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Le Djihadisme

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Par   •  26 Mai 2015  •  7 227 Mots (29 Pages)  •  1 118 Vues

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LE DJIHADISME

C'est le choc. Les pouvoirs publics sont en émoi. Le phénomène djihadiste ne concerne pas juste, ô surprise, les seuls jeunes issus de l'immigration, les «musulmans d'origine». A rebours des idées reçues, 23% des 1132 Français impliqués dans les filières djihadistes seraient, selon le Ministère de l'intérieur, des français de «souche» convertis, qui n'ont pas été élevés dans la culture musulmane1. De son coté, le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CDSPI) révélait le profil type des candidat(e)s au djihadisme. Celui-ci ne correspondrait aucunement selon ses enquêtes, à l'imaginaire médiatique savamment entretenu: 80% des candidats au djihad sont issue de familles, sur les 160 ayant fait appel au CDSPI, qui se déclarent athées. Tout aussi surprenant, 67% d’entre-eux seraient issue des classes moyennes, les milieux populaires n'étant représentés que par 16% des candidats2.

Ces chiffres sont bavards. Ils dégoulinent de signification. Ils interpellent le sens commun et le mettent à rude épreuve. Ils en disent long sur l'élite, sa mentalité et son inefficacité face auphénomène djihadiste. Elle n'en comprend pas la réalité car elle se suffit de ses préjugés. Ils dévoilent la glauque réalité du désarroi d'une partie de la population française, notamment jeune, n'ayant de choix, dans le marasme économique et politique où nous baignons, qu'entre radicalisme religieux, extrémisme politique et émigration professionnelle. «Quand l'âme a soif, disait Victor Hugo dans Ruy Blas, il faut qu'elle se désaltère, fût-ce dans du poison!»,en l'occurrence celui du radicalisme salafiste et djihadiste. Ils révèlent aussi un affaissement intellectuel. Celui de la pensée musulmane d'un coté, incapable de colmater l'hémorragie djihadiste et de détruire les fondements idéologiques et théologiques du salafisme. Et de l'autre, celui de la RépubliqueFrançaise qui s'enferment dans un laïcisme borgne et un libéralisme aveugle, qui l’empêche d'aborder en profondeur le phénomène djihadiste, au-delà des gesticulations sécuritaires et des bavardages sur les chiffres.

En effet, ces chiffres et l'origine des djihadistes que révèlent les enquêtes perturbent la vielle chansonnette médiatique et confortable du «nous, les civilisés de souche, contre eux, les barbares immigrés ou leurs progénitures». Alors on pinaille sur les détails. Les chiffres et l'origine tiennent lieu de débat. L'absence de projet oblige au rejet. Mais sans l'épouvantail de service comment continuer ?

Sueur froide donc. La souche serait pure. Elle est française. Bien intégrée, assimilée, puisque d'origine. Quand l'enfer était l'autre, c’était plus rassurant. Cela vient de voler en éclat. Les politiques bégaient. Le désarroi s'affiche. La grille, rouillée, ne sert plus. Sa lecture de la réalité ne tient plus. D'où le bavardage que cela suscite. Mais elle est révélatrice de la vision des politiques et des pouvoirs publics. Ils y croyaient donc vraiment : le crime serait basané, barbu et pas « très catholique» ; le radicalisme, c'est sûr, ne peut être que religieux ; et l'intolérance ignoble, forcément, est musulmane. Aux yeux de l'égalitarisme fanfaronnant, niant les couleurs pour être «neutre», nous avons, en fait, la «couleur» qu'elle assigne en cachette à chaque groupe. Le mal aurait une peau, une origine, une religion. Elle serait forcément intrinsèque à certaines populations, puisque le système, la société, la République restent, intrinsèquement, immaculés de «blanches» vertus. Sinon comment comprendre la surprise et la réaction politico-médiatique sur ces chiffres? En quoi, en effet, l'origine immigrée ou de souche influe t-elle sur les faits ? Que révèle donc ces commentaires et débats sur l'origine française (c'est à dire blanche et donc de souche) de certains djihadistes issus de la France, si ce n'est que l'imaginaire des élites continue d’être habité par l'essentialisme coloniale et raciste qui classifiait la vertu et le mal, la civilisation et la barbarie, selon la couleur, l'origine et la religion. C'est l'une des causes de la cécité française et de l’inefficacité des élites. Les œillères de la suprématie empêchent de voir les fissures de l'écroulement et de percevoir les évidences.

Doit-on le répéter? La réalité des candidat(e)s au djihadisme, d'origine immigrée ou pas, est, à un certain niveau d'observation, la même: à savoir qu'ils sont issus de la même société, ont grandit dans le même pays, ont fréquenté les mêmes écoles de laRépublique et parlent, pensent et rêvent dans la langue deMolière. Il s'agit donc de personnes originaires, malgré les spécificités individuelles, familiales et sociales, du même terreau culturel: la France. Et c'est d'ailleurs ainsi qu'ils sont perçus à l’étranger, en Syrie ou ailleurs, et continuent de se désigner (sous le nom de al-fransi) malgré leur emprunt de surnoms arabes de guerre. La perte de vue de cette évidence en amont, brouille, en aval, toutes les analyses et réponses contre le radicalisme et le djihadisme (qui en est issu) et contribue peut-être même àaccentuer ces deux phénomènes. Car elle vient confirmer le sentiment de rejet et de non appartenance à la nation, qui est souvent à l'origine du basculement vers l’extrême. Ces autres, que nous aimons tant haïr pour nous conforter, sont en fait les nôtres, nos frères, nos sœurs, nos fils, nos filles, nos concitoyens. Il faut donc agir en conséquence, parce qu'en réalité, comme le dit si joliment khalil Gibran, ce poète de l'humanité:«de même que pas une seule feuille ne peut jaunir sans que l'arbre entier le sache tout en restant discret. Ainsi nul homme ne peut mal agir sans que vous tous le vouliez en secret ». Les graines du radicalisme se plantent sur nos champs de misère, d'injustice et de vide. Ils ne les justifient pas mais les accueillent et les arrosent. C'est la première leçon qu'il nous faut tirer pour agir.

La deuxième en découle logiquement : il nous faut comprendre le radicalisme religieux et le djihadisme comme un phénomène social universel et trans-civilisationnel qui prend ensuite les couleurs et spécificités du contexte culturel, politique et religieux de la société ou du groupe social dans lequel il sévit. Le radicalisme et le terrorisme n'ont pas de frontière, ni de couleur. Ils ne sont ni islamiques, ni religieux. Ils sont avant tout humain. Athéiste, laïciste, monothéiste

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