Commentaire Apollinaire "C'est Lou qu'on la nommait"
Commentaire de texte : Commentaire Apollinaire "C'est Lou qu'on la nommait". Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Tinette35 • 25 Mars 2019 • Commentaire de texte • 7 185 Mots (29 Pages) • 1 248 Vues
Commentaire composé texte 5 : Rabelais
François Rabelais est un humaniste accompli qui est à la fois ecclésiastique, médecin et romancier. À travers les aventures des géants éponymes Pantagruel et Gargantua, l’auteur définit l’éducation idéale et le comportement que les vainqueurs d’une guerre devraient avoir. Ses romans à la verve drolatique sont également l’occasion de présenter une utopie humaniste : l’abbaye de Thélème. Le Quart livre est le quatrième roman de Rabelais, considéré comme le plus satirique et le plus audacieux. En apparence, il raconte le voyage maritime de Pantagruel et de ses compagnons dont le but est d’aller écouter l’oracle de la Dive bouteille. Dans son œuvre, l’auteur attaque les superstitions, le culte des papes, les vices du clergé, les prétentions de la Curie humaine. Il condamne dans cette Odyssée allégorique, toutes les églises, au profit de la liberté de l’Esprit. La galerie des monstres que l’on parcourt dans un prodigieux carnaval symbolise en même temps un combat politique et religieux ainsi qu’une dénonciation de la bêtise humaine. Dans le chapitre II, l’équipage arrive sur l’île de Médamothi signifiant « Nulle part » en grec, où Pantagruel va faire l’acquisition d’un tarande lors d’un marché. Le narrateur, vraisemblablement un compagnon de Pantagruel nous en fait ici la description. Pour chercher à comprendre l’éventail de significations qui se cache derrière la figure du tarande, il est en premier lieu nécessaire de comprendre l’histoire de cet animal dans la littérature, car le passage consacré à cet animal ici prend des proportions « gigantesques », mot-clé de l’écriture rabelaisienne. L’exemple, certes marginal, du tarande, bête inexistante surgie de la plume de Théophraste et identifiée au renne à partir du seizième siècle. L’évolution livresque de ce renne caméléonesque connaît trois phases de développement : après avoir vécu, jusqu’au treizième siècle, dans des œuvres qui ne sont pas proprement littéraires, le tarande entre dans le domaine de la fiction à partir de Manuel Philes et il devient, chez Rabelais, l’emblème de la matière textuelle. Nous analyserons en premier lieu, le déroulement de la description de l’animal et les procédés utilisés par Rabelais du topos des Histoires vraies de Lucien. Ensuite, nous verrons que l’auteur ne se contente pas de pasticher Lucien, mais qu’il enrichit considérablement le jeu des protestations de vérité. Et enfin, nous analyserons comment ce texte est un véritable manifeste poétique qui renouvelle la conception de la fiction et le rapport au lecteur, nous reflétant ainsi le chemin à suivre vers un idéal humaniste.
Dans un premier temps, Rabelais nous présente un texte descriptif et protoscientifique sur l’animal que Pantagruel vient d’acheter sur un marché. C’est par un jeu de comparaisons qu’il décrit d’abord ses caractéristiques physiques à commencer par sa taille « grand comme un jeune taureau », puis sa tête « qui est comme un cerf » et ayant le même aspect « doté de cornes », puis qui a de longs poils comme un ours, des sabots fourchus et la peau épaisse et dure. Le lecteur peut déjà se faire une image du tarande en réunissant tous ces éléments. Ensuite, nous avons les propriétés générales de l’animal, dont sa provenance ; il est originaire de Scythie, il est herbivore, il est rare et difficile à voir, car « il change de couleur selon la variété des lieux », son poil est polychromique « vert », « jaune, bleu, tanné, violet », « rouge », « gris » selon ce qu’il approche et, il se métamorphose selon « selon la peur et affections qu’il avait ». Ainsi, l’auteur cite tous les éléments dont le tarande imite la couleur, c’est-à-dire les « lieux », les « régions », la faune et la flore en général, les personnes et même lui-même. Il ajoute aussi une liste d’animaux soit ; « le poulpe », les « guépards », les « chacals », les « coqs », les « ânes » et surtout le « Caméléon ». En somme, l’auteur se sert de métaphores hyperboliques et énumératives tirées d’un champ lexical très riche sur la faune et la flore, les sens dont surtout la vue, ces champs lexicaux sont très riches et variés pour authentifier l’animal avec une extrême précision.
