Laetitia ou la fin des hommes
Mémoire : Laetitia ou la fin des hommes. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Baptiste Faure • 11 Janvier 2017 • Mémoire • 4 620 Mots (19 Pages) • 1 011 Vues
UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES
FACULTÉ DE SOCIOLOGIE
LA FIN DES HOMMES ?
Erwin DURAND
N°10381451
Baptiste FAURE DARAN
N°10409592
Cours de sociologie du genre – Enseignante : Marie DOGA
Licence de sociologie – 2ème année – 2016/2017
Introduction
Laëtitia est un livre d’Ivan Jablonka, sociologue et historien, qui met en scène un « fait divers » de janvier 2011 qui a secoué la France entière. C’est l’histoire de Laëtitia Perrais, 18 ans, sœur jumelle de Jessica, toutes deux filles de père alcoolique, qui a battu et violé leur mère jusqu'à la rendre folle, l’histoire d’une jeunesse anéantie par l’existence avant même d’avoir commencé à vivre. Comme le remarque la journaliste Fabienne Pascaud de Télérama « Jean Genet, Truman Capote, Michel Foucault ou Emmanuel Carrère ont eux aussi tiré un « roman » de monstrueux faits divers. Mais ils l’ont fait du côté des prédateurs qui obscurément les fascinent ». A contrario, Jablonka choisit la proie qu’il n’appellera jamais victime, refusant de résumer son existence à son seul drame.
Si l’on revient aux 4 dimensions qui caractérisent le concept de genre, le livre nous apprend à chaque fois quelque chose :
- on y retrouve la question de la rupture avec l’essentialisme (le récit sur l’éducation de Laëtitia montre la forces des empreintes culturelles) ;
- Jablonka expose aussi un schéma des perspectives relationnelles entre les hommes et les femmes tout au long du roman et à différents niveaux (Laëtitia et les garçons, son père et sa mère, son père adoptif et sa mère adoptive). ;
- le livre témoigne aussi clairement du rapport de domination presque omniprésent (dans l’affaire comme dans la vie antérieure de Laëtitia) ;
- enfin, de manière plus subtile, l’ouvrage rappelle la pluralité des facettes dans l’intersectionnalité du genre (toutes les caractéristiques d’un individu qui relient et orientent sa trajectoire de vie).
Il y a deux sens dans le titre de l’ouvrage « Laëtitia ou la fin des hommes » : La fin des Hommes comme fin de l’humanité à l’image du crime commis (viol, meurtre, cadavre découpé en morceaux puis noyé dans un lac à l’aide d’une nacelle) ; La fin de la domination masculine (ce genre de violences qui, un siècle plus tôt, n’aurait sûrement pas ému toute la France, ni même interpellé le Président de la République)
C’est la deuxième manière de voir ce titre qui va nous intéresser dans notre étude. Nous tenterons de réfléchir avec Jablonka sur la possible « fin des hommes » qu’il nous décrit, en cherchant à comprendre toutes les significations du sous-titre proposé. Nous verrons dans un premier temps le genre et le sexe comme construction sociale pour dans un second temps se pencher sur la domination masculine, phénomène qui tend à disparaître ?
I. Une construction sociale du genre
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », tel est la première phrase de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, rédigée par la France et qui servira de modèle à bon nombre de pays autour du globe. Cette phrase n'est pas anecdotique, elle précise que tout les hommes ont les mêmes droits au sein de la république Française nouvellement constituée, et part tout les « hommes » ont entend par la le genre masculin. Le genre féminin est volontairement écarté d'un principe fondateur de notre pays : L'égalité.
Ce principe est le fondement même de toute société qui se dit « démocratique » et les femmes en ont été initialement écartée, il faudra attendre le 28 octobre 1791 pour que l'assemblée législative étudie « la déclaration de la femme et du citoyenne » rédigée par l'écrivaine Olympe de Gouges (qui sera décapitée en 1793 pour ses positions féministes entre autres), déclaration qui ne sera jamais adoptée.
Par cet exemple nous entendons montrer que l'égalité homme-femme n'est pas un combat sans « origine », sans « revendication » précise et qu'elle trouve ses fondements bien avant notre époque contemporaine et moderne, que c’est un combat permanent et que nombres d'obstacles se dressent face a cette réalisation.
L’homme a toujours, dès sa naissance, a été différencié de la femme. On ne lui donne pas la même éducation, pas les mêmes valeurs, pas les mêmes façons de se comporter. Il est le garant d'une « stabilité » familiale, étatique, culturelle. Il est donc placé directement au premier plan dans toutes les fonctions de la vie quotidienne, et le restera jusqu'à très récemment.
Cette différentiation « forcée » entre hommes et femmes conditionne notre façon de vivre, elle est le moteur de nos comportements sociétaux. Une « éducation genrée » fait de nous ce que nous sommes, l'homme doit être viril au quotidien, et par conséquent son éducation ne l'est pas moins. On lui apprend tout au long de sa vie d'enfant et d'adolescent à se comporter en homme : Les jeux, les relations, les comportements sentimentaux sont minutieusement et fortement orientés vers une dimension de dureté (pas de pleurs, des jeux violent ==> guerre, western, …).
A l'inverse l’éducation féminine prône une certaine forme de légèreté (poupée, chevaux, …) couplée avec une forme prédominante de dignité (la femme doit encaisser sans broncher, tenir la maison familiale). Il y a donc une éducation fortement différente entre les 2 sexes, et au delà de l'éducation c'est notre vie toute entière qui est conditionnée par cette différentiation volontaire. Elle nous dicte nos choix, de notre naissance jusqu'à notre mort, elle est la pierre angulaire de nos sentiments, de nos choix de vie et de nos comportements vis à vis des autres.
a. Le genre et le culturalisme
D’où l’intérêt de rapprocher notre étude du courant sociologique culturaliste et de son analyse sur l'évolution des individus. Ainsi, avant de mettre les 2 sujets en relation, il est bon d'expliquer brièvement ce qu'est le culturalisme. Le culturalisme est un courant de pensée sociologique, anthropologique et philosophique du début des années 30. Initié et conceptualisée par l'anthropologue Ruth Benedict, ce courant de pensée met en avant le fait que les individus, tout au long de leur vie, évoluent avec un comportement dicté par la culture (familiale et/ou ethnique). Ainsi leurs attitudes et leur réaction du quotidien ne seraient pas le fruit d'une réflexion personnelle seule, mais bien d'une dualité entre la réflexion personnelle de l'individu et de sa réflexion que je qualifierai de « non-consciente » qui est dictée par le milieu dans lequel il a évolué.
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