Le Colonel Chabert - Honoré de Balzac

LE COLONEL CHABERT Honore de Balzac

Livre du professeur Jacqueline Zorlu agrégée de lettres classiques

L’étude du Colonel Chabert s’inscrit parfaitement dans le programme de la classe de seconde qui prévoit l’étude du genre narratif, et impose la connaissance d’un “ mouvement littéraire et culturel du XIXe ou du XXe siècle 1 ”. On pourrait proposer l’œuvre en lecture cursive en classe de première dans l’approche de l’objet d’étude “ argumentation ”, comme exemple de narration à visée argumentative.

PRÉREQUIS ET PRÉLIMINAIRES

Les points développés ci-dessous exposent les connaissances indispensables pour aborder avec profit l’étude de ce roman.

LE CONTEXTE HISTORIQUE : EMPIRE ET RESTAURATION

Le contexte du roman balaie une large période : la Révolution (les débuts de Chabert), l’épopée napoléonienne (l’ascension sociale), la Restauration (l’exclusion du nouveau schéma social). L’épilogue situé en 1840, pendant la monarchie de Juillet, établit une distance encore plus grande avec la jeunesse glorieuse de Chabert. La date charnière pour le héros, et pour le schéma actantiel, est celle de la bataille d’Eylau, le 8 février 1807, coup d’arrêt imposé par l’Histoire au héros d’abord, à l’Empereur ensuite. Le temps de l’écriture et de la publication du roman (1832) permet à Balzac de décrire avec un recul critique la période de la Restauration, alors renversée par Louis-Philippe. En 1832, la légende napoléonienne se constitue : dans la France ennuyeuse de la Restauration, l'épopée napoléonienne et les récits des demi-soldes font rêver la jeunesse romantique. L’année de la première publication voit le fils de Napoléon, le duc de Reichstadt, mourir à 21 ans de la tuberculose, maladie romantique par excellence, au palais de Schönbrunn près de Vienne. En 1840, le roi Louis-Philippe, aidé du président du Conseil, Adolphe Thiers, négocie avec Londres le transfert des cendres de Napoléon à Paris, pour redonner du prestige à son règne. C’est l’occasion d’une cérémonie grandiose à laquelle assistent un million de Français enthousiastes, qui applaudiront plus tard le retour des bonapartistes, en particulier celui du futur Napoléon III. Ces rappels sur les changements de régime si nombreux au XIXe siècle seront complétés par la lecture des précisions relatives au déroulement de la bataille d’Eylau (voir “ L’œuvre dans l’histoire ” dans le livre de l’élève, p. 93-95).

LES MOUVEMENTS ROMANTIQUE ET RÉALISTE

Balzac est à la charnière des deux mouvements. Sans entrer dans des querelles d’école, on peut resituer ces deux périodes de l’histoire de l’art. Ces études peuvent se situer à tout moment

