Michel de Montaigne
Discours : Michel de Montaigne. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar TheRow • 23 Mars 2014 • Discours • 348 Mots (2 Pages) • 754 Vues
Texte A : Michel de Montaigne, « Que philosopher, c’est apprendre à mourir », Essais, I, 20, 1580-1595.
Le but de nôtre carrière, c’est la mort, c’est l’objet nécessaire de nôtre visée : si elle nous effraie, comme1 est-il possible d’aller un pas en avant, sans fièvre ? […]
On fait peur à nos gens, seulement de nommer la mort, et la plupart s’en signent, comme du nom du diable. Et parce qu’il s’en fait mention aux testaments, ne vous attendez pas qu’ils y mettent la main, que2 le médecin ne leur ait donné l’extrême sentence ; et Dieu sait lors, entre la douleur et la frayeur, de quel bon jugement ils vous le pâtissent3. Parce que cette syllabe frappait trop rudement leurs oreilles, et que cette voix4 leur semblait malencontreuse, les Romains avaient appris de l’amollir ou de l’étendre en périphrases. Au lieu de dire : il est mort ; il a cessé de vivre, disent-ils, il a vécu. Pourvu que ce soit vie, soit-elle passée, ils se consolent. […]
Je naquis entre onze heures et midi, le dernier jour de Février mille cinq cent trente trois, comme nous contons à cette heure, commençant l’an en Janvier. Il n’y a justement que quinze jours que j’ai franchi 39 ans, il m’en faut pour le moins encore autant : cependant s’empêcher du pensement5 de chose si éloignée, ce serait folie. Mais quoi, les jeunes et les vieux laissent la vie de même condition. Nul n’en sort autrement que comme si tout présentement il y entrait. Joint qu’il n’est homme si décrépit tant qu’il voit Mathusalem devant6, qui ne pense avoir encore vingt ans dans le corps. D’avantage, pauvre fol que tu es, qui t’a établi les termes de ta vie ? Tu te fondes sur les contes des médecins. Regarde plutôt l’effet et l’expérience. Par le commun train des choses, tu vis pieça7 par faveur extraordinaire. Tu as passé les termes accoutumés de vivre. Et qu’il soit ainsi, conte de tes connaissants8 combien il en est mort avant ton âge, plus qu’il n’en y a qui l’aient atteint ; et d
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