Article de Geneviève Cuche-Espinasse
Fiche de lecture : Article de Geneviève Cuche-Espinasse. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Bouny • 2 Janvier 2018 • Fiche de lecture • 1 277 Mots (6 Pages) • 801 Vues
Article de Geneviève Cuche-Espinasse, « Soutenir le désir de vivre ».
Madame Geneviève Cuche-Espinasse partage son expérience de création d’un groupe de parole au sein de la Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS) des hôpitaux universitaires de Strasbourg qui met en évidence la complémentarité de l’intervention individuelle avec le groupe de parole, son contexte d’émergence et l’intérêt de cette démarche pour les différents acteurs de l’intervention collective.
L’Intervention Sociale d’Aide à la Personne offre de nombreux intérêts aux bénéficiaires nécessitant d’un « abri psychique » pour assimiler leur vécu et redonner du sens à leur vie.
Leur demande de réponse aux besoins concrets (logement, alimentation, soin) et ceux qui sont plus implicites liés aux traumatismes vécus est forte du fait de leur fragilité. Retrouver une intégrité pour forger leur identité est une caractéristique importante de l’apport d’une relation privilégiée, centré sur l’histoire singulière de la personne accueillie par l’écoute confidentielle du travailleur social. Ainsi, l’usager peut s’ouvrir sur ses problématiques propres comme sa difficulté à trouver sa place identitaire du fait de celle à trouver un lieu de vie physique.
Cependant, cette intervention peut fatiguer celui qui endosse le nouveau rôle de passeur entre les différentes cultures et qui confronte l’imaginaire des femmes en exil empreint de peurs et d’idéaux que les passeurs ont alimentés qui ne coïncident pas toujours avec la réalité politique. En effet, un sentiment d’impuissance voire de colère peut se présenter face à l’incompréhension de la rudesse de la démarche de ces femmes qui implique le travailleur social. Celui-ci doit alors apprendre à travailler autrement pour regagner du pouvoir d’agir dans son métier afin d’honorer son code de déontologie « développer les potentialités de chacun en le rendant acteur de son propre changement » (ANAS). Redonner espoir et satisfaire les besoins vitaux de ceux qui sont considérés comme « sans existence légale » s’avère paradoxalement inconfortable puisque qu’il s’agit d’aider des femmes sans droits.
L’éthique de l’Assistante de Service Social (ASS) se trouve alors mis à mal obligée de conjuguer la réalité socio-économique avec le réel traumatisme du parcours, la symbolique culturelle et imaginaire singulier de l’exil. L’ASS touchée par l’histoire difficile et complexe des usagers rencontrés et n’a pas toujours les clefs pour y faire face seule. Ici leur vie commence pour beaucoup d’entre aux alors qu’en réalité l’aventure fastidieuse n’est pas terminée.
Ainsi, la complémentarité de l’Intervention Sociale d’Intérêt Collectif se situe dans le « travailler ensemble » pour éviter le fonctionnement en miroir dans lequel l’ASS reproduit les problématiques du public accueillit (fatigue, isolement, bricolage) générant de l’angoisse face à laquelle la meilleure réponse se présente sous la forme d’une fuite de l’accompagnement allant jusqu’à refuser de recevoir la personne. Car l’ASS a le sentiment de faire du bricolage pour répondre aux besoins par l’exemple de l’hébergement qui est à reconquérir chaque jour au prix d’éternels appels mais aussi la question du transport et de l’alimentation. S’ajoute à toute cette recherche technique éphémère, le caractère répétitif, ennuyeux et limité.
Cette ISIC émerge de La Boussole, service de PASS des hôpitaux universitaires de Strasbourg ouvert depuis 2000. Cette « cellule de prise en charge médico-sociale » facilite l’accès des personnes démunies aux soins et accompagnement social avec un public à 80% étranger. Le Pass-périnatalité au sein duquel l’ASS a développé le projet d’un groupe de parole assure suivi médico-social des femmes enceinte pendant et après leur grossesse depuis 2005.
Environ 200 femmes ont été suivies par année dans ce dispositif dont un tiers sont en demande d’asile politique. Ces femmes en situation d’exil sur lesquelles l’ASS a choisi de se concentrer dans cet article viennent plutôt des pays de l’Est (Arménie, Kosovo, Tchétchénie,..) ou d’Afrique subsaharienne et Maghreb. Les femmes accueillies sont sans-papiers et n’osent souvent pas sortir de peur d’être jugées renvoyées dans leur pays d’origine et ne connaissent pas leurs droits concernant l’accès aux soins, à l’hébergement et au suivi mère-bébé quand elles ne viennent qu’au moment de l’accouchement. Bien souvent, elles ont des enfants « au pays », un géniteur absent/inconnu (ce qui complique le suivi social), un réseau social monnayé, un sentiment d’exclusion renforcé par l’errance perpétuée par une prise en charge éphémère et misent sur l’enfant à venir pour rester en France légalement. Leur rapport au temps comme « suspendu » est imprégné d’un sentiment d’urgence. L’objectif des ASS y est de soutenir la relation parentale si besoin mais surtout de mieux comprendre le parcours de ces femmes dans le but de travailler en amont de l’accouchement pour mieux les accompagner. Ce groupe de parole est un espace-temps hebdomadaire accordé aux femmes reçues pour répondre au sentiment de solitude, d’errance et d’isolement qui n’est pas possible en ISAP. Il permet d’aborder la maternité en exil et sa transmission aux enfants. Il suffit d’y parler en son nom propre, ne pas juger ou conseiller et enfin de s’écouter mutuellement. Le rôle de l’ASS au travers de l’ISIC y est de « transmuter les déchirements plutôt que de les figer en handicap », le rappelle Olivier Douville.
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