1. BOEN HS n° 6 du 31 août 2000, sur les programmes de la classe de seconde.

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dans la progression annuelle. Elles précèdent l’approche du Colonel Chabert dont elles éclairent les enjeux. On peut consacrer une séquence au héros romantique, à travers l’étude intégrale de Ruy Blas 1 (1838) de Victor Hugo, qui permet de croiser l’étude du théâtre et celle d’un mouvement littéraire. On peut aussi envisager l’étude d’un groupement de textes, par exemple sur le héros romantique : Texte 1. – Lamartine, “ Le Lac ”, Méditations poétiques (1820). Texte 2. – Nerval, “ Fantaisie ”, Odelettes (1835). Texte 3. – Chateaubriand, René (1802) : “ L’automne me surprit [...] le démon de mon cœur. ” Texte 4. – Musset, “ La Nuit de décembre ”, Les Nuits (1835-1837) : “ Du temps que j’étais écolier [...] cette ombre amie. ” Texte 5. – Hugo, “ Tristesse d’Olympio ”, Les Rayons et les Ombres (1840), par exemple le début du poème ; ou bien “ Ô, soldats de l’an deux ”, ou “ L’Expiation ” (texte 2 du livre de l’élève, qui introduit le thème du mythe napoléonien, voir p. 111-112), Les Châtiments (1853). On proposera en outre l’étude d’un tableau, comme Le Portrait de Chateaubriand (1811) par Girodet-Trioson, ou le fameux Voyageur au-dessus de la mer de nuages (1818) de Caspar David Friedrich. Les principes du mouvement réaliste, même si ce dernier s’affirme seulement après la mort de Balzac, sont précisés dans le livre de l’élève (voir “ L’œuvre dans un genre ”, p. 118-119 et 122- 123). Le réalisme peut être abordé à partir d’une lecture cursive d’un recueil de nouvelles de Maupassant 2. L’approche du réalisme peut s’opérer dans l’étude d’un groupement de textes, organisé par exemple autour du portrait, souvent étudié dans le cadre de l’objet d’étude “ argumentation ” (l’éloge et blâme). Texte 1. – Balzac, Avant-propos de La Comédie humaine (1842), texte 12 du livre de l’élève (voir p. 140-141). Texte 2. – Balzac, le portrait de Sylvie Rogon dans La Maison du Chat-qui-pelote (1830) ; ou celui de Vautrin dans Le Père Goriot 3 (1834-1835) : “ Entre ces deux personnages et les autres [...] jouissait de cette faveur. ” Texte 3. – Flaubert, Madame Bovary 4 (1857), le portrait de la vieille servante lors des Comices agricoles, “ Alors on vit s’avancer sur l’estrade [...] ce demi-siècle de servitude ” (IIe partie, chap. 8). Texte 4. – Maupassant, Bel-Ami 5 (1885), l’incipit avec le portrait du héros en mouvement dans la foule parisienne.

LA POÉTIQUE DU ROMAN

L’étude du genre narratif est au programme des classes de quatrième, de troisième et de seconde. On veillera à ce que les élèves maîtrisent le vocabulaire de l’analyse narratologique. Les notions de narrateur, de focalisation, de schéma actantiel ou quinaire, de personnage doivent être connues et rappelées. On pourra s’appuyer sur la partie “ L’œuvre dans un genre ” (voir p. 123-130). Ces rappels théoriques précèderont l’étude des textes 5 à 9.

LA FINALITÉ DES SÉQUENCES

1. Hatier, coll. Classiques & Cie, n° 21, 2003. 2. Nouvelles, Hatier, coll. Classiques & Cie, n° 18, 2003. 3. Hatier, coll. Classiques & Cie, n° 34, 2004 (voir p. 21-22, l. 439-466). 4. Hatier, coll. Classiques & Cie, n° 17, 2003 (voir p. 180-181, l. 653-675). 5. Hatier, coll. Classiques & Cie, n° 30, 2004 (voir p. 7-8, l. 1-41).

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Le Colonel Chabert peut être étudié suivant plusieurs axes mettant en valeur la spécificité du roman, qui permettent l’acquisition de savoirs disciplinaires inscrits dans les programmes. On proposera trois séquences : deux prendront en compte l’œuvre intégrale, et la troisième, plus brève, ouvrira sur l’écriture cinématographique. SEQUENCE 1. Le Colonel Chabert, un roman réaliste : étude de la société parisienne de la Restauration. SEQUENCE 2. Destin individuel et collectif : Le Colonel Chabert, un exemple de roman historique. SEQUENCE 3. Littérature et cinéma : étude de l’adaptation cinématographique du Colonel Chabert, film d’Yves Angelo, 1994. Les séquences 1 et 2, à partir de l’exemple précis de ce roman, construisent une définition de la notion de réalisme, et cernent le fonctionnement d’un sous-genre (le roman historique) particulièrement en vogue au début du siècle de l’âge d’or du roman. Elles s’inscrivent dans une perspective de poétique historique du genre romanesque. La séquence 3 attache moins d’importance à la perspective historique : c’est à la rhétorique du récit que l’on s’intéresse puisqu’il s’agit de cerner les contraintes régissant sur la construction d’un récit filmique. L’organisation de chacune de ces trois séquences, dont le détail est présenté plus loin, se définit comme suit.

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