Marivaux
Commentaire de texte : Marivaux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar sely • 3 Avril 2014 • Commentaire de texte • 666 Mots (3 Pages) • 1 101 Vues
À la différence des pièces précédentes, La Colonie représente une utopie en construction : l’élaboration du programme féministe a lieu sous les yeux du public ; elle est lente et progressive et ramène à la surface de nombreuses difficultés internes. Parmi ces difficultés, il faut relever l’identification par les femmes, point par point, de leurs revendications, la question d’un accord sur leurs droits, la manière de les réclamer et finalement les dissensions entre les différentes visions des femmes. Cette approche méthodique, curieusement transposée sur la scène, rappelle le programme de Mentor pour la reconstruction de Salente : les deux volets, celui de la critique du présent – donc de l’identification des problèmes et des irrégularités - et celui des propositions pour l’avenir – donc la découverte des solutions de redressement - étant également présents dans la pièce de Marivaux. Le fait que le projet féministe prenne forme au fur et à mesure des scènes donne à la pièce un certain dynamisme et une portée révolutionnaire beaucoup plus grande que dans les deux autres pièces, bien que celle-ci soit étouffée, à la fin, par le retour à l’ancien ordre social traditionnel. En même temps, la thématique du rôle de la femme dans la société et de son rapport avec l’homme était de grande actualité à l’époque de Marivaux. C’est pourquoi, à l’altérité spatiale de l’île ne s’ajoute pas une altérité temporelle : la société que les femmes souhaitent fonder étant une société contemporaine, qui traduit les problèmes les plus aigus du monde de son auteur (le statut de la femme dans la société, l’égalité entre les sexes, l’égalité entre les classes sociales, la sortie de la femme du milieu familial et son implication dans des activités publiques).
Au-delà de ces aspects liés à la guerre des sexes, l’enjeu de la pièce est également social avec notamment le projet d’élimination de l’inégalité entre les hommes et les femmes qui débouche vers la fin de la pièce sur la nécessité d’une élimination des inégalités entre les classes sociales et les différentes conditions. Mais, bien évidemment, l’enjeu de l’œuvre demeure aussi moral.
Il convient donc maintenant de passer à l’analyse proprement dite de la pièce, en prenant en considération à la fois la critique du statut de la femme au XVIIIe siècle et l’élaboration du projet féministe destiné à la construction d’une société autre. Ces deux points importants de la pièce de Marivaux sont exprimés à partir de la scène première, qui réunit les initiatrices du projet féministe, Arthénice, une femme noble, et Madame Sorbin :
‘ Arthénice. – Ah ça ! Madame Sorbin, ou plutôt ma compagne, car vous l’êtes, puisque les femmes de votre état viennent de vous revêtir du même pouvoir dont les femmes nobles m’ont revêtue moi-même, donnons-nous la main, unissons-nous et n’ayons qu’un même esprit toutes les deux.
Madame Sorbin, lui donnant la main. – Conclusion, il n’y a plus qu’une femme et qu’une pensée ici.
Arthénice. – Nous voici chargées du plus grand intérêt que notre sexe ait jamais eu, et cela dans la conjoncture du monde la plus favorable pour discuter notre droit vis-à-vis les hommes.
Madame Sorbin.
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