Lorenzaccio de Musset, analyse stylistique
Commentaire de texte : Lorenzaccio de Musset, analyse stylistique. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Simon Fruteau • 12 Octobre 2023 • Commentaire de texte • 4 022 Mots (17 Pages) • 182 Vues
Lorenzaccio, Stylistique
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LORENZO
Seul. De quel tigre a rêvé ma mère enceinte de moi ? Quand je pense que j’ai aimé les fleurs, les prairies et les sonnets de Pétrarque, le spectre de ma jeunesse se lève devant moi en frissonnant. ô Dieu ! pourquoi ce seul mot, « à ce soir », fait-il pénétrer jusque dans mes os cette joie brûlante comme un fer rouge ? De quelles entrailles fauves, de quels velus embrassements suis-je donc sorti ? Que m’avait fait cet homme ? Quand je pose ma main là, et que je réfléchis, - qui donc m’entendra dire demain : “je l’ai tué”, sans me répondre : “Pourquoi l’as-tu tué ?” Cela est étrange. Il a fait du mal aux autres, mais il m’a fait du bien, du moins à sa manière. Si j’étais resté tranquille au fond de mes solitudes de Cafaggiuolo, il ne serait pas venu m’y chercher, et moi, je suis venu le chercher à Florence. Pourquoi cela ? Le spectre de mon père me conduisait-il, comme Oreste, vers un nouvel Egisthe ? M’avait-il offensé alors ? Cela est étrange, et cependant pour cette action, j’ai tout quitté ; la seule pensée de ce meurtre a fait tomber en poussière les rêves de ma vie ; je n’ai plus été qu’une ruine, dès que ce meurtre, comme un corbeau sinistre, s’est posé sur ma route et m’a appelé à lui. Que veut dire cela ? Tout à l’heure, en passant sur la place, j’ai entendu deux hommes parler d’une comète. Sont-ce bien les battements d’un cœur humain que je sens là, sous les os de ma poitrine ? Ah ! pourquoi cette idée me vient-elle si souvent depuis quelque temps ? suis-je le bras de Dieu ? Y a-t-il une nuée au-dessus de ma tête ? Quand j’entrerai dans cette chambre, et que je voudrai tirer mon épée du fourreau, j’ai peur de tirer l’épée flamboyante de l’archange, et de tomber en cendres sur ma proie. (il sort.)
Extrait de l'acte IV, scène 3 de Lorenzaccio - Alfred de Musset
Plan
Introduction
Intro
Nous allons vous présenter aujourd’hui un commentaire stylistique sur un extrait de la pièce Lorenzaccio d’Alfred de Musset. C’est une pièce parue en août 1834 qui s’inscrit dans le genre du drame romantique.
C’est un drame psychologique autant que politique. C’est un drame sans amour que Musset n’a pas inventé. En effet, il s’est servi d’un manuscrit de George Sand. D’une simple ébauche il va en faire une œuvre.
Pour délivrer Florence de la tyrannie du duc Alexandre de Médicis, son cousin Lorenzo a décidé de l’assassiner. Il y parvient en se faisant le complice de l’agent des débauches du Prince, mais lucide il comprend que ce meurtre va être inutile. Un autre tyran remplacera le tyran déjà existant. Lorenzo sait qu’il sera assassiné, il va donc se réfugier à Venise où il y trouvera son assassin.
L’extrait que nous allons étudier est la scène 3 de l’acte 4. Nous sommes quelques heures avant le meurtre du Duc et Lorenzo déclame un monologue où le doute plane.
LECTURE DU TEXTE.
Problématique : En quoi le monologue de Lorenzo dans 'Lorenzaccio' illustre-t-il les tourments du personnage ainsi que la préfiguration de sa fin tragique et de sa déchéance ?
Un personnage tourmenté
- Lorenzo : un personnage dirigé par le devoir
Nous avons une dominance de la Modalité Déontique. Cette modalité se réfèrent à un ordre moral ou social pour exprimer ce qui doit être (obligation) ou ce qui peut être (permission) = utilisation des verbes comme vouloir, faire, évocation du bien et du mal
=> Cela révèle son engagement moral dans cette situation
De plus, Lorenzo intègre la parole des autres, anticipant les pensées des autres personnages, ce qui le positionne comme l'incarnation du devoir dans la pièce. L’utilisation du discours direct le démontre.
Modalité exclamative = Expression du tourment entraîné par le dilemme avec interjection Ah ! et un ô laudatif
Et pourtant, dans son discours nous pouvons douter qu’il soit vraiment dirigé par le devoir. Si l’on regarde attentivement les didascalies internes, on remarque que lorsqu’il évoque son devoir et son acte prochain il pointe son cœur ou peut-être son ventre. Ces deux endroits sont les centres des émotions et non de la raison.
Il y a donc une contradiction entre ce qu’il dit de ce qu’il doit faire et de ce qu’il montre réellement. Cette ambiguïté fait partie intégrante de Lorenzo puisqu’il est en proie au doute.
- Le doute
Un aspect saillant du monologue de Lorenzo est l'expression de ses doutes profonds. Pour illustrer ces tourments, Musset recourt à une métaphore filée du tigre, une créature sauvage et indomptable. Ce motif du tigre résonne comme une interrogation sur la généalogie et l'identité de Lorenzo, soulignant ses questionnements intérieurs à l’instar de son doute. Le meurtre paraît incompatible avec sa nature profonde et pourtant il y a une isotopie du prédateur
Lorenzo utilise abondamment la question rhétorique tout au long de son monologue. Par exemple, il demande : "Y a-t-il une nuée au-dessus de ma tête ?" Ces questions ne nécessitent pas de réponse, mais elles mettent en évidence le conflit intérieur profond du personnage. Sa psyché est en perpétuelle agitation, et ces questions rhétoriques reflètent son état d'âme.
Epanortose est également employée pour intensifier cette tension intérieure. Lorenzo déclare : "Cela est étrange." Puis, il répète cette phrase en ajoutant : "Cela est étrange, et cependant pour cette action, j’ai tout quitté." Un ajout Hypotaxique (et cependant) avec un ajout paratactique (j’ai tout quitté). Cela souligne l'ambivalence de Lorenzo, qui, malgré ses doutes, est prêt à tout abandonner pour son dessein, renforçant ainsi l'aspect tragique de son personnage.
c) un héros aux sentiments confus
En littérature on attend du héros qu’il se distingue par sa force de caractère, sa grandeur d’âme et de haute vertu. Ici Lorenzaccio ce n’est pas le cas. En effet, c’est un héros romantique typique. Déchiré par ses tourments, Lorenzaccio est animé de sentiment contradictoire : une forte pitié envers lui-même, la crainte de ne pas pouvoir tuer Alexandre et même de mourir. Cela est montré par la rareté des connecteurs logiques nous sommes dans son flot de pensées Tout se bouscule dans la tête du héros.
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