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Bannières de Mai Rimbaud

Dissertation : Bannières de Mai Rimbaud. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Mai 2022  •  Dissertation  •  3 296 Mots (14 Pages)  •  420 Vues

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D’Arthur Rimbaud (1854-1891), si l’on retient « L’homme aux semelles de vent », « Le dormeur du val », le bohémien dont l’ « unique culotte avait un large trou » ou encore le voyant qui suivra son célèbre « Bateau ivre », c’est encore minimiser l’œuvre d’un poète exceptionnel et novateur, d’un créateur épris de liberté à tous les sens du terme, d’un talent remarquable et inclassable qui ouvrira la voie à la poésie contemporaine du XX ème siècle tout en cessant pourtant d’écrire à 21 ans parce qu’il estimera avoir accompli tout ce qui était en son pouvoir : un homme de paradoxes, un exigeant, un insatisfait.

Le poème « Bannières de Mai » contribue donc à ouvrir un regard neuf sur ce poète et laisse entrevoir le tournant qu’il prend dans son écriture et la complexité de l’œuvre qu’il livrera à la postérité. Ce poème de mai 1872 est le dixième du recueil « Vers nouveaux » encore appelé « Derniers vers ». C’est le premier des quatre poèmes regroupés sous le titre « Fêtes de la Patience » : il est constitué de trois strophes, un dizain suivi de deux huitains, en octosyllabes. Ecrit durant son séjour à Paris auprès de son ami Verlaine et rédigé à la suite d’une brouille entre les deux poètes et compagnons, il évoque tout autant, dans une expression légère, les sentiments personnels contrastés de son auteur, sa nouvelle démarche artistique ou encore sa soif de liberté : Rimbaud se cherche, Rimbaud se dévoile, tourmenté, désespéré et exalté à la fois. Nous y retrouvons donc des thèmes qui lui sont chers tels que la liberté, l’engagement ou la nature mais aussi un certain pessimisme ambiant, une insatisfaction voire un « spleen » contre lequel il tente de lutter.

C’est dans cette optique que nous étudierons « Bannières de Mai », nous attachant d’abord à montrer que ce poème comporte des aspects élégiaques par lesquels le poète exprime son désarroi grandissant face à la mort prochaine ; nous verrons ensuite que cet aspect élégiaque est atténué par le poète à travers l’évocation de la nature ; enfin, nous mettrons en évidence que, par ce texte, Rimbaud, toujours conquérant, réaffirme sa liberté et sa révolte contre les conventions.

« Bannières de Mai » semble avant tout être un véritable poème élégiaque évoquant les craintes du poète face à une mort inévitable : lyrisme, pessimisme et sentiments contrastés s’y côtoient presque musicalement sur la thématique de la mort.

Tout d’abord, donc, ce poème peut être considéré comme une élégie, étymologiquement « chant de deuil », en raison du ton plaintif adapté à l’évocation d’un mort ou à l’expression d’une souffrance amoureuse due à un abandon ou une absence. C’est un chant, une musique monotone qui est rendue par l’organisation répétitive de l’octosyllabe en distiques dans les six premiers vers ou bien les répétitions dans de mêmes vers, « qu’on patiente et qu’on s’ennuie », vers 11, « rien de rien », vers 23, mais la musique est aussi bien présente grâce à un champ lexical particulier évoquant le monde des sons, des sons mortuaires, « hallali » au vers 2, « chansons spirituelles » au vers 3, des onomatopées plaintives ou empreintes d’émotion telles que « fi » au vers 12, « ô » au vers 15 ou encore « ah » au vers 16. Plus qu’un chant même, l’élégie de par sa connotation de deuil touche au religieux et à la prière : les deux thèmes sont présents. « Chansons spirituelles », vers 3, « Ange », vers 7, « communient », vers 8, évoquent le domaine du religieux tandis que les paroles du poète à l’attention de la nature ne sont pas sans nous rappeler l’univers de la prière : « ô Nature », vers 15, « A toi, Nature », vers 20, ou encore le « s’il te plaît » du vers 22 suivi de deux impératifs « nourris, abreuve ». Enfin, l’élégie est une poésie lyrique, une poésie du « Je » et le lyrisme est ici fortement marqué : le pronom de la première personne est très présent, « je » apparaît sept fois, « me » cinq fois, « moi » une fois sans compter l’utilisation de l’adjectif possessif « mes » au vers 12 ou « ma » au vers 21. Ce lyrisme est d’autre part marqué par l’expression des sentiments personnels.

Ensuite, en effet, « Bannières de Mai » met en avant les sentiments personnels du poète, un certain pessimisme et un désarroi grandissant. Le « je » est le plus souvent en difficulté, dépendant ou passif, il ne semble maître de rien : les verbes qui se rattachent à lui le mettent en délicate posture, « sors », « blesse » au vers 9, « succomberai » au vers 10, « meure » au vers 16, « usent » au vers 19, « rends » au vers 20, « illusionne » au vers 23. Ou bien le poète meurt, ou bien il se soumet : on peut véritablement parler de désarroi, de détresse. Mais, de plus, ce désarroi est aussi un désordre, un trouble moral profond car à ce que subit le poète s’oppose sa volonté, ce qu’il veut ou ne veut pas : « je veux que » au vers 13, « je veux bien que » au vers 19 ou encore « je ne veux » au vers 25. Le poète est écartelé entre ses désirs et la réalité. Pour finir, le désarroi naît du lexique, des connotations péjoratives et négatives ou des figures d’opposition : le poète se sent « seul » et « nul » au vers 16, il accumule les négations « rien de rien ne m’illusionne » au vers 23 ou « je ne veux rire à rien » au vers 25, il utilise une antithèse, fait communier « l’azur et l’onde » au vers 8 sans compter que dans le fond, obscur et douteux, il semble craindre la mort puis la réclamer et l’accepter de la Nature pour enfin s’y refuser…

Enfin Rimbaud évoque ici un face à face avec la mort, reste à savoir de quelle mort il peut s’agir. Tout reste confus : mort physique, mort spirituelle, mort artistique ou encore mort de son histoire sentimentale avec Verlaine. Il s’agit peut-être même des quatre à la fois. La mort en tout cas est omniprésente dans le texte et avant tout de manière lexicale : le verbe mourir est répété à trois reprises et concerne tour à tour « un maladif hallali » au vers 2, le poète dans un emploi au subjonctif « que je meure » au vers 16, « les Bergers » au vers17 ; d’autres termes l’évoquent de façon claire, « maladif », « sang », « blesse », « succomberai » au vers 10, « dramatique », « infortune »… Par sa présence la mort semble inévitable, elle touche la nature avec la mort d’un cerf sans doute au vers 2, elle touche les hommes si l’on comprend derrière le terme « Bergers » l’ensemble de l’humanité au vers 17 et elle touchera le poète qui dit « je succomberai » au vers 10. La mort est naturelle et Rimbaud semble, malgré tout, s’y résoudre d’où

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