, mais il est surtout connu pour des ouvrages tels que De l'Esprit des Lois ou Les Lettres Persanes, qui ont éveillé l'esprit critique des hommes du XVIIIe siècle.                                                                                                                                                                       Dans cet extrait du livre 15, l'auteur se feint d'être l'avocat de l'esclavage des noirs.

Quels sont les procédés argumentatifs utilisés par Montesquieu dans « De l’esclavage des nègres » ? En quoi sont-ils efficaces ?

Si ce texte apparaît à première vue comme un plaidoyer en faveur des thèses esclavagistes (I), l’ironie grinçante qui le caractérise en fait en réalité un fin réquisitoire contre l’esclavage (II).

I.        En apparence : un plaidoyer en faveur de l’esclavage                                                                                                   A – Montesquieu, porte-parole de la thèse esclavagiste

  • Dans le préambule, Montesquieu se présente comme le porte-parole des défenseurs de l’esclavage.
  • C’est en effet en son nom qu’il propose de défendre la thèse esclavagiste. Il utilise ainsi le pronom « je » : « Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves… » (l. 1)
  • Il donne davantage de poids à ce « je » en l’inscrivant dans un groupe : le peuple qui a institutionnalisé l’esclavage, « nous ».
  • Il souligne qu’il a la loi en sa faveur : l’esclavage institutionnalisé est un « droit » (« le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves » l. 1).
  • C’est donc en son nom et en se réclamant de la loi, que Montesquieu établit un catalogue d’arguments en faveur de l’esclavage.

B – Une argumentation rigoureuse

  • Le discours de Montesquieu est construit comme une démonstration qui repose sur une argumentation rigoureuse et logique.
  • Les neuf arguments juxtaposés visent à justifier le recours à l’esclavage.
  • Montesquieu utilise un vocabulaire logique pour avancer ses arguments comme s’il s’agissait d’une démonstration scientifique :

Les termes qu’il emploie relèvent en effet de ce domaine : « voici» (l. 1) ; « Une preuve que » (l. 16) ; « Il est impossible que » (l. 18).

  • Montesquieu insiste sur les causes qui sont à l’origine de l’esclavage, mettant en avant un schéma mathématique cause/effet.

Par exemple, dans le premier argument, le gérondif « ayant exterminé » et l’emploi du verbe devoir insiste sur l’idée que le recours aux esclaves en Afrique a été rendu nécessaire par la pénurie d’indiens en Amérique : « Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique.  ». La phrase s’articule donc autour d’un rapport de cause à effet qui semble a priori logique.

  • Montesquieu fonde également son argumentation sur des postulats, c’est-à-dire des principes de base supposés vrais mais non démontrés parce qu’ils semblent intuitivement non contestables : On peut juger de la couleur de peau par celle des cheveux » (l. 11).

 C – Des thèmes sérieux

  • Par ailleurs, son argumentation repose sur des domaines sérieux : ils relèvent tour à tour du domaine économique, ethnologiquesociologiquepolitique ou théologique.
  • A un niveau économique, il invoque l’argument de la rentabilité.
  • Il affirme notamment que l’usage des esclaves permet à la société toute entière de réaliser des économies : « Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves » (l. 5-6).
  • Il s’agit là d’un discours démagogique, qui flatte les espoirs et les aspirations de la population.
  • A un niveau ethnologique, Montesquieu s’appuie sur l’exemple de civilisations racistes (« les peuples d’Asie» l. 11 ; « les Egyptiens » l. 13) pour affirmer que la différence entre des races supérieures et inférieures constitue l’essence même de l’humanité.
  • A un niveau sociologique, il souligne que les noirs sont des sauvages parce qu’ils n’ont pas conscience des valeurs essentielles à une société humaine : « ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui chez les nations policées, est d’une si grande conséquence» (l. 15-16)
  • A un niveau théologique, il associe la couleur noire avec le mal, justifiant ainsi le racisme par la volonté de Dieu: « On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir » (l. 8-9).
  • Enfin, à un niveau politique, il défend la légitimité des gouvernements d’Europe qui ont institutionnalisé l’esclavage pour toutes les raisons évoquées.

Transition : Montesquieu présente donc une juxtaposition d’arguments empruntés à des domaines sérieux qui sont censés légitimer le recours à l’esclavage.

II.        En réalité : un réquisitoire contre l’esclavage                                                                                                                          A- La distance de Montesquieu

  • A y regarder de plus près, on remarque que Montesquieu prend de la distance par rapport à ses propos.
  • En effet, s’il se présente de prime abord comme un porte-parole de la cause esclavagiste, il se dissocie rapidement du groupe auquel il prétend appartenir.
  • Les pronoms « je » et « nous » de la première ligne cèdent ainsi la place au pronom impersonnel « on » et à la troisième personne du pluriel, « ils ».
  • Par ailleurs, la première phrase du texte est volontairement ambiguë : « Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais. » En effet, la conjonction « si » associée au conditionnel (« ce que je dirais ») peut se comprendre de plusieurs façons :

        Le lecteur peut considérer que Montesquieu va exprimer les arguments qu’il serait possible d’avancer si on lui demandait de défendre l’esclavage. Le conditionnel exprime alors la possibilité.

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