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Le procès équitable : l'épreuve de l'urgence - Commentaire d'arrêt CEDH, 29 mars 2011, RTBF c/ Belgique

Dissertation : Le procès équitable : l'épreuve de l'urgence - Commentaire d'arrêt CEDH, 29 mars 2011, RTBF c/ Belgique. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  11 Décembre 2022  •  Dissertation  •  2 804 Mots (12 Pages)  •  276 Vues

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Alors qu’André Glucksmann, philosophe décide que ce "qui manque dans l’urgence ne compte pas. Ou du moins peu.", la Cour Européenne des droits de l’Homme s’est, quant à elle, poser la question de l’importance des mesures provisoires dans le cadre du procès équitable. Elle s’est donc, entre autres, posée la question de l’applicabilité de l’article 6 à ces mesures. Cette question est marquée d’une importance fondamentale dans la mesure où elle a été mise à l’épreuve, à plusieurs reprises, de la jurisprudence de la Cour EDH. Tel est ici le cas dans un arrêt de la CEDH du 29 mars 2011, RTBF contre Belgique.

La RTBF, entreprise de radio et de télévision belge francophone, projette de diffuser dans le cadre d’une de ses émissions une séquence consacrée aux risques médicaux dans laquelle étaient évoquées les plaintes des patients d’un certain docteur, déjà évoquées par la presse écrite.

Quelques jours avant la date programmée pour la diffusion, le docteur saisit le tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en référé, aux fins de voir interdire la diffusion de l’émission et subsidiairement la production et le visionnage de la cassette. La diffusion a été interdite par une ordonnance jusqu'au prononcé d'une décision au fond, sous peine d'une astreinte de deux millions de francs belges par diffusion. La RTBF a interjeté appel contre cette ordonnance tandis que le médecin a introduit une action au fond.

Statuant sur le référé, la cour d'appel a jugé que la restriction à la liberté d'expression n'était interdite ni par la Constitution ni par la Convention européenne des droits de l'homme, et que l'intervention du juge du référé trouvait son fondement dans la loi dès lors que son action s'inscrivait dans un cas flagrant de violation des droits d'autrui. Statuant au fond, elle a déclaré l'appel de la RTBF non fondé.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la requérante dirigé contre l'ordonnance de référé, jugeant que la Constitution, la Convention européenne et le code judiciaire, interprétés de manière constante par elle, autorisaient, de manière parfaitement prévisible, les restrictions prévues à l'article 10, § 2. La Haute juridiction a refusé en outre d'examiner le moyen présenté par la société de télévision belge invoquant une violation de l'article 10, pour un motif de forme, celui du défaut d'invocation de l'article 584 du code judiciaire qui prévoit la compétence du juge des référé.

La RTBF a alors formé une requête auprès de la Cœur européenne. Elle a invoqué une violation des articles 6, § 1 qui régit le droit à un procès équitable, et 10 qui prévoit le droit à la liberté d'expression. Les deux griefs sont accueillis. Quant à la violation de l’article 6§1, la requérante estime que la Cour de cassation a refusé de prendre en considération son second moyen, tiré d’une violation de l’article 10 de la Convention, par un motif excessivement formaliste, en l’occurrence le défaut d’invocation de la violation de l’article 584 du code judiciaire.

Le Gouvernement soutient quant à lui que l’article 6 ne s’applique pas à la procédure de référé conduite en l’espèce. Sur le fond, il soutient qu’en matière de pourvois dirigés contre des décisions prises en référé, la mention de l’article 584 du code judiciaire est fondamentale en ce qu’elle s’explique par la spécificité de la procédure en référé, qui juge sur une apparence de droit.

Dès lors, la question de droit est la suivante : L’article 6 §1 est-il applicable aux procédures provisoires et si oui, un formalisme excessif de la procédure de référé entraine-t-il une violation de l’article 6§1 de la CEDH ?

Dans cet arrêt, la CEDH retient tout d’abord une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, le formalisme procédural excessif exigé par la Cour de cassation belge lors de l’examen du second moyen de cassation de la RTBF portant atteinte au droit d’accès à un tribunal (§74). La Cour exerce également un contrôle de proportionnalité de la mesure provisoire (ordonnance prise par le juge des référés) et ajoute que le droit à un tribunal ne saurait être restreint que si la mesure prise tend à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Elle estime en l’espèce que le droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même. La Cour conclu alors à une violation de l’article 6§1 de la ConvEDH et fait droit à la demande de la requérante et condamne le gouvernement Belge.

L’arrêt d’espèce intervient dans un contexte jurisprudentiel instable ; après un long débat sur l’applicabilité de l’article 6§1 de la CEDH aux procédures en référé, l’arrêt Micallef contre Malte de 2009 a explicitement affirmé l’applicabilité de l’article 6 aux mesures provisoires prises par le juge des référés. Avant cet arrêt de principe, la jurisprudence optait pour une affirmation tranchée et formaliste selon laquelle les procédures en référé, quel qu’en soit l’objet, échappaient à l’empire de la garantie conventionnelle du procès équitable. Les faits d’espèce sont relatifs à une atteinte à la liberté d’expression, droit fondamental garantit par la ConvEDH. Une atteinte portée à ce droit par des mesures préventives conduit à interdire la diffusion d’opinions et d’informations et nécessite donc une approche rigoureuse de la part de la CourEDH. Elle a donc pour tâche de veiller à la conciliation d’un susceptible dommage causé par la diffusion d’informations et la liberté d’expression.

Par cet arrêt, la Cour tend à une protection du droit d’accès au tribunal de l’article 6§1 de la CEDH contre l’arbitraire des mesures préventives prisent par le juge des référés. En effet, elle rend d’abord applicable l’article 6 à la procédure de référé (I). De plus, elle sanctionne le formalisme excessif de la Cour de cassation belge en exerçant un contrôle de proportionnalité. (II)

I) L’applicabilité de l’article 6§1 de la CEDH à la procédure de référé

A l’issue d’un contrôle bref, l’applicabilité de principe de l’article 6§1 aux procédures provisoires sera ici reconnue, conditionnée et modulable (A). Cette applicabilité viendra conforter une conception des mesures provisoires bien affirmée dans la jurisprudence européenne (B).

A) Une applicabilité

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