Le portrait de Colin dans l'Ecume des jours
Commentaire de texte : Le portrait de Colin dans l'Ecume des jours. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar MAT60330 • 14 Avril 2025 • Commentaire de texte • 2 148 Mots (9 Pages) • 15 Vues
Lecture linéaire de l’incipit de L’écume des jours de Boris VIAN TEXTE 12 : « Le portrait de Colin »
Intro : Boris VIAN (1920-1959) était un écrivain français, mais aussi ingénieur, inventeur, poète, peintre, traducteur, acteur, parolier, chanteur, critique et musicien de jazz. Il a publié sous des pseudonymes et sous son vrai nom plusieurs romans (dont J’irais cracher sur vos tombes), recueils de poèmes, pièces de théâtre. Il a été également membre du Collège de Pataphysique, une école créée par Alfred Jarry s’intéressant à une « science des solutions imaginaires », proche du Surréalisme. Lorsque paraît le roman de Boris VIAN L’écume des jours en 1947, la France est ébranlée par la Seconde Guerre mondiale et l’intérêt des artistes se porte encore fortement sur ce désastre et le pessimisme ambiant. Or, ce roman opère comme une césure, une rupture avec le roman traditionnel en offrant au lecteur un univers insolite et des personnages jeunes et fantaisistes à la recherche du bonheur. Dès l’incipit, le ton est donné : sous des aspects conventionnels, le roman surprend et la présentation du protagoniste bouleverse les attentes du lecteur. En quoi cet incipit fait-il le portrait d’un personnage marginal et suscite-t-il le plaisir romanesque ?
- Lignes 1 à 3 : La sortie du bain
- Lignes 3 à 12 : Des habitudes surprenantes
- Lignes 12 à la fin : Le portrait d’un personnage parfait ?
- Lignes 1 à 3 : La sortie du bain
- Il s’agit des premières lignes du roman. Le cadre de la salle de bains est décrit avec précision et convoque de nombreux éléments du quotidien : la serviette de bain, le pulvérisateur, le peigne, le coupe-ongles, le miroir grossissant, la lampe. Les objets sont décrits avec minutie à l’aide d’adjectifs ou de compléments du nom : « ample » et « tissu bouclé » désignent la serviette, « de verre » pour l’étagère, « fluide et odorante » pour l’huile du pulvérisateur pour les cheveux. Les sensations tactiles (« bouclé », « fluide »,
« enveloppé ») et olfactive (« odorante ») permettent au lecteur d’imaginer une salle de
bain apaisante et raffinée. De même, le lecteur imagine facilement la posture du perso :
« seuls ses jambes et son torse dépassaient » du peignoir. Le lecteur est donc en confiance dans cet espace habituel.
- Le portrait débute par le portrait en actes du perso ppal. On y apprend son prénom dans une phrase très courte, informative, à l’imparfait (L.1). C’est un prénom aux sonorités douces évoquant un animal (poisson ou oiseau). Le lecteur va suivre ses actions de manière chronologique puisqu’à l’imparfait de la première phrase succède le passé simple « il prit » (L.2). La scène de la toilette est donc décrite de manière conventionnelle.
- Mais cette narration est étonnante : cette scène commence par la fin de la toilette de Colin, ce qui est peu banal, d’une part parce qu’il s’agit de la fin d’une action, d’autre part car le roman ou l’art pictural a davantage présenté le topos de la jeune fille à sa toilette, voire de Vénus sortant de l’eau, que la description du jeune homme terminant sa toilette !
- Lignes 3 à 12 : Des habitudes surprenantes
- La première phrase (L.3) commence sur le même ton que les précédentes, avec deux détails : l’adjectif « soyeuse » faisant référence à la soie, un tissu fin et élégant, pour qualifier la masse des cheveux et le GN « d’ambre », pour détailler le peigne, renchérissent la première impression de raffinement : l’ambre est une résine fossile sécrétée par des conifères très utilisée en bijouterie ainsi que pour la fabrication d'objets ornementaux.
- Mais, il s’en suit une combinaison de métaphores surprenantes :
🡺 Tout d’abord, la métaphore « pareils aux sillons que le gai laboureur » (L.4-5) est étonnante. Le lecteur ne s’attendait pas à ce que le narrateur compare le coiffage de Colin au travail du laboureur ! Qui plus est « gai » ! Cela revient à comparer des cheveux à des sillons, c’est-à-dire des tranchées dans un champ...
🡺 Ensuite, le narrateur enchaîne avec « trace à l’aide d’une fourchette dans de la confiture d’abricots » (L.5). Ainsi, cette fois, les cheveux de Colin sont comparés à de la confiture ! Le rapprochement se fait grâce à la couleur. Le narrateur avait précédemment évoqué les « cheveux clairs » (L.3), puis « les longs filets orange » (L.4), d’où la précision « confiture d’abricots ». L’impression générale reste agréable, on est dans le plaisir gustatif ; mais quel est l’intérêt à ce que ce soit un laboureur qui effectue ce geste ? Aucun, si ce n’est de faire sourire le lecteur. Ce jeu verbal s’apparente à ceux du Surréalisme *
*Une œuvre surréaliste se compose généralement d’éléments inattendus, qui n’ont pas forcément de lien les uns avec les autres. Les artistes surréalistes déforment les objets pour créer de nouvelles approches plastiques et iconographiques, grâce au hasard. Ils utilisent différentes techniques comme le dessin automatique, le collage, le frottage… Les thèmes, que l’on retrouve souvent, sont : le rêve, l’imagination, les phénomènes extraordinaires…
L’impression qui ressort de cette action de coiffage est donc amusante et attise la curiosité du lecteur pour la suite de la toilette.
- La deuxième action se révèle encore plus surprenante : il s’agit du soin accordé par Colin à ses paupières. Il commence par « s’arm[er] » d’un coupe-ongle (L.6), verbe du registre belliqueux inapproprié à la toilette. Cela se confirme par l’action absurde de Colin qui les
« taill[e] en biseaux ». Le CC de but confirme cette impression générale « pour donner du mystère à son regard » (L.7). L’aspect étonnant de cette action est renforcé dans la phrase suivante car le narrateur précise : « Il devait recommencer souvent car elles repoussaient vite ». Il n’y a donc pas de douleur dans cette action. Le lecteur se demande s’il a bien compris qu’il s’agissait des paupières et non des cils... Ainsi, on bascule dans un univers merveilleux dans lequel les objets sont détournés de leur fonction initiale (coupe-ongles
...