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Commentaire sur Juvenal

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Par   •  28 Novembre 2017  •  Commentaire de texte  •  1 599 Mots (7 Pages)  •  1 249 Vues

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Madeleine de Saint-Julien

TL

Commentaire de texte sur Juvénal :

        

Les Satires du poète romain Juvénal (60-130) donnent une peinture acerbe et sans pitié de ses contemporains. Le poète stigmatise ainsi son époque au moyen de la satire, souffrant d’être placé derrière l’arrogance des affranchis. Il est intéressant de rappeler que le mot satire vient du latin satura, qui d’après le dictionnaire Gaffiot désigne « un plat garni de toute espèce de fruits et de légume, une sorte de ragout ». Par métaphore, le mot aurait servi à désigner un genre littéraire traitant de sujets variés (principalement des sujets de la vie quotidienne) sur un mode plaisant et volontiers railleur.  Rejetant donc ce que Rome est devenue, Juvénal fait déferler sa rage dans cette majestueuse œuvre où sa langue apparait à la fois vigoureuse, crue et savante, pour illustrer la décadence de la société. Il nous offre alors le portrait d’un poète non pas « engagé mais enragé » pour reprendre les termes d’Alain Golomb. Dans cet extrait, il s’adresse à l’un de ses amis, Postumus, qui songe à se marier. Au lieu de le rassurer, il se montre méprisant et fait preuve d’une misogynie sans bornes à l’égard des femmes, dressant un portrait épouvantable de celles-ci, comparées dès le premier vers à des « monstra ». Au-delà d’une simple satire, que dénonce Juvénal dans cet extrait du poème ? Il exprime dans un premier temps la décadence de la société, en tissant un parallèle entre la Rome ancienne et la Rome actuelle, puis s’adonne à une critique des mœurs étrangères, en s’appuyant sur une description de la virtus Romana.

L’adverbe « quondam » (v.3) marque dès le début du poème une distinction entre un temps passé et un temps présent. Cette opposition est renforcée par l’emploi de l’imparfait (« praestabat » (v.2), « sinebant » (v.3)) qui marque une action non limitée dans le temps : l’image d’une situation instaurée. Juvénal poursuit l’opposition au vers 7 avec une rupture de temps annoncée par l’adverbe «Nunc » et l’emploi du présent (« patimur », « perit »). Mais outre un simple parallèle entre deux temps distincts, il exprime surtout la décadence de la société dans cet extrait du poème. Il présente d’abord l’image de la Rome passée pour s’attarder ensuite sur la Rome actuelle.

Les premiers vers brossent ainsi un portrait idéalisé de la Rome ancienne, illustré par l’exemple des femmes. Le poète emploie l’adjectif « humilis » (v.2) pour qualifier la fortune qui  sauvegardait la chasteté des romaines. La fortuna occupait une place très importante dans la culture romaine ; elle était ressentie comme une puissance extérieure et mystérieuse dont l’intervention était nécessaire dans la réussite d’une quelconque tache. Tandis que le Destin (fatum) était une force aveugle et invincible, la Fortune représentait surtout l'imprévu et l'inespéré de l’existence (radical fors : hasard, qu'il faut rattacher à ferre : porter). Si Juvénal y fait allusion dans son poème, c’est pour mettre l’accent sur la gloire du temps passé, en accord avec le destin. Le poète renforce l’approbation de la Fortune au moyen du verbe « sinebant » (v. 3) qui signifie « laisser, permettre ». On remarque par ailleurs que la vertu choisie par l’auteur pour qualifier les femmes est « castas », la chasteté. Cet emploi n’est pas anodin puisque cette attitude morale représentait l’idéal de la femme dans la société romaine. En faisant l’éloge du temps passé, le poète rappelle la « vertu d’origine » des femmes. Dès les premiers vers de cet extrait, Juvénal nous présente ainsi une image sacrée des femmes, allant même jusqu’à les placer sous le regard bienveillant de la Fortune, qui préserve leurs vertus. Les femmes sont ensuite glorifiées dans une longue énumération, s’étalant sur trois vers. Le poète nous présente un aperçu de leur tâche qui se déroule en trois mouvements: « labor », « somnique breves », et « vellere Tusco vexatae duraeque manus ». On observe une gradation, allant du simple travail à l’épuisement physique en passant par de rudes conditions. Juvénal insiste sur l’effort demandé aux femmes en accentuant le participe  passé « vexatae» utilisé comme adjectif avec un second «duraeque », tout deux placés en début de vers pour souligner leur importance. La laine étrusque évoquée dans le poème remet en lumière la tradition des ancêtres et la vaillance des femmes. Enfin, Juvénal enrichit sa fresque de la société de l’époque en plaçant aux côtés des femmes Hannibal ainsi que leurs maris. De fait, Hannibal, ennemi vaincu par Rome, est un thème récurrent dans la poésie romaine, symbolisant la victoire sur l’ennemi. Une telle allusion permet ainsi à l’auteur d’insister sur le courage des hommes et leur gloire passée. Cependant, cette merveilleuse époque de prospérité et de puissance romaine se trouve tachée dès le vers 7 avec l’emploi du verbe « patimur » (nous souffrons) précédé du changement d’époque (« Nunc »). Juvénal présente en effet dans la deuxième partie du poème la décadence de la société, à la lumière de la nouvelle Rome.

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