L'art fait-il réfléchir ou rêver ?

L’ART FAIT-IL REFLECHIR OU REVER ?

I L’art comme objet de rêverie

1. L’œuvre est une représentation, ce n’est pas la réalité même. Nous devons être indifférents à l’existence de l’objet, indique Kant sous le nom de « désintérêt ». Platon dans La république chassera les artistes car ils s’éloignent de la réalité des Idées (essence) pour nous plonger dans un monde d’illusions et de faux-semblants.

2. L’art est en effet création de formes, de règles sans contraintes logiques ou utilitaires. Le surréalisme (Dali, Breton), le dadaïsme (Tzara) en sont des bons exemples. Cela se traduit par des œuvres fantaisistes où pour les 1ers l’inconscient s’extériorise et pour les 2nds toutes les conventions sont systématiquement détruites. Tout est permis dans l’art, comme tout est possible dans le rêve.

3. Ainsi, l’art à prétention onirique s’adresse à la sensibilité du spectateur, à son imagination au sens littéral, car il s’agit de partir des images fournies par l’œuvre pour y associer librement les siennes. Mais n’est-ce pas faire de l’œuvre un prétexte pour en définitive se replier dans un monde intérieur (l’œuvre elle-même deviendrait gênante pour la rêverie du spectateur à tel point qu’il fermerait les yeux face à une toile ou une sculpture, le livre pour la poésie ou la littérature, les oreilles pour la musique) ? Et d’autre part, certains rêves peuvent virer au cauchemar ! Dire que l’art doit faire rêver, n’est-ce pas exclure les œuvres dérangeantes, effrayantes de prime abord ? Pensons au poème de Baudelaire Une charogne ou aux tableaux de Chardin et de Soutine, La raie. N’est-ce pas faire l’apologie de l’art démagogique (facile et agréable pour le grand nombre) et confondre la composition avec la réalité même ?

II L’art comme objet de réflexion

1. Cela suppose de 1èrement détacher le fond (l’idée) de la forme (le mode d’expression) et 2èment estimer que le contenu intelligible est plus important que le contenant sensible. Il s’agit d’aller au-delà des images pour accéder au concept que l’artiste tente de nous communiquer. L’artiste et le spectateur cheminent de manière inverse : d’abord l’idée, puis sa mise en image artistique pour le premier et inversement pour le second.

2. Concrètement, on retrouve cette démarche dans l’art conceptuel ou plus familièrement dans l’art « à messages ». Pensons à l’art engagé, délivrant un message socio-politique ( anti-militariste par exemple comme dans Guernica de Picasso ou L’écume des jours de Vian). Ou encore l’art pédagogique des fresques religieuses du Moyen Age qui compensaient l’illettrisme de la majorité des fidèles.

3. Mais ne néglige-t-on pas la forme matérielle, qui doit laisser surtout transparaître le message ? Pourquoi ne pas le formuler d’ailleurs directement, sans ce détour esthétique ? Et surtout, l’art engagé engage le spectateur à revenir à la réalité : la représentation fait office de déclic à une prise de conscience morale ou politique. Elle n’est à nouveau qu’un moyen ou un prétexte pour engager une action sur les injustices dont souffrent le monde et notre propre attitude.

III L’art n’est ni l’un, ni l’autre séparément

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