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Alfred de Musset - Lorenzaccio Acte III scène 3

Commentaire de texte : Alfred de Musset - Lorenzaccio Acte III scène 3. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  21 Juin 2016  •  Commentaire de texte  •  2 705 Mots (11 Pages)  •  3 053 Vues

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Français première

Musset, Lorenzaccio

-lecture analytique- Acte III, scène3-

        Lorsque Musset écrit Lorenzaccio, il emprunte beaucoup de la matière de son œuvre à deux sources : la storia fiorentina, chronique rédigée par un historien du nom de Varchi, mais aussi un texte de George Sand : une conspiration en 1537. Néanmoins, entre l'ébauche que constitue la pièce de sa maîtresse, l'histoire sans ornements du Florentin, et l'oeuvre de Musset, il y a de nombreuses différences. Parmi elles, c'est principalement sur le personnage de Lorenzo lui-même que la singularité de Musset et la plus saisissante. Il l'investit en effet d'une complexité, d'une quantité de nuances qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. Cette profondeur du personnage principal, qui fait de Lorenzo un des plus grands héros qu'ait connu la période romantique, transparaît particulièrement à l'acte III, scène 3, qui est la scène centrale de la pièce. Dans un long dialogue entre Lorenzo et Philippe, le premier se dévoile intégralement au second, livrant son être en toute honnêteté, et offrant ainsi au spectateur une vision à la fois sublime et tragique. L'extrait qui nous intéresse constitue la fin de cette scène, et le personnage principal y exprime non seulement une grande souffrance, mais aussi une ferme volonté d'assassiner son cousin, le Duc Alexandre, face aux questionnements de Philippe Strozzi.

Nous nous demanderons donc en quoi cette tirade est révélatrice de l'ethos (comportement) du héros romantique, à la fois dans le lien qu'elle établit entre l'acte et l'identité(I), et dans l'importance qu'elle accorde à la perception de cet acte par les autres(II).

        La question qui ouvre le passage, c'est en effet celle du sens : elle est posée par Philippe et repose sur une contradiction apparente dans le projet du héros. Comment comprendre qu'il puisse être à la fois totalement désabusé, sans espoir pour l'humanité, mais qu'il persévère dans sa volonté de commettre le tyrannicide ? C'est à cette question que Lorenzo consacre l'essentiel de cette tirade, montrant que c'est son être tout entier qui dépend de la réalisation de cet acte.

        C'est la question de Philippe qui soulève le problème : par une construction hypothétique, elle oppose protase et apodose (si...alors) . Par cette construction  répétée dans les deux premières répliques de Philippe, on constate que le personnage se positionne sur le plan de la logique : il prouve une fois de plus son idéalisme et son rationalisme, là où ce qui guide Lorenzo est bien plus complexe. Dans ces deux questions du vieux Strozzi, on voit à chaque fois s'opposer l'action : « pourquoi tueras-tu le Duc » ou « comment le commets-tu ? » à l'idée : « si tu as des idées pareilles ? » ou « si tu crois que c'est un meurtre inutile ». Il y a donc un évident parallélisme entre ces deux constructions, qui souligne la cohérence du paradigme dans lequel se situe Philippe.  Mais face à cette exigence de logique et de cohérence, Lorenzo répond par le sentiment et l'honnêteté. Ses réponses manifestent un agacement certain, comme en témoigne la ponctuation interrogative répétée et la brièveté des phrases, ainsi que la fonction bien plus expressive que référentielle de ses propos. Il ne s'agit pas alors pour Lorenzo de répondre sur le fond à Philippe, mais de manifester auprès de lui son indignation.

Ce court échange se referme donc sur une invitation de Lorenzo, formulée à l'impératif - « regarde moi un peu », qui dit le désir du héros de révéler la profondeur de son être à Philippe, ce qui ressort aussi des propos de ce dernier :  « quel abîme ! Quel abîme tu m'ouvres ! ». Ici la métaphore de l'abîme dit bien la profondeur, tandis que c'est le verbe ouvrir qui exprime la sincérité des propos que Lorenzo s'apprête à tenir.

        C'est donc bien à une explication de son comportement et de ses motivations que va se livrer Lorenzo. Cette explication, qui, pour le héros, relève de l'évidence, passe dans la tirade par une série de questions rhétoriques. Ces questions tendent toutes à justifier l'acte du meurtre de manière indirecte, en le reliant toujours à la même problématique : celle du sens de l'existence du héros. Ainsi les deux menaces de suicide : « veux-tu donc que je m'empoisonne ? Ou que je  saute dans l'Arno ? » font de la mort un destin préférable à celui de ne pas commettre le tyrannicide. En produisant cette analogie entre mort et refus de l'action, elle définissent en creux la vie comme synonyme de l'action.  Cette isotopie de la mort se trouve ensuite développée dans le texte par une succession de métaphores : tout d'abord celui du « spectre », qui dit l'existence comme privée de sa substance, nouvelle image de la perte du sens. Ensuite celle du « squelette » d'où ne sort « aucun son », image de l'armure sans occupant, de l'enveloppe vide, elle dit cette fois l'être sans âme, la matière sans esprit.

        Si ces image opposent deux types d'existence, l'une qui n'est que le fait d'être là, et l'autre qui prend sens, elle trouvent ensuite un développement dans une autre facette du personnage. Car si l'existence de Lorenzo perd tout sens quand on en supprime la finalité, le meurtre, c'est en raison d'un regard rétrospectif que le personnage porte sur lui-même : c'est en regardant en arrière, en examinant tout ce qu'il a accompli et sacrifié en vue de cet objectif que le personnage pense ne plus pouvoir renoncer. Les images qui suivent sont alors précisément des confrontations du présent au passé. Ainsi lorsque Lorenzo dit n'être que « l'ombre de [lui]-même », c'est dans cette précise opposition entre l'être réel, celui du passé, et son simulacre, celui du présent. Les deux images du lien que sont le « fil » et les « fibres » se rejoignent alors pour désigner le meurtre comme seul pont entre ces deux « moi » entre lesquels est partagé le personnage, seule possibilité de l'unité de l'être.  Le chiasme produit entre « aujourd'hui mon coeur » et « mon cœur d'autrefois » reprend parfaitement cette idée. De même l'opposition apparente entre « le meurtre » et « la vertu »  produit un paradoxe qui est pourtant réglé par ce même désir de préservation du « reste », c'est-à-dire du lien entre le moi présent et le moi passé.

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