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La net economie

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Par   •  4 Juillet 2014  •  4 695 Mots (19 Pages)  •  640 Vues

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Mise en ligne janvier 2003

par Geert Lovink

Cet article examine l’univers d’Internet après le boom et le crash de la net-économie. Il investigue la façon dont les gourous libertariens et les éditorialistes en vogue répondent à la plongée du NASDAQ en avril 2000.Il examine également le dernier ouvrage de Manuel Castells La galaxie Internet et la position ambivalente de Castells à l’égard de la réalité de la SiliconValley et de la « bulle » des dotcoms.

L’an 2000 ayant été celui de l’effondrement du NASDAQ, il était inévitable que 2001 nous amène sa fournée d’autobiographies pleurnichardes sur la déroute des dotcoms. Bien que très différents, tous ces récits ont en commun un désir de faire partager l’excitation de leur moment historique particulier, une intense volonté d’être « les premiers », et un culte collectif du travail acharné, presque esclavagiste, mais en même temps ludique, caractéristique des dotcoms : « Bossez dur, rigolez bien, entrez dans l’Histoire » (amazon.com). Leur confiance inébranlable envers les technologies des réseaux et leur foi en leur potentiel commercial sont stupéfiantes. Les origines idéologiques du modèle dotcom n’y sont l’objet d’aucun questionnement.

Après coup, on peut allégoriquement présenter les années dotcoms comme les « quatre-vingt-dix rapaces ». Les start-ups combinaient mythologies de la prise de risque entrepreneuriale et promesse d’une « richesse pour tous » Dans cette galaxie technologique à l’expansion illimitée, il y avait de la place pour tout le monde. Avec les toqués d’informatique et les boursicoteurs en ligne dans le rôle des héros, et les fournisseurs de capital-risque dans celui des parrains, la saga des dotcom raconte l’histoire de la techno-culture transformée en « tube ». Pendant une courte période (1998-2000) la rhétorique de la Nouvelle Économie fit un tabac. Internet était passé du domaine réservé des experts à celui du monde des affaires. Quelques années seulement après l’éclatement de la bulle, nous voyons s’estomper les récits romantiques ; mais revenons un peu en arrière, et jetons un coup d’œil sur leur âge d’or, pour voir comment celui-ci a été interprété à la lumière de la récession Internet des années 2001-2002.

Le système solaire dotcom

Le marché expansif de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix convainquit analystes financiers, investisseurs, experts-comptables et même régulateurs que tant que les cours se maintenaient à la hausse, il n’y avait aucune raison de mettre en question les pratiques managériales des « jeunes pousses ». Mais tout changea brutalement. Alors que les faillites de plus en plus fréquentes des dotcoms défrayaient la chronique à partir de mars 2000, l’année suivante vit l’effondrement de l’indice NASDAQ éclipsé par une récession généralisée et de bien plus grande ampleur, par le 11 septembre et par la déroute de firmes géantes comme Enron et Global Crossing.

La déconfiture d’Enron a été désignée comme la première fable morale de l’ère de l’après boom, et l’immense attention qu’elle attira de la part des médias représente un tournant hautement symbolique. « Et, comme pour confirmer qu’une époque était révolue, la septième plus grande entreprise du pays, une firme qui s’était "réinventée" en utilisant les outils et les principes en vogue - la technologie, la foi au marché, le lobbying pointu, et la capacité de profiter de la dérégulation pour créer de nouvelles activités commerciales - tout cela fit "Pschuit !" » [1] Enron aurait été l’incarnation de la mentalité « faites-une-fortune-monstrueuse-en-un-rien-de-temps » qui poussa autour de la rencontre entre technologie numérique, dérégulation et mondialisation. Elle enfourchait l’ « esprit du temps » : vitesse, dernier cri, nouveauté et esbroufe [2]. Enron était censée être une entreprise « qui pense en dehors des sentiers battus », « qui altère les paradigmes », et « qui crée son propre marché ». Elle avait d’ailleurs été élue quatre ans d’affilée par ses pairs envieux comme la firme la plus innovante des États-Unis. Le noyau dur, l’élément le plus performant de la firme était sa plate forme web de transactions énergétiques. Internet en effet se trouva être le vecteur idéal pour distribuer ce « produit ». « Le pétrole n’était vraiment pas cool. Mais ses dérivés par contre, étaient "hot". On conseilla alors aux entreprises de se débarrasser de leurs avoirs "durs", de toutes ces usines et tous ces puits de pétrole qui sont comme des boulets aux pieds dans le grand saut en avant numérique. Le bon plan, c’était de se concentrer sur la marque et le marketing ». [3] Ceux qui tentèrent d’imposer la discipline traditionnelle du bilan se virent traiter de ronds-de-cuirs incapables de saisir les nouvelles mesures de santé commerciale. Wall Street était à la recherche de ces « nouvelles mesures », censées quantifier l’immatériel génie de l’innovation, et il apparut que la mesure considérée la plus fiable était le clignotement des cours quotidiens des actions en bourse. Quand ce cours dégringola, c’en fut fini d’Enron. Nouvel état d’esprit, à mille lieues de l’euphorie précédente : « plus fort une firme proclame : "marché libre !", plus on a envie d’examiner ses comptes de près - à supposer qu’ils n’aient pas déjà été réduits en lambeaux ». [4] Et au bout du chemin c’est la finalité même de l’entreprise qui était en jeu : faire de l’argent, ou créer de la valeur et offrir des services à des consommateurs ? [5] Tout d’un coup il y avait un gouffre entre « les pompiers courageux qui faisaient leur devoir en s’engouffrant dans les tours en flamme sans récriminer à propos des pensions auxquelles leurs veuves auraient droit, et les patrons d’Enron vendant leurs actions quand les cours commencèrent à flancher, sans prévenir leurs employés qui ensuite virent leur retraites, fondées sur leurs investissements dans la firme, partir en fumée ». [6]

Une foi aveugle en la « Nouvelle Économie » ainsi qu’un laisser-faire absolu caractérisèrent la fin des années quatre-vingt-dix. Et quand le crash des dotcoms eut lieu, on fit suivant les cas porter le chapeau aux années soixante, au libéralisme, au retour du matérialisme, à Bill Clinton, et même au mouvement écologiste. [7] Il sembla alors que la seule façon de trouver une réponse à la crise était de postuler une différence entre « le pur et l’impur » entre l’Internet californien, bien sûr innocent, moral et alternatif, et l’Internet « malpropre », blanchisseur

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