Le lion et le moucheron / Jean de la Fontaine
Commentaire d'oeuvre : Le lion et le moucheron / Jean de la Fontaine. Recherche parmi 299 000+ dissertationsPar Hassan Reda • 6 Juin 2022 • Commentaire d'oeuvre • 1 567 Mots (7 Pages) • 354 Vues
JEAN DE LA FONTAINE,
« LE LION ET LE MOUCHERON »
(Livre II, fable 9), p. 74-75
PROBLÉMATIQUE :
De quels procédés La Fontaine use-t-il, dans cette fable, pour rendre son enseignement plus efficace ?
Axe 1 : La Fontaine surprend son lecteur en présentant deux animaux diamétralement opposés par leur taille et leurs forces, mais égaux par leur orgueil…
Arg. 1 L’image du Roi Lion attendue par le lecteur…
Arg. 2 …est déjouée par le fabuliste au profit du Moucheron…
Axe 2 : …qui s’affrontent dans un combat dont l’issue est aussi surprenante.
Arg. 1 Un combat épique…
Arg. 2 …qui a une visée parodique.
Dans la neuvième fable du Livre II, « Le Lion et le Moucheron », La Fontaine met en scène deux animaux de taille et de force ouvertement opposées. C’est donc de nouveau une fable qui traite du rapport entre les faibles et les puissants dans un schéma antithétique. Elle se compose de trois parties : le fabuliste pose d’abord le cadre en rapportant le dialogue entre le lion et le moucheron (v.1-11) ; ce dialogue conduit le moucheron à attaquer le lion et à remporter une victoire (le récit de leur combat se situe aux vers 11 à 31) ; dans les vers 32-33, le lecteur devient témoin de la rapide défaite du moucheron contre une araignée. A la fin, le lecteur découvre une double morale. De quels procédés La Fontaine use-t-il pour rendre son enseignement plus efficace ? Afin de le comprendre, nous interrogerons avant tout l’opposition des deux héros et étudierons ensuite la façon dont La Fontaine décrit leur combat.
Comme dans la plupart de ses fables, La Fontaine présente au lecteur deux animaux anthropomorphes. Ces animaux que tout oppose doivent a priori avoir deux profils aux antipodes, or La Fontaine prend le parti de déjouer cet a priori. Il est vrai que le lion est montré comme un animal orgueilleux. La fable s’ouvre précisément sur son discours direct extrêmement présomptueux et humiliant. Il traite le moucheron de « chétif insecte » et « d’excrément de la terre » et lui enjoint de s’en aller. (v.1) Le lion s’impose
donc d’emblée. La diérèse au vers 2 (« Li-on ») le souligne. Le moucheron d’ailleurs reconnaît le statut du lion en mentionnant son « titre de Roi » (v. 5). Toutefois, même si le moucheron avoue la supériorité plutôt conventionnelle de son interlocuteur, cet insecte en apparence beaucoup plus faible n’en a pas moins une haute estime de sa personne. La parenté de caractères entre le lion et le moucheron apparaît aussi dans le rapprochement à la rime qui les désigne « lion/moucheron » (v. 2-3). Le moucheron nargue le lion en se vantant de mener à sa guise un bœuf, animal qu’il considère comme plus puissant que le lion. Cette vantardise est traduite par ailleurs au niveau de la versification : tout comme le lion, le moucheron n’hésite pas à employer l’alexandrin lorsqu’il s’adresse à son ennemi (v. 5). Il apostrophe le lion en l’imitant et en utilisant le type de vers considéré comme le plus noble, ce qui traduit sa confiance en lui, même s’il emploie l’octosyllabe dans la suite de son discours (v. 6-8). Les reprises nominales dont le moucheron fait l’objet tendent pour leur part à insister sur le fait que, bien qu’il ne soit pas aussi grand qu’une mouche (« un avorton de mouche », v. 19), il triomphe du lion précisément en raison de sa petite taille (« l’invisible ennemi », v. 23). Ainsi, dès le vers 15, le lion est rabaissé au rang de « quadrupède », puis il n’est plus qu’une « Bête irritée » (v. 24) et à la fin un « malheureux Lion » qui « se déchire lui-même » (v. 26). Il serait toutefois à noter que la dernière reprise nominale dont le moucheron fait l’objet est plutôt dévalorisante. En effet, alors même qu’il vient de triompher du lion, la mention plutôt dépréciative d’« insecte » réapparaît (v. 29). Cette mention s’explique, si l’on considère qu’en définitive les deux animaux, bien qu’opposés par leur taille et leurs forces a priori, témoignent du même défaut : de l’orgueil et de la présomption. Leur combat est alors celui de deux êtres égaux.
Ce combat est narré au registre épique, principal registre de l’épopée. Cette tonalité prestigieuse et valorisante souligne l’image que les deux animaux ont d'eux-mêmes. Nous notons avant tout le champ lexical de la guerre et de l’héroïsme aux vers 4, 10, 23, 25, 30, 32. Les étapes classiques d'une bataille sont respectées : déclaration de la guerre (v. 4), début de l’affrontement (v. 10), combat violent (v. 15-30), victoire (v. 30). Le passage au présent historique dès le vers 12 nous fait entrer dans le vif de cet affrontement, ce qui est sans conteste une manière pour l’auteur d'actualiser et de dramatiser celui-ci. A partir du vers 15, l’alexandrin domine. L’usage du vers noble est aussi typique de l’épopée, également genre noble. Cela change au vers 32, lorsque le moucheron, vainqueur qui fanfaronnait un peu vite, tombe dans le piège de l’araignée et en meurt. L’illusion de la vivacité du combat se crée grâce à la variété de la structure rythmique du récit. Les menaces du moucheron et la déclaration de guerre, ainsi que les corps à corps des deux animaux sont exprimées à travers des vers à rimes alternées (v. 5-11 ; 15-18 ; 22-29), alors que les attaques et la victoire du moucheron sont rendues par les vers à rimes plates (v. 13-14 ; v. 20-21 ; v. 30-31). Ces alternances, produites par le fabuliste au niveau des rimes, confèrent une densité à l’affrontement. Dans le même temps, il est difficile de ne pas remarquer de décalage ironique entre le style pompeux dans lequel ce combat est narré et la nature de l’événement lui-même,
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