Médiamétrie
Fiche de lecture : Médiamétrie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar erezaora • 14 Mars 2014 • Fiche de lecture • 2 393 Mots (10 Pages) • 603 Vues
Selon une enquête Médiamétrie réalisée en France en janvier 2007, plus de 53 % des foyers français possèdent un ordinateur personnel à domicile et plus de 43 % des Français de plus de 11 ans ont un accès à domicile. Les évolutions dans les autres pays développés ayant précédé la France dans l'utilisation d'Internet laissent penser que 75 % de la population française disposera d'Internet à domicile d'ici 5 à 7 ans. Né dans les années 1960 dans le cadre des projets de recherche informatique du ministère de la Défense américain, Internet a, à l'origine, une application militaire. Le courrier électronique est inventé en 1972 et les premiers serveurs ont été implantés aux États-Unis à la fin des années 1980. L'application du web, telle que nous la connaissons aujourd'hui, date des années 1990. En moins de vingt ans, Internet est donc devenu un phénomène mondial. On comptait 100 millions d'internautes en 1997 ; ils sont 1,4 milliard d'utilisateurs en mai 2008. C'est dire qu'Internet constitue un nouvel outil de communication et d'information en développement rapide.
Aussi, dans le cadre de ses utilisations multiples, on peut se demander en quoi Internet constitue un lieu nouveau pour le débat public. La notion de débat public implique des échanges multiples d'idées participant aux décisions qui touchent l'ensemble des activités du citoyen. On a ainsi coutume de distinguer en démocratie les espaces d'expression (on parle d'« espace public ») et les espaces de décision, de délibération (« espace politique »). Cela revient à dire qu'Internet est un nouveau lieu de l'espace public où s'expriment et s'échangent des arguments pouvant aboutir à des décisions politiques, à toutes les échelles (du niveau local au niveau européen et mondial). La forme affirmative du sujet montre qu'il s'agit d'un fait avéré dont il s'agit de déterminer la portée et les limites.
On peut ainsi s'interroger sur la place d'Internet dans le débat public : est-ce une révolution qui développe la démocratie participative (I), ou plutôt un leurre pour le citoyen et un moyen permettant au politique de détourner le débat public (II) ?
I. Internet, la force d'un nouveau média dans le débat public
A. Toute démocratie se construit à travers l'expression et l'échange d'idées entre les personnes (démos) ou les groupes. Bien avant l'apparition des médias (au sens moderne du mot), le débat public existait et représentait l'espace d'expression des citoyens. Dans toutes les cités grecques, de l'époque archaïque à l'époque hellénistique, l'agora était le cœur de la vie sociale : le lieu où l'on traitait les affaires commerciales mais aussi où l'on parlait des affaires de la cité. Tout naturellement, dans une cité démocratique comme Athènes, c'est sur cette place, située au cœur de la ville et au pied de l'Acropole, qu'eurent lieu les premiers débats entre citoyens libres. Aujourd'hui encore, le terme agora est souvent employé, en particulier sur Internet, pour qualifier un espace d'échanges et de débats entre citoyens ou entre internautes, s'exprimant à égalité. Chez les Romains également, le forum était la place publique où les citoyens se réunissaient pour traiter des affaires politiques. Là encore, le mot est aujourd'hui utilisé pour désigner les sites d'échanges via Internet.
Avec la Renaissance et l'invention de l'imprimerie, puis avec la diffusion des premiers journaux (Théophraste Renaudot lance La Gazette en 1631), le débat public passe aussi par le vecteur de l'écrit. La presse populaire vit ses heures de gloire à la fin du xixe siècle et dans le premier quart du xxe siècle : l'espace public s'agrandit, tout du moins pour ceux qui savent lire. Puis les médias de masse (radio, puis télévision) introduisent le débat public au sein même de chaque foyer. Internet est, dans ce cadre, un support essentiel pour l'accès à l'information, un espace incomparable pour les activités d'échange, de création, d'expression. Le débat public investit Internet pour qui y a accès et sait s'en servir.
B. Certes, être utilisateur d'Internet ne signifie pas pour autant participer au débat public. Pourtant, comment ne pas reconnaître que ce nouveau média favorise l'expression des idées ? Internet et le web (la « Toile ») ont placé accès et expression dans une relation plus équilibrée qu'aucun autre média par le passé. Au troisième trimestre 2006 en France (enquête Médiamétrie), 8,7 millions d'internautes ont consulté un blog, c'est-à-dire un site personnel où peuvent être déposés des textes ou articles classés du plus récent au plus ancien. Les hommes politiques, par exemple, utilisent ce moyen pour consulter leur base. À l'échelle locale, le blog peut servir de moyen d'échanges, lorsqu'un projet d'aménagement est envisagé, pour recueillir l'opinion de la population. On parle ainsi de « blogosphère » pour désigner ces nouveaux lieux du débat public. Mais la distribution de ces internautes en termes de situation sociale, de sexe et d'âge est différente de celle de la population dans son ensemble. Les blogs mobilisent un public plutôt jeune (largement absent du débat public traditionnel) pour s'élargir aux personnes plus âgées. Ils mobilisent beaucoup plus de femmes qu'aucune autre modalité d'expression classique. Les bloggeurs appartiennent surtout aux milieux favorisés et de niveau d'éducation supérieur mais la part des ouvriers, employés, voire agriculteurs est loin d'être négligeable. On assiste donc, via Internet, à la naissance d'un espace où le débat public peut s'exprimer librement et sans contrôle (apparent).
Outre les blogs, Internet est un formidable outil de l'expression publique et du partage d'informations : mise en ligne et partage de photographies, de vidéos, publication collaborative, etc. Lors de la campagne présidentielle de 2007, on a beaucoup parlé de « démocratie participative », en particulier chez la candidate des partis de gauche, Ségolène Royale. Internet est sans doute un excellent moyen pour accroître la participation du citoyen au débat public et à la décision politique. On oppose fréquemment la « démocratie participative » à la « démocratie représentative ». Cette dernière, appelée parfois « démocratie délégative », repose sur le principe de délégation, par lequel des représentants élus incarnent la volonté générale et
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