J'ai l'esprit tout ennuyé, Odes, Pierre de Ronsard
Mémoire : J'ai l'esprit tout ennuyé, Odes, Pierre de Ronsard. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ali Tanghort • 24 Juin 2017 • Mémoire • 2 795 Mots (12 Pages) • 4 453 Vues
Commentaire composé : « J’ai l’esprit tout ennuyé » , Odes
Pierre de Ronsard, l’auteur du texte soumis à notre analyse, est l’une des figures phares du XVIème siècle, poète à la tête de la Pléiade et du mouvement humaniste. Ce dernier est un courant littéraire et intellectuel qui place l’Homme au centre des réflexions, passant par l’étude des textes antiques remontant aux civilisations gréco-romaines et des sciences anciennes, dans lequel la religion est reléguée au second plan pour se concentre sur la condition humaine du point de vue intellectuel. « J’ai l’esprit tout ennuyé », extrait du recueil Odes , est un poème qui donne à lire deux expériences de la vie réalisées par le poète, desquelles ce dernier privilégie l’une par rapport à l’autre. Il s’agira donc pour nous de voir quelles expériences ont été ici reportées par le poète, en analysant d’une part l’expérience de l’étude pour ensuite se pencher sur l’expérience du plaisir dans la nature en mettant en relief les procédés argumentatifs qui permettent cela.
Le poème suivant est organisé de manière rigoureuse. En effet, ce dernier semble suivre une certaine progression thématique, dans laquelle le poète propose au lecteur un rapport dans un style poétique de ce qu’il a pu expérimenté, avec une démarche scientifique. La dernière strophe, qui fait office de réflexion, de morale, et la structure du texte, nous permettent de révéler cela. En première partie, le poète expose la condition du poète face à l’étude.
Elle est tout d’abord rapportée à l’ennui. En effet , la rime sémantique « ennuyé / étudié » aux côtés de l’intemporalité et l’absence de lieu dans les deux premières strophes permet d’affirmer cette hypothèse. Dans ces strophes, le champs lexical de l’étude « Arate, livre » ainsi que celui de l’ennui « ennuyé , soin » ensembles mettent en lien ces deux thèmes. Lorsque l’on analyse l’intemporalité citée précédemment, nous pouvons émettre l’hypothèse que le poète souhaite prolonger le temps dans les deux premières strophes. Les seuls indicateurs temporels que nous avons sont « matin » et « soir » , ne permettant en aucun cas de situer l’action , puisqu’ils ne sont pas rapportés au moment de l « ’étudier » . Le temps étant indéfini, le temps consacré à l’étude en est de même, soulignant ainsi l’ennui que cela peut procurer. Le lieu, à son tour, du moins l’absence de termes qui y réfèrent, montre que le poète emploie à nouveau des procédés argumentatifs dans le but d’exposer cette condition au lecteur. En effet, le poète permet à ce dernier de se représenter seul ce lieu d’étude, en disséminant quelques verbes tels que « je m’ébatte », qui suggère la représentation d’une prison de livres, un lieu renfermé, impossible à fuir, un lieu duquel on souhaite s’échapper, notamment explicable par le présent « ébatte » qui montre une volonté imminente au moment d’énonciation. Par ailleurs, la métaphore « collés sur un livre » souligne cette idée, en insinuant que l’étude porte un caractère quasi-permanent chez celui qui s’y expérimente. Par ailleurs, les différentes interrogations oratoires permettent à nouveau de relever la question de l’ennui et de l’étude, ici , « Que nous sert l’étudier, sinon de nous ennuyer ? » , poussant le lecteur à adhérer à cette idée, ou encore « Bons Dieux ! » qui insiste sur ces questionnements, en insistant notamment sur l’étonnement du poète par rapport à ceux qui prônent comme mode de vie l’étude. Ainsi, le résultat de cette première expérience de l’étude se concrétise dans l’ennui, maître mot dans la première strophe.
Outre cette thématique de l’ennui, nous retrouvons ici un thème plus sombre, celui de la mort. En effet, les différentes rimes sémantiques situées dans les premières strophes, à savoir « Pardonne/Personne » , « soir/noir » ou encore « impourvu/vécu » dans la dernière strophe mettent en avant cette idée-là. Tout d’abord, le champs lexical de la mort est bel et bien présent dans ces vers, à travers les termes « Orque noir » ou encore « victime », également présent dans la strophe de chute, à savoir « maladie » , « meurs ». Ici, la métaphore « Orque noir » et la rime sémantique « personne/pardonne » avance que la mort est certaine, soulignée également par le terme « victime » , mais surtout que son arrivée est indéterminée : « A qui nous serons peut être » .. Ici, « peut être » permet de mettre en avant l’impossibilité du poète dans cette expérience à prévoir son décès. Or, comme nous l’avons vu précédemment, ce dernier perçoit et vit un rallongement du temps et un ennui dans l’étude. De ce fait, l’étude le rapproche de la mort. Cette démarche scientifique est d’autant plus explicite par l’utilisation de « nous ». En effet, il est intéressant d’analyser les utilisations de « je » et « nous » dans le poème. Pierre de Ronsard emploie « nous » lorsqu’il souhaite créer une proximité avec le lecteur, créant une impression d’identification à ce dernier. De plus, nous remarquons que « nous » est employé lorsque l’expérience est rapportée à l’étude, ce qui suggère que cette expérience est en réalité réalisée par tout lecteur du poème. Ainsi, quiconque lis le poème est en réalité quelqu’un qui fait, ou a fait l’expérience de l’étudier, mais qui n’en recueille pas les résultats. Le poète est donc celui qui expose la réalité des choses au lecteur. Ici, pour mettre en jeu son argumentation, le poète utilise diverses procédés qui, indirectement, vont convaincre le lecteur de l’étude et ses méfaits. Par exemple, le rejet de « A nous » dans le vers 12 insiste sur la notion de mort, impliquant poète et son lecteur dans ce décès. En réalité, ce que présente ici l’auteur sont les conséquences de l’étude. En effet , l’ennui est vécu durant l’étude, il est donc condition de l’étude. La mort, quant à elle, est une certitude. Le fait que l’étude prolonge le temps, la mort et la durée qui nous en sépare est raccourcie. Ainsi, la démarche scientifique dont nous avons parlé se concrétise dans la succession des réflexions, se terminant, pour la première expérience, au résultat de la mort, sans avoir jouit d’une vie plaisante.
Ce thème de la mort revient également en fin de poème. En effet, la strophe de chute a ici comme but, une réflexion proposée au lecteur. Il est donc nécessaire de récapituler les résultats exprimés par le poète dans une première partie. Ici, la mort est explicite par la personnification de la maladie : « De peur que la maladie, un de ces jours ne me die » qui insiste sur ce thème. D’ailleurs, l’impératif « Meurs » permet à nouveau de maintenir l’idée que cette mort est certaine, ce qui perturbe le lecteur et lui fait prendre conscience du temps et de sa fuite. Cet effroi est d’ailleurs visible dans la seconde strophe, dans laquelle le maître mot est la mort, où l’on retrouve dans l’écriture un report de cet état d’âme, notamment visible grâce aux juxtapositions
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