Extrait issu de la pièce de théâtre Dom Juan de Molière
Cours : Extrait issu de la pièce de théâtre Dom Juan de Molière. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertation • 24 Mars 2013 • Cours • 1 304 Mots (6 Pages) • 1 007 Vues
SGANARELLE.- Est-ce là, la malade ?
GÉRONTE.- Oui, je n’ai qu’elle de fille : et j’aurais tous les regrets du monde, si elle venait à mourir.
SGANARELLE.- Qu’elle s’en garde bien, il ne faut pas qu’elle meure, sans l’ordonnance du médecin.
GÉRONTE.- Allons, un siège.
SGANARELLE.- Voilà une malade qui n’est pas tant dégoûtante : et je tiens qu’un homme bien sain s’en accommoderait assez.
GÉRONTE.- Vous l’avez fait rire, Monsieur.
SGANARELLE.- Tant mieux, lorsque le médecin fait rire le malade, c’est le meilleur signe du monde. Eh bien ! de quoi est-il question ? qu’avez-vous ? quel est le mal que vous sentez ?
LUCINDE répond par signes, en portant sa main à sa bouche, à sa tête, et sous son menton.- Han, hi, hon, han.
SGANARELLE.- Eh ! que dites-vous ?
LUCINDE continue les mêmes gestes.- Han, hi, hon, han, han, hi, hon.
SGANARELLE.- Quoi ?
LUCINDE.- Han, hi, hon.
SGANARELLE, la contrefaisant.- Han, hi, hon, han, ha. Je ne vous entends point : quel diable de langage est-ce là ?
GÉRONTE.- Monsieur, c’est là, sa maladie. Elle est devenue muette, sans que jusques ici, on en ait pu savoir la cause : et c’est un accident qui a fait reculer son mariage.
SGANARELLE.- Et pourquoi ?
GÉRONTE.- Celui qu’elle doit épouser, veut attendre sa guérison, pour conclure les choses.
SGANARELLE.- Et qui est ce sot-là, qui ne veut pas que sa femme soit muette ? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie, je me garderais bien de la vouloir guérir.
GÉRONTE.- Enfin, Monsieur, nous vous prions d’employer tous vos soins, pour la soulager de son mal.
SGANARELLE.- Ah ! ne vous mettez pas en peine. Dites-moi un peu, ce mal l’oppresse-t-il beaucoup ?
GÉRONTE.- Oui, Monsieur.
SGANARELLE.- Tant mieux. Sent-elle de grandes douleurs ?
GÉRONTE.- Fort grandes.
SGANARELLE.- C’est fort bien fait. Va-t-elle où vous savez ?
GÉRONTE.- Oui.
SGANARELLE.- Copieusement ?
GÉRONTE.- Je n’entends rien à cela.
SGANARELLE.- La matière est-elle louable [14] ?
GÉRONTE.- Je ne me connais pas à ces choses.
SGANARELLE, se tournant vers la malade.- Donnez-moi votre bras. Voilà un pouls qui marque que votre fille est muette.
GÉRONTE.- Eh ! oui, Monsieur, c’est là son mal : vous l’avez trouvé tout du premier coup.
SGANARELLE.- Ah, ah.
JACQUELINE.- Voyez, comme il a deviné sa maladie.
SGANARELLE.- Nous autres grands médecins, nous connaissons d’abord [15] , les choses. Un ignorant aurait été embarrassé, et vous eût été dire : "C’est ceci, c’est cela" : mais moi, je touche au but du premier coup, et je vous apprends que votre fille est muette.
GÉRONTE.- Oui, mais je voudrais bien que vous me pussiez dire d’où cela vient.
SGANARELLE.- Il n’est rien plus aisé [16] . Cela vient de ce qu’elle a perdu la parole.
GÉRONTE.- Fort bien : mais la cause, s’il vous plaît, qui fait qu’elle a perdu la parole ?
SGANARELLE.- Tous nos meilleurs auteurs vous diront que c’est l’empêchement de l’action de sa langue.
GÉRONTE.- Mais, encore, vos sentiments sur cet empêchement de l’action de sa langue ?
SGANARELLE.- Aristote là-dessus dit... de fort belles choses.
GÉRONTE.- Je le crois.
SGANARELLE.- Ah ! c’était un grand homme !
GÉRONTE.- Sans doute.
SGANARELLE, levant son bras depuis le coude.- Grand homme tout à fait : un homme qui était plus grand que moi, de tout cela. Pour revenir, donc, à notre raisonnement, je tiens que cet empêchement de l’action de sa langue, est causé par de certaines humeurs qu’entre nous autres, savants, nous appelons humeurs peccantes [17] , peccantes, c’est-à-dire... humeurs peccantes : d’autant que les vapeurs formées par les exhalaisons des influences qui s’élèvent dans la région des maladies, venant... pour ainsi dire... à... Entendez-vous le latin ?
GÉRONTE.- En aucune façon.
SGANARELLE, se levant avec étonnement.- Vous n’entendez point le latin !
GÉRONTE.- Non.
SGANARELLE, en faisant diverses plaisantes postures.- Cabricias arci thuram, catalamus, singulariter, nominativo hæc Musa, "la Muse", bonus, bona, bonum, Deus sanctus, estne oratio latinas ? Etiam, "oui", Quare, "pourquoi ?" Quia substantivo et adjectivum concordat in generi, numerum, et casus [18] .
GÉRONTE.- Ah ! que n’ai-je
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