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Philosophie De L'argent

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Par   •  30 Avril 2013  •  9 683 Mots (39 Pages)  •  901 Vues

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L’argent comme « moyen absolu »

Simmel et La Philosophie de l’argent

I) La vie et la pensée de Simmel : une situation ambivalente

1) Vie de Simmel : confort matériel et inconfort social

Le philosophe et sociologue Georg Simmel est né le 1er mars 1858 à Berlin. Son père Edward Simmel, propriétaire d’une usine de chocolat, était à la tête d’une fortune colossale, dont ses sept enfants (Simmel était le plus jeune) ont hérité à sa mort, survenue en 1874. Edward Simmel était un juif converti au catholicisme, tandis que Flora Bodstein, sa mère, était luthérienne.

A la mort de son père, Simmel, âgé de seize ans, se retrouve sous la protection de Julius Friedländer, un riche ami de la famille, propriétaire des éditions musicales Peters Verlag, et qui devient son tuteur et le dote si richement qu’il n’aura jamais besoin de travailler pour vivre. Sa situation est donc garantie sur le plan matériel.

Simmel étudie la philosophie et l’histoire à l’Université Friedrich-Wilhelm de Berlin, entre 1876 et 1881. En 1881 il devint docteur en philosophie avec une thèse sur la nature de la matière dans la monadologie physique de Kant). Sa thèse d’habilitation (1883) porte sur la théorie de l’espace et du temps chez Kant. Il devient « Privatdozent » à l’université de Berlin en 1885 jusqu’en 1901. Ce titre signifie qu’il a passé son habilitation mais qu’il n’a pas encore de chaire d’enseignement, ce qui ne lui permet pas de percevoir un salaire de l’université : il dépend donc des contributions de ses étudiants. Ses cours, populaires, attirent l’élite intellectuelle berlinoise et un public hétérogène fait d’étrangers, de Juifs et de femmes.

En 1890, il épouse Gertrud Kinel, peintre, écrivain et philosophe. Elle écrit sous le pseudonyme de Marie-Louise Enckendorf, notamment sur des sujets ayant trait à la religion et à la sexualité. Signalons aussi qu’elle a pour amie Marianne Weber, la femme de Max Weber (1864-1920), l’économiste et le sociologue.

Simmel aura par ailleurs pour maîtresse Gertrud Kantorowicz, poétesse et traductrice de Bergson, dont il aura une fille, qu’il ne reconnaîtra ni ne rencontrera jamais.

Simmel ne fut jamais vraiment reconnu par la hiérarchie universitaire, et a souffert d’un statut de marginal au sein de l’institution. Ce n’est qu’en 1901 qu’il devint « professeur extraordinaire » mais il ne s’agit là que d’un titre surtout honorifique et faiblement rémunéré. Ses livres laissèrent indifférents ils suscitèrent cependant l’intérêt de l’élite intellectuelle berlinoise et européenne, notamment de Rilke, de Bergson et de Durkheim. On peut citer, outre La Philosophie de l’argent, généralement considérée comme son chef-d’œuvre, La Psychologie des femmes et Sur la différenciation sociale, publiés tous deux en 1890, Sociologie, en 1908, œuvre dans laquelle il expose ses concepts principaux (l’action réciproque et la forme), enfin La Culture philosophique, en 1911, dont est tiré un texte célèbre, « Le concept et la tragédie de la culture ».

Simmel reçoit des titres purement honorifiques, il postule deux fois, en vain, pour un poste de professeur de philosophie dans la prestigieuse université de Heidelberg (1908, 1915), et sa nomination tardive n’est en réalité qu’un demi-succès, car Strasbourg se trouve aux marges de l’Empire. Les raisons de cette marginalisation tiennent d’abord au contexte historique, caractérisé par l’antisémitisme et le pangermanisme. Les Juifs sont exclus d’un certain nombre de postes dans le service public et l’université, et si la candidature de Simmel à l’université de Heidelberg échoue, cet échec est en grande partie dû à l’action de l’historien antisémite et pangermaniste Dietrich Schäfer. Il est important de noter que ce statut particulier des Juifs entraîne selon Simmel une conséquence importante pour la pensée, comme il s’en explique dans Les Pauvres. Pour lui, les Juifs sont prédestinés à une « distanciation réflexive par rapport au monde quotidien » et à une « rupture durable avec les fausses évidences du “ça va de soi” de la vie ordinaire. » La position de marginalité des Juifs leur permet par ailleurs de s’intéresser à tous ceux qui, comme eux, demeurent en marge de la société : les pauvres, les étrangers, et les femmes. Ces marginaux sont eux aussi à la fois en position d’infériorité et d’extériorité par rapport à la société dans laquelle ils vivent.

Ensuite, la mise à l’écart de Simmel est directement liée au caractère atypique de sa démarche et au croisement des perspectives et des disciplines qu’elle propose. Simmel mélange philosophie de l’histoire, philosophie des religions, esthétique, économie, sociologie, psychologie. Toutes sortes de thèmes sont abordés par Simmel, en marge des œuvres principales, dans divers articles : l’étranger, le pauvre, la mode, la prostitution, la coquetterie, l’amour, la ville de Florence… Toutefois, son œuvre témoigne d’une recherche des analogies secrètes : une pensée qui explore les aspects en apparence contraires des phénomènes qu’elle étudie, et repose sur « une logique intellectuelle de mise en relation généralisée » (selon les auteurs de la préface du GF).

Sa postérité, en revanche, a été forte : Simmel a été une référence importante pour l’École de Chicago, fondée en 1892 par des sociologues — Robert Park (1864-1944), Ernest Burgess (1886-1966), Erwin Goffman (1922-1982) et Howard Becker (né en 1928). L’École de Chicago s’intéresse aux interactions entre les individus. Comme Simmel, elle estime que ces actions réciproques constituent l’origine véritable de la société : la société n’est donc pas déterminée par des structures. Ses thèmes de prédilection sont très variés et en partie influencés par l’œuvre de Simmel : la ville, la médecine, la folie, la délinquance…

En 1914, Simmel obtient enfin une chaire, mais à Strasbourg, où il meurt d’un cancer du foie quatre ans plus tard, le 28 septembre 1928.

2) La pensée de Simmel : au croisement de la sociologie et de la psychologie

a) Contexte d’émergence de cette pensée : l’avènement de la société moderne

Georg Simmel a été le contemporain des bouleversements économiques et sociaux sans précédent créés par la révolution industrielle. Au terme de cette révolution, l’économie européenne, encore

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