Puis, à l’image des procédés de Lucien, écrivain syrien de culture grecque, né au IIe siècle, dans le topos des histoires vraies, Rabelais, dans sa description du tarande utilise la source des témoignages oculaires. Ce premier procédé commence dès le départ par son propre témoignage et nous ancre dans une dimension réaliste marquée par le présent de généralité « est un animal ». Il rapporte aussi les témoignages d’autres personnes avec l’emploi de l’imparfait « Et Gélon disait », le passé composé et même le passé simple « il devint » qui rythme son récit. Cette énumération prend de la surenchère avec l’emploi systématique des superlatifs « grand », « jeune », « remarquable », « admirable » et « tant admirable ». De plus, il cite « le Gélon », nom donné aux habitants, en référence au marchand qui le lui a vendu et l’a bien sûr renseigné sur sa provenance et sa rareté, puis il rend compte, par un discours indirect libre, que l’animal a des pouvoirs magiques. Il donne ainsi l’impression au lecteur de pénétrer dans l’espace décrit, la nature avec au milieu le tarande en train de paître. Ainsi, comme par magie, le tarande a le pouvoir d’invisibilité, de transparence, car il est identique au caméléon, mais il est de surcroît hypersensible aux émotions. L’auteur a volontairement collé les deux animaux, réellement très différent anatomiquement et, d’espèces diamétralement opposées pour nous rendre une image complètement absurde, voire comique, de cet animal tératologique. L’auteur s’amuse avec notre crédulité en superposant plusieurs images, mais pas seulement.
Et enfin, pour nous prouver que le tarande est caméléonesque, le narrateur amplifie les procédés de témoignages oculaires en utilisant un champ lexical de la vue et les verbes au passé ; « je l’ai vu », semblable », « comme », « voyez », lorsqu’il parle de ce qu’il a vu et « nous » lorsque la description bascule dans l’imaginaire. En effet, le narrateur raconte ce dont il a été témoin sans entrer dans les pensées des personnages, qu’il interprète donc au regard de leurs poils, leurs tenues et de leurs émotions par le biais du pouvoir caméléonesque du tarande. Il s’agit de rire du contraste entre l’éthos de sincérité endossé par le narrateur et le caractère invraisemblable d’un récit rythmé par les adynata, les hyperboles numérologiques et les effets de surenchère. De ce fait, l’auteur emprunte aux Histoires vraies, leur rhétorique hyperbolique et, on notera chez lui la fréquence des adjectifs, des adverbes d’intensité et des coupures dans les phrases, l’absence de verbes et de connecteurs de liaison. De même, l’auteur emploie l’hypothèse « Si je l’ai vu » comme si nous lui posions la question. Rabelais lie ainsi dans son jeu de comparaisons, le réel à l’imaginaire. En fait, l’auteur ne souligne que la caractéristique principale du tarande qui est son pouvoir extraordinaire de changement de couleur pour mettre en pleine lumière l’élément merveilleux. Ce mécanisme de focalisation synthétique et plutôt paradoxal est toujours omniprésent dans le texte. En effet, Rabelais ne se contente pas de pasticher Lucien et de jouer du contraste avec le contexte merveilleux, il enrichit considérablement les moyens d’authentification par des trouvailles comiques d’une grande variété que nous allons voir maintenant.
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